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lundi 4 juillet 2022

"Le Nil est le créateur de l'Égypte" (Olympe Audouard - XIXe s.)

photo de Zangaki - 1880

"L'Égypte ne ressemble à aucune autre contrée : elle surprend, étonne et charme le voyageur. Immense oasis au milieu du désert, grande plaine dont le Nil est le centre, contrée dont l'antiquité se perd dans la nuit des temps, où tout est merveilleux et miraculeux, qui ne ressemble à aucune autre, qui a son cachet personnel, qui est elle enfin, qui a été créée par le Nil, qui est la fille de ce fleuve fait dieu par les Égyptiens, fleuve qui la féconde en déposant sur ses terres son limon gras et bienfaisant, l'Égypte commence où les eaux du Nil arrivent, et finit là où elles s'arrêtent.
Son sol sablonneux ne peut recevoir la fertilité que des eaux du Nil seulement. Ainsi, si vous arrosez une étendue de terrain avec de l'eau transportée d'Europe, ou de l'eau de pluie, elle restera infertile ; ce qu'il lui faut, ce sont ces eaux, mélangées de ce gras limon.
C'est ce qui avait donné naissance à cette ancienne fable des Égyptiens : Isis (la terre) est, disent-­ils, l'épouse féconde d'Osiris (nom sacré du Nil) ; Nepthys (la terre du désert) est l'épouse stérile de Typhon (la pluie), qui ne pourrait enfanter que par un adultère avec Osiris.
C'est­-à-­dire que la terre d'Égypte ne peut être fécondée que par les eaux du Nil, ce qui est parfaitement exact.
On comprend sans peine que les anciens Égyptiens aient vénéré ce fleuve, lui aient rendu des honneurs divins ; en effet, comme le remarquait judicieusement Hérodote, le Nil est le créateur de l'Égypte ; c'est ce limon qu'il dépose sur son sable qui d'abord le rend fécond, puis exhausse le terrain de telle façon qu'il gagne sur la mer. Il est facile de voir de combien il a empiété, car, à de très longues distances de la mer, le sable est mélangé de coquillages, et il a une forte dose de saumure. On trouve des coquillages sur les hauteurs; les pierres du désert sont polies et façonnées par le roulement des flots."

extrait de Les mystères de l'Égypte dévoilés, par Olympe Audouard (1832-1890), écrivaine voyageuse féministe française

vendredi 8 avril 2022

"La haute Égypte, la Thébaïde des anciens, charme l'oeil par la richesse de ses ruines, par les souvenirs qu'elle évoque" (Olympe Audouard - XIXe s.)

Vue des ruines de Louxor depuis le Nil, par David Roberts (1796 - 1864)

"L'Égypte est, comme on le sait, divisée en basse Égypte, moyenne et haute Égypte. Chacune de ces provinces a son cachet spécial.
La haute Égypte, la Thébaïde des anciens, charme l'oeil par la richesse de ses ruines, par les souvenirs qu'elle évoque. À chaque pas l'on rencontre les restes de ces grands monuments, 
chefs-d'œuvre d'architecture, avec leur caractère imposant et leurs sculptures emblématiques.
Thèbes, cette ancienne et superbe cité, bâtie elle-même sur des ruines si anciennes qu'elles remontent à... qui jamais pourra le dire ? peut-être un jour quelques débris de monuments, quelques pierres sorties du sable, l'indiqueront-elles à nos savants.
Thèbes, chantée par Homère, et qui après vingt-quatre siècles de désolation conserve encore des ruines si grandiosement belles que l'on s'arrête devant elles saisi d'une admiration et d'une émotion indéfinissables.
Elle était la capitale religieuse et politique de l'Égypte, et aussi la ville commerciale la plus riche du royaume. C'est dans cette toute royale cité, dit Homère, qu'étaient entassées toutes les richesses de l'Orient.
Aussi rien n'égalait sa splendeur. Diodore de Sicile, qui l'avait visitée l'an 67 avant Jésus-Christ, nous dit que les fondateurs de Thèbes en avaient fait la ville la plus grande du monde entier ; que ses temples aussi bien que ses autres monuments étaient magnifiques, que les maisons des particuliers s'élevaient 
jusqu'à quatre et cinq étages, que rien n'égalait la beauté des statues en or, en argent, en ivoire, que l'on y voyait, ainsi que celle des obélisques monolithes que l'on y remarquait, et que quatre temples se faisaient admirer surtout par leur magnificence, en premier celui de Karnak, qui n'avait pas moins de treize stades de pourtour.
Puis il nous parle du fameux tombeau du roi Asymandgas, qui était une merveille.

