Affichage des articles dont le libellé est de Carcy (Charles-Frédéric-Alexandre André). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est de Carcy (Charles-Frédéric-Alexandre André). Afficher tous les articles

lundi 18 novembre 2019

"Les Pyramides élèvent notre pensée, comme les choses vraiment belles" (Charles de Carcy)

photo de Zangaki
 "Les Pyramides sont restées, depuis six mille ans, les témoins constants, - immuables, - de l'apparition et de l'anéantissement successifs de tant de générations éteintes, - de tant de dynasties, - de tant de misères et de grandeurs tombées dans l'oubli, sans laisser un souvenir des agitations de leur éphémère importance. Aussi ne fait-on pas le trajet jusqu'aux Pyramides sans être absorbé par des pensées philosophiques sur les milliers d'années d'existence de ces masses colossales, qui n'auront eu qu'un atome de durée entre l'infini du passé et l'infini de l'avenir.
(...)

Les Pyramides étaient des tombeaux hermétiquement clos après qu’on avait ménagé intérieurement la chambre de sépulture du roi. On ne pouvait parvenir à cette chambre que par une série de couloirs fermés, de puits bouchés en différents endroits, et disposés de manière à ce que les tombes fussent inabordables.
On semble avoir cherché à rendre aussi difficile que possible la recherche des chemins étroits qui seuls conduisaient à la salle sépulcrale. Chacune des Pyramides avait un temple extérieur qui s’élevait à quelques mètres en avant de la face orientale. Le roi défunt recevait un culte régulièrement organisé dans ce temple.
Les Pyramides, originairement terminées en pointe aiguë, étaient recouvertes d’un revêtement lisse qui cachait entièrement, sur une des faces, à une certaine hauteur, l’unique entrée du chemin secret des constructions intérieures.
Ce qui, pour certains rois, était ainsi pratiqué en grand dans les Pyramides, était imité, autant que possible, pour la disposition des autres sépultures importantes.
La grande préoccupation des Égyptiens était d’ensevelir les morts à l’abri de l’inondation du Nil. Dans la vaste plaine du Delta, couverte chaque année par les eaux, on plaçait les corps dans l’épaisseur des murs des villes et des temples.
Dans la moyenne et la haute Égypte, on utilisait, pour le même usage, les ramifications des chaînes libyque et arabique voisines des parties habitées, en creusant dans les roches calcaires de ces montagnes les excavations destinées à recevoir les morts. (...)
Plus nous regardons les Pyramides, plus nous les explorons, plus elles grandissent. Elles élèvent notre pensée, comme les choses vraiment belles qui, soit dans la nature, soit dans les œuvres architecturales et artistiques, ont le pouvoir d’exciter une admiration progressive au fur et à mesure qu’on les étudie.
C’est un effet magnétique que produit la compréhension du beau sur notre organisme, effet d’autant plus développé que le sentiment artistique est plus impressionnable.
Qui n’a pas reconnu cette vérité devant l'immensité de la mer, devant la masse imposante des hautes montagnes neigeuses, à l’aspect des chefs-d’œuvre des peintres célèbres, et en éprouvant des impressions plus poétiques à chaque nouvelle audition des suaves compositions de Mozart et de Beethoven ? Toutes ces sensations bienfaisantes et d’un ordre élevé sont le privilège du grand et du beau."


extrait de De Paris en Égypte : souvenirs de voyage, de Charles-Frédéric-Alexandre André de Carcy (1814-1889), aristocrate lorrain, ancien élève de Saint-Cyr et ancien chef d'escadron d'État-major. Suite à un séjour effectué en Égypte en 1873, il publia cet ouvrage pour "montrer combien est devenu facile un voyage en Égypte, autrefois si compliqué, souvent dangereux, et inabordable comme prix", tout en luttant "contre le peu d’entraînement à visiter les pays étrangers, reproché, avec raison, aux Français".

mardi 25 septembre 2018

"L'Égypte : un immense livre que l'on veut pouvoir lire" (de Carcy)


"L'Égypte nous a donné une disposition d'esprit qui doit être la même chez beaucoup des visiteurs de cette contrée. Les uns s'en tiennent aux seules impressions, déjà vives, de la curiosité ; d'autres suivent les aspirations plus sérieuses vers lesquelles on se sent doucement entraîné.
Le projet d'un voyage en Égypte nous avait séduits, comme étant un peu en dehors des voyages ordinaires. Notre but était de juger par nous-mêmes des charmes si vantés du climat et de voir des merveilles classiques remontant à des époques si reculées, qu'on peut en calculer à peine la haute antiquité. Nous désirions encore observer la civilisation orientale, dont nous supposions, avec raison, la marche plus accentuée et plus rapide en Égypte que dans les autres pays musulmans. Ces désirs, successivement satisfaits, ont fait place à d'autres que nous n'avions pas soupçonnés.
Les mystérieux monuments de l'Égypte présentent des problèmes dont la solution est attractive.
La curiosité matérielle satisfaite, la curiosité intellectuelle et morale s'éveille ; on a conscience - nous parlons pour nous -, de son inaptitude à comprendre les grands rébus historiques et religieux qui se rencontrent à chaque pas. Se laisse-t-on aller à en commencer l'étude, on est aussitôt saisi par un extrême intérêt ; on s'entraîne à soulever chaque jour davantage les voiles qui cachaient à l'esprit une appréciation plus juste de la civilisation primitive du pays des Pharaons. (...)

En Égypte, le côté artistique et poétique existe partout dans la nature. Le grand peintre est le soleil ; ses œuvres sont ces scènes inimitables, sans cesse variées, composées avec cette lumière splendide qui dore les clairs, perce les ombres les plus accusées et inonde d'harmonie l'ensemble de ses tableaux.
En vivant au milieu de ces beaux effets, ils élèvent la pensée, ils attirent l'esprit vers les recherches sérieuses et historiques que les ruines monumentales invitent à entreprendre. On sent, devant le spectacle des gigantesques efforts de l'humanité, que les yeux ne sont pas seuls émerveillés, que les aspirations philosophiques de notre âme sont elles-mêmes puissamment excitées.
L'Égypte devient un immense livre que l'on veut pouvoir lire, une charte que l'on cherche à déchiffrer. On quitte alors ce pays en gardant le désir d'approfondir une science qui, lorsqu'on est éloigné, paraît encore augmenter d'attrait.
Nous avons mieux compris à notre départ ce que M. Mariette nous avait dit à notre arrivée, sur l'espèce de passion d'égyptologie qui s'étant peu à peu emparée de lui n'avait fait qu'augmenter avec la durée de son séjour."



extrait de De Paris en Égypte : souvenirs de voyage, 1874, par Charles-Frédéric-Alexandre André de Carcy (1814-1889), aristocrate lorrain, ancien élève de Saint-Cyr et ancien chef d'escadron d'État-major