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mercredi 24 novembre 2021

"La majesté de l’architecture des anciens Égyptiens", par Alexandre Lacorre, XVIIIe-XIXe s.)

Louxor - allée des Sphinx à tête de bélier, par Antonio Beato, 1864

"On peut, après avoir vu Girgéh, se former une idée de la Haute-Égypte. À mesure que l’on monte, et que le terrain se rétrécit entre les deux chaînes stériles qui l’enferment, on remarque même que la végétation acquiert encore plus de forces, et la nature de nouveaux charmes : on dirait que cette mère prodigue veut témoigner à l'Égypte, en l’accablant de présents, le regret qu’elle a de la quitter pour aller expirer dans les déserts qui l’attendent aux confins de la Nubie.
Il faut voir Kennéh (l’ancienne Thèbes), Luxor, les temples d’Esnéh et de Denderah, pour se convaincre de la majesté de l’architecture des anciens Égyptiens : on se croit transporté dans le pays des fées et des génies. Ce ne sont que colosses, que portiques gigantesques de deux seuls blocs. Des obélisques, des colonnes d'une hauteur prodigieuse, se trouvent entassés dans un espace très rapproché. À quelques pas plus loin, on voit une allée de sphinx, d’un quart de lieue de long. Personne ne résiste à l'impression de grandeur que produit l’accumulation de ces masses ; presque toutes sont de granit. Plusieurs temples subsistent encore, aussi bien conservés que le plus récent de nos édifices publics, et cependant le plus moderne n’a pas moins de 4000 ans.
Les montagnes de la Lybie sont percées en face de Thèbes, d’un nombre étonnant de grottes sépulcrales, ornées de bas-reliefs et de peintures à fresque. Elles servirent d’habitations aux premiers hommes qui peuplèrent les bords du Nil, et ils en firent ensuite des caveaux pour leurs momies : on en trouve tous les jours dans ces souterrains, où elles sont placées dans des espèces de niches. J’ai vu au Caire trois de ces corps embaumés ; ils étaient renfermés dans des coffres de bois de sycomore, qui s’ouvraient comme un étui de violon. Ils avaient en outre une enveloppe de carton très épais, formé de toiles collées les unes contre les autres. Deux des coffres étaient sculptés ; le troisième était sans ornement en relief, mais son enveloppe de carton était couverte d’hiéroglyphes. Dans une autre momie, les hiéroglyphes étaient dessinés sur le coffre de bois qui était tapissé de toiles fines et peintes, et l’enveloppe de carton ne présentait que des peintures insignifiantes, mais qui avaient conservé tout leur éclat et toute leur fraîcheur. Ces momies, comme celles que j’ai eu occasion de voir par la suite, étaient entortillées de longues et larges bandes de toile, depuis la tête jusqu’à l’extrémité des pieds ; les ongles, qui dans quelques-unes
étaient dorés, avaient un entourage de fil, pour les empêcher de tomber. On a trouvé dans la bouche de plusieurs momies une petite pièce d’argent : c’était le tribut qu’il fallait payer pour passer l’Achéron."

texte extrait de Coup d'oeil sur l'Égypte et la Palestine, 1807, par Alexandre Lacorre, ex-employé dans l’armée d’Orient et simple commis aux vivres, attaché à la division du général Lannes pendant la campagne de Syrie, puis plus tard, adjoint aux gardes-magasins de Rosette et du Caire pendant la Campagne d’Égypte.