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jeudi 12 décembre 2019

"Quand on a vu ces monuments, il est impossible de ne pas en conserver une idée grandiose" (le baron Taylor, à propos des pyramides de Gizeh)

photo de Zangaki

"C'est à la hauteur de Gizeh, au delà du Nil, que se trouvent les grandes pyramides qui font depuis tant de siècles l'admiration du monde. L'impression que produit leur aspect gigantesque est encore augmentée par la transition brusque où l'on passe en venant du Caire.
Après avoir traversé le Nil au vieux Caire près de l'île de Roudah, et marché pendant deux heures à travers des prairies verdoyantes et des jardins pleins de fraîcheur, tout à coup, à un quart de lieue des pyramides, la végétation cesse et les sables commencent avec le silence et l'isolement.
Quand on a vu ces monuments, il est impossible de ne pas en conserver une idée grandiose. Dix lieues avant d'y arriver on les découvre, et quand on en approche, ils semblent fuir devant le regard. Cependant le véritable sentiment de leurs proportions ne se manifeste que lorsqu'on est près de leur base. Alors seulement on peut juger de la grandeur de ces monuments. La rapidité de leurs pentes, le développement de leur surface, la mémoire des temps qu'elles rappellent, le calcul du travail qu'elles ont coûté, l'idée que le déplacement des énormes matériaux qui ont servi à leur construction a été l'ouvrage de l'homme, tout saisit à la fois d'étonnement et de respect, tout contribue à confondre les prétentions du monde moderne, qui n'a rien créé d'égal, pour l'élévation, la force et la durée, à ces merveilles du monde antique.



extrait de L'Égypte (1860), par Isidore Justin Séverin Taylor (baron) (1789 - 1879), dramaturge, précurseur du mouvement romantique, homme d'art et philanthrope français.

mercredi 19 septembre 2018

"Quand on veut juger ce peuple, il faut le voir dans l’ensemble de sa vie" (Isidore Justin Séverin Taylor, à propos de l'Égypte)

temple d'Isis à Philae
"Il n’est point de pays sous le ciel qui ait jeté plus d'éclat que l’Égypte ancienne, l’Égypte des Pharaons, point d’empire qui ait eu des périodes aussi longues de vie calme et heureuse ; point de terre qui, à défaut de pages écrites, ait laissé plus de pierres debout pour raconter au monde ses magnificences passées. Si la lettre de cette histoire est morte avec sa clef alphabétique, l’esprit en demeure comme empreint sur les parois de ses hypogées, gravé sur les assises de ses monuments.
Quand on suit l’Égypte dans son existence primitive, on voit et l’on comprend qu’elle fut la reine du monde antique, le foyer des grands souvenirs et des pompes mystérieuses. Plus sérieuse et plus sage que la Grèce, elle se montra moins turbulente que Rome, plus libérale que l’Inde. Les idées utiles, les coutumes nobles et graves, l’art superbe et religieux y naquirent, s’y développèrent, fécondés par une théocratie intelligente et paternelle.
Ce renom de sagesse profonde, de raison calme et supérieure était si bien acquis à l’Égypte dans les temps anciens, que tous les peuples voisins reconnurent et acceptèrent sa bienfaisante suprématie. On vit tour à tour les héros, les philosophes, les pontifes, les poètes, les législateurs des vieilles ères, s’incliner avec respect devant les trésors de science qu’elle possédait ; on les vit, pèlerins curieux et altérés, aller mouiller leurs lèvres à ces sources fortifiantes. Homère y puisa les traditions héroïques qu’il devait idéaliser dans ses chants divins ; Lycurgue et Solen s’y formèrent à la science des lois par lesquelles fleurirent Sparte et Athènes. Thalès, Eudoxe, Pythagore, et une foule d’autres savants s’initièrent dans les temples d’Isis aux révélations astronomiques. Plus enthousiaste encore et plus ardent, Platon, après avoir conversé avec les prêtres d’Héliopolis, s’écriait : “Solon ! Solon ! Vous autres Grecs, vous n’êtes encore que des enfants…”
À cette époque où la civilisation égyptienne irradiait déjà sur le monde, rien ne se faisait chez les nations étrangères qu’on ne prît l’Égypte pour point de comparaison et pour modèle. Salomon veut-il bâtir le temple de Jérusalem, c’est aux Pharaons qu’il demande des architectes. Les habitants de l’Élide forment-ils le projet de créer des jeux olympiques, le plan de cette institution célèbre est envoyé aux Égyptiens pour qu’ils l’approuvent ou le blâment, le changent de fond en comble ou le modifient. Dans quelque histoire que l’on fouille, les mêmes incidents se reproduisent : on y rencontre toujours l’Égypte, veillant sur les autres nations comme sur des sœurs cadettes, les surveillant en tutrice, les admettant peu à peu au partage de ses richesses intellectuelles.
Sans doute ces preuves de la grandeur égyptienne, révélées dans des auteurs étrangers à l’Égypte, ces témoignages de déférence publique que lui donnèrent la Grèce et la Judée, ne sont que l’expression affaiblie de sa puissance, et n’offrent qu’une simple idée de ses ressources réelles. S’il nous avait été donné de lire couramment et sûrement dans les annales indigènes, si les murs pouvaient rendre à leurs sculptures symboliques le sens profond dont elles ont brillé, nous y trouverions d’autres preuves de force et de raison, d’intelligence et de philosophie, des preuves qui pourraient confondre et humilier notre sagesse moderne. Mais cette vieille Égypte des Hiérophantes procédait à sa mission féconde par des voies si mystérieuses ; elle tenait si bien à l’ombre les moyens employés. pendant que les résultats se produisaient sous le soleil, que, surprise un jour par la conquête, elle y périt tout entière, villes et langage, monuments et traditions. Dès lors, il n’en resta plus que des données confuses, dont les auteurs grecs ou romains sont les derniers interprètes, infidèles souvent, incomplets toujours. Aussi, de nos jours, quand on veut juger ce peuple, il faut le voir dans l’ensemble de sa vie, telle qu’elle ressort soit des documents écrits, soit de l’aspect des lieux, aspect parlant encore ; il faut saisir toute son histoire, la dominer par la pensée, et la ramener à un point de vue synthétique. Hors de là on se perd dans le vague des fables et des divagations des vieux auteurs."

extrait de La Syrie, l'Égypte, la Palestine et la Judée : considérées sous leur aspect historique, archéologique, descriptif et pittoresque, Volume 1, 1839, par
Isidore Justin Séverin Taylor (1789 - 1879), dramaturge, précurseur du mouvement romantique, homme d'art et philanthrope français.