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lundi 8 octobre 2018

Un pays "destiné à devenir un des berceaux de la civilisation" (Gustave Jéquier, à propos de l'Égypte)

Carte de l'Égypte dressée sur celle du père Sicard par le Sr Robert de Vaugondy 
"Isolée comme est l'Égypte par la mer et les déserts, son développement devait être original ; ce pays favorisé par la nature, avec son climat chaud et son sol d'une fertilité exceptionnelle, toujours renouvelé par les inondations du Nil et livrant généreusement à l'homme tout ce qui peut lui être nécessaire pour vivre, était destiné à devenir un des berceaux de la civilisation ; ici il n'était pas besoin, comme ailleurs, de ces efforts répétés et incessants de l'homme pour s'assurer une maigre subsistance et une existence précaire : il n'avait qu'à se laisser vivre et il lui suffisait d'un léger effort pour réaliser un sérieux progrès de bien-être. 
Défendue naturellement de trois côtés, par la Méditerranée et les déserts arabique et lybique, l'Égypte n'avait que peu de chose à craindre du côté de ses voisins plus ou moins turbulents et, à l'origine tout au moins, elle n'eut pas, semble-t-il, à subir de ces bouleversements qui arrêtent parfois pour longtemps une civilisation naissante. 
Ce n'est pas la lutte pour la vie qui est la cause du développement intellectuel et industriel des premiers Égyptiens, mais le besoin instinctif d'augmenter le bien-être dont la nature avait déjà largement pourvu les habitants de ce pays privilégié.
Il ne faut pas songer à établir combien de siècles ou de milliers d'années dura cette période de travail latent, de développement progressif, à laquelle nous appliquons le terme peu précis de préhistorique. Toujours est-il que vers 4000 avant J.-C., à une époque où la barbarie la plus absolue régnait sur le reste du monde et où seule la Babylonie, autre berceau de la civilisation, et peut-être aussi la Chine, pourraient montrer un état analogue, nous trouvons en Égypte un royaume constitué régulièrement et solidement, un peuple possédant une langue qui présente déjà certains caractères de décadence et une écriture compliquée mais parfaite en son genre, un peuple sachant utiliser tous les matériaux pour la construction de monuments importants, et déjà très avancé dans la connaissance et l'exercice des arts, un peuple industriel en possession des métaux et pour lequel l'agriculture et l'élevage du bétail n'avaient plus de secrets. Une force pareille ne pouvait rester confinée dans un petit pays comme l'Égypte et devait nécessairement rayonner au dehors, les défenses naturelles, mer et déserts, ne pouvant entraver une expansion toute pacifique, et peu à peu le commerce s'établissait, vers le Soudan d'abord, sans doute, puis vers la Palestine et les pays situés plus au nord.
Les fouilles récentes pratiquées en Crête montrent l'influence considérable qu'exerça l'Égypte sur les civilisations naissantes de la Grèce et de l'Archipel et cela dès l'Ancien Empire, donc pendant le quatrième millénaire avant J.-C. aussi bien que pendant la période mycénienne ; ainsi se confirment les légendes où les Grecs reconnaissaient eux-mêmes le rôle qu'avait joué vis-à-vis de leurs ancêtres directs ce peuple paisible, industrieux, artiste et commerçant."


extrait de Histoire de la civilisation égyptienne - Des origines à la conquête d'Alexandre, 1913, par Gustave Jéquier (1868-1946), égyptologue suisse, ayant effectué des fouilles à Saqqarah, Dahschour, Licht, Mazghouna…