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lundi 13 juillet 2020

L'effet du temps sur la "singularité naturelle" de l'Égypte, par Félix Benoît

rue du Caire - photochromie, 1895 - auteur non mentionné

"L'Égypte d'aujourd'hui a gardé son charme et son originalité, comme au temps où le Père de
l'histoire disait d'elle qu’elle renfermait plus de particularités intéressantes que quel autre pays ; de même que le climat y est réglé d’une manière inaccoutumée, et que le fleuve s’y distingue de tous les autres cours d’eau par sa nature, de même les habitants se distinguent de tous les autres hommes sous tous les rapports, par les moeurs comme par les lois. Jusqu’à présent le temps n’a réussi que fort peu à dépouiller l'Égypte de sa singularité naturelle. Toutefois, les lois et les mœurs ont changé profondément ; l’érudit seul retrouve dans les usages actuels des souvenirs et des legs des temps passés. 
Dans les maisons aisées, les sofas et les commodes d'Europe se substituent aux divans et aux bahuts bien travaillés ; on ne boit plus le café dans un fingân de métal richement ciselé, mais dans des tasses de porcelaine. Tous les traits caractéristiques de l’Orient, grands et petits, sont chassés et s’en vont de plus en plus ; dans quelques années, ils auront entièrement disparu. Aucun d'eux pourtant ne s’est effacé sans laisser de trace. L'œil de l'artiste trouve encore, dans les villes et dans les bourgs, dans les rues et dans les maisons, en plein air ou sous la tente, parmi les nobles, les citadins, les paysans et les enfants du désert, dans les fêtes consacrées au deuil ou à la joie, dans le travail et dans les loisirs des habitants des bords du Nil, les vieilles formes bariolées, pittoresques, attrayantes, belles d’une beauté singulière ; des débris superbes se sont conservés encore de trois grandes époques de l’art : l'égyptienne, la grecque, l'arabe. Mais toutes les singularités de la vie orientale se seront écoulées dans quelques années.
Avant cette disparition, nous avons tenu à dire ce qui nous a frappé dans l'Égypte actuelle. Pour bien étudier la nation égyptienne actuelle, nous avons pris part à ses récréations, à ses fêtes, à ses joies et à ses chagrins. Nous nous sommes fait oriental et c’est comme tel que nous avons observé la vie populaire égyptienne et le jeu des relations en Orient. N'ayant pas assez du spectacle des réjouissances publiques, dans la rue, nous avons pénétré dans la famille, nous avons partagé l'existence cairote. Nous allons donc initier le lecteur à ce que nous avons vu."

extrait de À travers l'Égypte, par Félix Benoît (1917 - 1995), historien français, ingénieur civil, contrôleur des Mines, officier de l'Instruction publique.