C'est aussi Thèbes la superbe qui avait ces deux colosses monolithes dont l'un était cette fameuse statue parlante qui, aux premiers rayons du soleil, rendait un son doux et plaintif, statue dont on aperçoit encore aujourd'hui les débris.
Rien ne peut exprimer, la plume est impuissante à peindre, le coup d'œil que le regard charme embrasse du haut de cette colline d'Abd-el-Kournah, qui se trouve près de Louksor. À ses pieds, l'on voit l'immense plaine où sont amoncelées les ruines de cette Thèbes aux cents portes, qui n'avait pas moins, nous dit Diodore de Sicile, de 140 stades (24 kilomètres) de circonférence. On aperçoit le Nil qui, comme un large ruban argenté, coule du sud-ouest au nord-est, et qui, partagé en plusieurs canaux par quatre îles vertes et coquettes, est du plus joli effet.
Une double chaîne de hauteurs enveloppe la plaine à droite et à gauche et lui fait comme un rempart naturel.
On reste là, ému et impressionné, à considérer ce qui reste de cette splendeur passée, et l'on se complaît à rebâtir par ce grand architecte, l'imagination, Thèbes telle qu'elle était.
Je le répète, la haute Égypte a un charme, un attrait tout particuliers, à cause des vrais chefs-d'oeuvre que l'on rencontre à chaque pas.
Elle vit sur son passé. Sa gloire a été si grande que pendant bien des siècles encore elle rejaillira sur elle, quoique à présent elle ne soit plus qu'une misérable bourgade."


extrait de Les mystères de l'Égypte dévoilés, par Olympe Audouard (1832-1890), écrivaine voyageuse féministe française

samedi 22 septembre 2018

Quand Olympe Audouard "dévoile" les mystères de l'Égypte

Le Caire, par Félix Bonfils (1831-1885)
"Le beau ciel d'Égypte a été vanté par bien des auteurs, et avec raison ; il est constamment pur, son azur est d'un bleu qui n'est taché d'aucun nuage ; jamais un éclair ne déchire la nue. Le jour, le ciel est d'un bleu blanchâtre ; l'atmosphère y est d'un lumineux qui étonne, charme, mais qui, à la longue, fatigue la vue ; alors que le soleil est près de dire adieu pour douze heures à cette terre-là, le ciel devient d'un splendide dont rien n'approche ; il a des teintes que jamais peintre ne pourra reproduire, teintes safran ardent. Le Nil devient d'une transparence inouïe, le ciel se mire dans ses eaux comme dans une belle glace de Venise ; les bouquets de palmiers, les villages qui bordent ses rives, se reflètent eux aussi dans ses eaux.
Celui même qui n'est pas poète se sent pris dans ce moment d'une indéfinissable rêverie ; son âme, à son insu, s'élève vers le créateur de ces merveilles ; la pensée voyage dans l'infini, dans le vague ; les yeux, éblouis, étonnés, contemplent ce spectacle dont aucun pinceau, aucune plume, ne saurait faire le fidèle tableau.
Si, au Caire, de l'esplanade qui se trouve devant la forteresse, là où l'on vous montre le saut du Mamelouk, vous assistez au coucher du soleil, vous êtes forcé de
convenir que jamais spectacle si grandiose, si saisissant, n'a frappé votre regard.
Le soleil, prêt à disparaître derrière ces colosses de pierres, les pyramides, donne au ciel mille couleurs brillantes. Au couchant, il est d'une couleur orange lumineuse ; au levant, il est rose. L'arc-en-ciel traverse le ciel, le sépare, lui faisant comme une brillante ceinture ; on dirait qu'une poudre d'or tombe en poussière sur le Caire. Les mosquées aux flèches élancées, les maisons mauresques à la fine et élégante architecture, les arbres, se dessinent nettement dans l'atmosphère, qui, à ce moment du jour surtout, devient d'une transparence qu'on ne retrouve dans aucun autre pays. Puis le soleil disparait, la nuit descend peu à peu sur la ville, l'enveloppe de ses voiles ; à ce moment-là encore, les mille minarets du Caire, ses beaux palais, son île de Boulak, les pyramides, vus dans cette demi-obscurité, font un effet charmant.
Le clair de lune en Égypte est encore une chose qui étonne et charme ; il est si brillant, qu'à sa clarté on peut lire et écrire. Le Caire, vu de la citadelle au clair de lune, fait l'effet d'une de ces villes fantastiques des Mille et une Nuits."


extrait de Les mystères de l'Égypte dévoilés, 1866, par Olympe Audouard (1832-1890), écrivaine voyageuse féministe française