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mardi 2 octobre 2018

"Ce ne fut pas sans un sentiment de tristesse que je foulai aux pieds les restes de Memphis" (Édouard de Montulé)

Dessin de Memphis, 1849, extrait de Monuments from Egypt and Ethiopia to the drawings of the kings of Prussia, Friedrich Wilhelm IV to these countries sent by his Majesty and ausgefuhrten in the years 1842-1845
 "Le soleil n'était pas encore levé, que déjà nous étions sur la route de Memphis. Toutes les pyramides s'étendaient devant nous sur les roches sablonneuses qui bordent la partie fertile de l'Égypte, du côté de la Libye ; nous n'avions pas fait deux lieues que nous nous trouvions au milieu des ruines de cette ville, presque au pied du désert ; un canal l'en séparait autrefois. 
Que reste-t-il de cette cité si fameuse entre toutes les cités ? Que reste-t-il de cette Memphis dont le nom seul commande encore l'admiration ? Quelques monticules de ruines couverts de dattiers, et, d'espace en espace, des membres épars de statues colossales en granit qui ne semblent avoir survécu aux révolutions que pour indiquer que les Égyptiens avaient travaillé là.
Si je n'eusse pas visité Thèbes et la Haute Égypte, si je n'eusse vu partout que tout ce qui n'était pas monument public est rentré sous le niveau des terres, je me fusse difficilement figuré que cet assemblage de collines renfermât les restes d'une grande ville. En effet, écartées les unes des autres, elles sont séparées par des plaines que les débordements du Nil ont parfaitement égalisées. 

En y réfléchissant, on croira peut-être que les monuments de Memphis ne furent jamais aussi vastes et aussi gigantesques que ceux de Thèbes, à laquelle elle succéda. Des portes comme celles de Carnack ou d'Etfu, peuvent être déformées, détruites, abattues, il en restera toujours une pyramide, une montagne de pierres de taille ; mais rien n'indique à Memphis aucun de ces vestiges. 
Comme cette ville se trouvait plus que les autres à la portée des Perses, ils la détruisirent aussi plus complètement. Les Grecs, les Romains, les Arabes, et en dernier lieu les Turcs, en exportèrent, pièce à pièce, presque tous les monuments. Les palais du Caire, les mosquées nombreuses qui décorent cette ville, présentent un grand nombre de colonnes en granit ou en marbre, qui n'ont certes pas été travaillées dans les temps modernes. Les monuments de cette dernière matière se trouvent rarement dans les ruines d'Égypte ; je ne me rappelle avoir vu que deux colosses en avant d'une porte à Thèbes ; ils sont de marbre blanc, et M. Savary a presque toujours donné ce nom à des pierres calcaires à peu près semblables à celles de Paris ; ce qu'il y a de surprenant, c'est que toutes ces colonnes sont monolithes (d'une seule pièce), et qu'on n'en voit aucune de cette sorte dans les ruines égyptiennes.
Ce ne fut pas sans un sentiment de tristesse que je foulai aux pieds les restes de Memphis ; en vain mes yeux cherchaient l'emplacement du temple de Vulcain que Ménès, son fondateur, avait bâti, et que tant de rois s'étaient plu à embellir ; j'interrogeais chaque colline, aucune ne me parut recéler ce vaste monument.
J'avais mis pied à terre, je me promenais sous les dattiers, lorsqu'un renard m'apparut tout à coup ; je ne pus l'atteindre, il entra dans son terrier. Peut-être quelque temple, quelque palais, autrefois l'admiration des hommes, lui sert-il de refuge !"


extrait de Voyage en Amérique, en Italie, en Sicile et en Égypte, pendant les années 1816, 1817, 1818 et 1819, tome 2, par Édouard de Montulé (1792-1828), voyageur français