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mercredi 3 novembre 2021

"Idée générale" sur la recherche d'antiquités en Égypte, par Giuseppe Passalacqua



"Pour entreprendre des fouilles dans les ruines des anciennes villes de l'Égypte, la permission du pacha de ce pays est le premier obstacle qui arrête un voyageur. Lorsqu'il est parvenu à le surmonter, il a le choix de hasarder sa fortune à Alexandrie, Canope, Tanis, Bubaste, Héliopolis, Memphis, Antinoe, Hermopelis, Panopolis, Lycopolis, Abydus, Tentira, Thèbes, Latopolis, Elythias, Apollinopolis, Ombos, Syène, Éléphantine, Philoe, etc., etc.
Des obélisques, des colonnes, des pyramides, des temples magnifiques lui démontrent la grandeur qui jadis y régna ; leurs ruines l'instruisent des ravages qui y succédèrent, et ne lui laissent aucun espoir pour ses recherches parmi leurs restes. S'il persiste, l'expérience le lui prouve bientôt à ses propres dépens. Les tombeaux attirent alors son attention, et les nécropolis des villes les plus célèbres deviennent le but de ses voyages. Choisissant les points qui, sous le climat totalement sec de la Haute-Égypte, réunissent la position élevée au-dessus du plus haut niveau des eaux du Nil, aux fastes des villes les plus marquantes dans l'histoire, il fixe ses opérations sur les nécropolis de Memphis, d'Hermopolis, d'Abydus, et principalement sur celles de Thèbes. Il établit le nombre de ses ouvriers, les partage en compagnies, dont chacune est commandée par un chef qui doit la diriger. La situation topographique des tombeaux ne lui présentant point de règle positive pour en suivre les traces, il reconnaît que les anciens Égyptiens n'observaient aucune symétrie dans leurs distributions, et que les tombeaux se suivent sans ordre et sans proportions respectives. À travers cet ensemble de montagnes qui conservent toujours l'empreinte de la nature sauvage et aride, remplie de précipices et de vallées, le voyageur n'a pour guide que les caractères distinctifs des ruines qui indiquent à son raisonnement et à ses conjectures l'emplacement des sépultures les plus distinguées ; il fouille au hasard et d'après ses idées. La terre, les débris des pierres, les ruines, sont enlevés à vingt, trente pieds et plus de profondeur ; la mine ouvre des passages forcés dans la roche, qui, au fond de ses cavités artificielles, retentit sous les coups des Arabes ; des masses énormes que la vétusté ou les dévastations ont détachées des sommets qui couvrent les tombeaux qu'on y suppose au-dessous, sont obligées de céder, par leur propre contrepoids, aux leviers et aux efforts réunis d'une centaine de bras. Elles se précipitent de rocher en rocher, jusqu'au pied des montagnes qu'elles dominaient jadis, et leur chute semble annoncer la hardiesse de l'entreprise, par un tonnerre dont l'écho et la solitude du désert augmentent l'horrible fracas.
On aperçoit enfin quelques traces de l'ouvrage des hommes ; on les suit ; des cavités, des puits, des galeries, des chambres sépulcrales se présentent. Mais, hélas ! quel ravage frappe vos yeux, à la lueur des flambeaux, dans ce séjour de là mort ! À chaque pas, les tristes restes de nos premiers maîtres, et les vestiges de leurs sciences, vous attestent, par des cadavres et des fragments, mutilés, coupés en morceaux et bridés, les ravages du fer et du feu, que la fureur d'un ennemi insensé a portés jusque dans ces paisibles et sombres souterrains. Quelques détails curieux ; quelques objets de peu d'importance, échappés à ces recherches, et que le hasard seul vous fait découvrir dans la terre, sont bien souvent l'unique dédommagement de l'infatigable travail de plusieurs semaines, même de plusieurs mois.
Dans la solitude de mon exil volontaire, isolé sous les ruines de la magnificence égyptienne qui m'environnait, réunissant les siècles devant moi, je méditais souvent sur le souffle de mon existence ; et, insensible aux charmes de la vie que le souvenir me rappelait ailleurs, je mettais tout mon bonheur dans les découvertes que je pouvais faire.
Trois mois éternels s'écoulèrent au commencement de mes recherches à Thèbes, sans que, le moindre résultat vînt animer mon esprit accablé de tristesse, et prêt à se livrer au découragement. Cependant un grand nombre d'Arabes s'occupait continuellement à mes fouilles. Pendant plusieurs années de recherches, le hasard me fut de temps en temps très favorable ; mes travaux ne furent totalement couronnés que le 4 décembre 1823."

extrait de Catalogue raisonné et historique des antiquités découvertes en Égypte par M. Jp-Passalacqua, 1826.
Auteur du texte : Léonor Mérimée (1757-1836)

Giuseppe Passalacqua (1797 - 1865) est un collectionneur italien.
À l'origine vendeur de chevaux, il se rend en Égypte et y devient marchand d'antiquités.
"(Son) séjour en Égypte éveilla sa passion pour l’Antiquité, mais aussi son sens des affaires comme antiquaire. Il mena des fouilles à son compte et, en 1823-1824, il eut la chance de découvrir dans la partie occidentale de Thèbes la tombe à puits de Mentouhotep. Suite à cette découverte, il démarra une collection, qu’il expédia en 1826 par bateau à Paris en passant par Trieste. À son arrivée, il ne ménagea ni efforts ni dépenses pour intéresser le Louvre à sa collection. Il la présenta lors d’une exposition dans une galerie élégante, qui attira de nombreux visiteurs influents, parmi lesquels on trouvait même le roi de Prusse Frédéric Guillaume III. Pour des raisons publicitaires, Passalacqua mit des momies de sa collection à disposition pour des présentations publiques dans la grande salle de la Sorbonne. À ce qu’on dit, Jean-François Champollion lui-même, entre-temps célèbre, lut lors d’une de ces présentations le nom d’une Égyptienne momifiée dans le « livre des morts » de celle-ci. Mais rien n’y fit, les négociations avec les Français n’aboutirent à rien, probablement parce que le Louvre venait d’acheter une année plus tôt la collection de Salt et était de surcroît en pourparlers avec Drovetti et Anastasi. Peu avant que Passalacqua ne se résolût à vendre la collection lors d’une vente aux enchères – ce qui aurait signifié la dispersion des objets –, la Prusse se décida à l’acquérir. Cette transaction n’apporta à Passalacqua que 100 000 francs à la place des 400 000 qu’il avait demandés au départ, mais elle allait s’avérer avantageuse sur le long terme, car suite à l’agrandissement de la collection berlinoise, il obtint en 1828 le poste de directeur du nouveau Musée égyptien, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1865. Du côté prussien, les négociations furent menées par Alexander von Humboldt en personne." (source : Les hiéroglyphes de Champollion, Markus Messling)