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mercredi 22 novembre 2023

Le rôle de la couleur dans l'art égyptien, selon Gustave Le Bon (XIXe-XXe s.)

Tombe de Nebamon, à Thèbes


"La couleur a joué un grand rôle dans l'art égyptien, et cependant il n'y eut pas, à proprement parler, de peinture dans la vallée du Nil ; il n'y eut que de l'enluminure. Toutes les surfaces, tous les creux, toutes les rondeurs qu'offraient les œuvres de l'architecture ou de la sculpture turent recouverts de nuances éclatantes, si bien préparées au point de vue de leur fabrication, que la plupart sont parvenues jusqu'à nous sans même avoir pâli.
Ces couleurs, destinées à mieux accuser le relief des monuments et des statues, dans un pays où le ruissellement de la lumière efface et nivelle tous les plans, sont toujours choisies suivant une convenance étroite avec les nécessités des deux autres arts.
En les appliquant, l'artiste visait à obtenir une harmonie d'ensemble, des gammes de tons, des rapprochements et des oppositions de nuances plaisantes à l'œil, mais il ne songeait pas le moins du monde à donner aux objets leur couleur propre. Encore moins essayait-il d'obtenir les effets particuliers à la peinture, par les jeux d'ombre et de lumière, par les clairs-obscurs, par le modelage des formes ou par la perspective aérienne. Tout cela lui était inconnu.
On lui livrait des surfaces couvertes de bas-reliefs ou de dessins ; le seul soin qu'il avait à prendre consistait à étendre ses couleurs sans déborder en dehors des lignes. Bien souvent il n'avait même pas le choix des nuances et devait les employer suivant certaines conventions. Pour le nu du corps humain, par exemple, il le peignait en rouge brun si c'était un homme, en jaune pâle si c'était une femme. Les règles fixes avaient encore plus d'importance en peinture qu'en sculpture. Cela est si vrai que, dans la grande question de savoir à partir de quel moment l'Égypte a connu le fer, on ne peut s'en rapporter à la couleur bleue donnée aux lames de certains instruments. Cette nuance n'est peut-être mise là que pour produire sur l'œil un effet particulier et voulu.
Les peintres égyptiens n'employèrent donc que des tons plats, mais ces tons étaient d'une vivacité, d'une richesse, d'un éclat qui, presque partout, grâce au climat, s'est conservé jusqu'à nos jours."

extrait de Les premières civilisations, par Gustave Le Bon (1841-1931), médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue français.

mardi 21 juillet 2020

"Elle vit, respire et parle dans ses monuments, l'âme de la vieille Égypte" (Gustave Le Bon)

photo MC

"Les civilisations que nous connaissons le mieux sont celles qui nous ont laissé le plus de monuments. Telle est précisément l'Égypte (...). Ses indestructibles édifices sont l’expression grandiose de ses aspirations, de ses préoccupations, de ses croyances, les antiques témoins de ses premiers efforts, ou les œuvres glorieuses de ses périodes de triomphe et d'épanouissement.
C'est en étudiant les temples et les tombeaux de la vallée du Nil que l’on comprend à quel point les monuments sont empreints de la pensée d’un peuple. Elle vit, respire et parle dans ses monuments, l'âme de la vieille Égypte. Elle y chante, par des symboles magnifiques, par des formes éloquentes et majestueuses, son hymne d'impérissable espérance ; elle y berce dans le demi-jour silencieux des sanctuaires, dans le mystère des hypogées, son rêve d existence éternelle. 
Dans cette architecture de l'Égypte, la plus étonnante peut-être, la plus durable certainement qui se soit développée dans le monde, nous lisons comme la synthèse lumineuse, comme la résultante mystique de cinquante siècles de travaux, d'efforts, de pensées et de croyances. En l'étudiant, nous comprenons le rôle prépondérant que joue l'idéal d’un peuple dans l’évolution de sa civilisation, nous voyons s’en dégager son idée dominante, idée qu'aucune littérature, qu'aucun autre document, ne saurait rendre avec autant d'ensemble, de puissance et de clarté.
Cette architecture, presque toute composée de monuments funéraires commémoratifs, ces édifices merveilleux, construits le plus souvent pour enfermer un mort, montrent, je le répète encore, à quel point les œuvres de pierre léguées par une race peuvent exprimer, indépendamment de tout auxiliaire, la pensée intime de cette race. 
À la fois gigantesque, formidable et simple, visant surtout à créer quelque chose d'impérissable en face de ces millions d'existences fugitives qui se succèdent sur la terre, l'architecture égyptienne semble un audacieux défi jeté par la vie à la mort  et par la pensée au néant."

extrait de Les premières civilisations, par Gustave Le Bon (1841-1931), médecin, anthropologue, psychologue social et sociologue français.