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dimanche 10 mars 2019

"Quand on se livre à de profondes réflexions sur la construction des pyramides, on est forcé de reconnaître que les plus grands génies y ont prodigué toutes leurs combinaisons" (al-Baghdâdî)

1579 - Pyramids of Giza by John Helffrich
"Pour en venir maintenant à celles des pyramides qui ont été l'objet de tant de récits, que l'on distingue de toutes les autres, et dont la grandeur attire par-dessus tout l'admiration, elles sont au nombre de trois, placées sur une même ligne à Djizèh, en face de Fostat, à peu de distance les unes des autres, et elles se regardent par leurs angles dans la direction du levant. 
De ces trois pyramides , deux sont d'une grandeur énorme. Les poètes qui les ont décrites se sont abandonnés à tout l'enthousiasme qu'elles leur inspiraient ; ils les ont comparées à deux immenses mamelles qui s'élèvent sur le sein de l'Égypte. Elles sont très proches l'une de l'autre, et sont bâties en pierres blanches : la troisième, qui est d'un quart moins grande que les deux premières, est construite en granit rouge tiqueté de points et d'une extrême dureté. Le fer ne peut y mordre qu'avec peine. Celle-ci paraît petite, quand on la compare aux deux autres ; mais, lorsqu'on l'aborde de près, et que les yeux ne voient plus qu'elle, elle inspire une sorte de saisissement, et l'on ne peut la considérer sans que la vue se fatigue.
La forme que l'on a adoptée dans la construction des pyramides, et la solidité qu'on a su leur donner, sont bien dignes d'admiration : c'est à leur forme qu'elles doivent l'avantage d'avoir résisté aux efforts des siècles, ou plutôt il semble que ce soit le temps qui ait résisté aux efforts de ces édifices éternels. En effet, quand on se livre à de profondes réflexions sur la construction des pyramides, on est forcé de reconnaître que les plus grands génies y ont prodigué toutes leurs combinaisons ; que les esprits les plus subtils y ont épuisé tous leurs efforts ; que les âmes les mieux éclairées ont employé avec une sorte de profusion, en faveur de ces édifices, tous les talents qu'elles possédaient et qu'elles pouvaient appliquer à leur construction ; et que la plus savante théorie de la géométrie a fait usage de toutes ses ressources pour produire ces merveilles, comme le dernier terme auquel il était possible d'atteindre. Aussi peut-on dire que ces édifices nous parlent encore aujourd'hui de ceux qui les ont élevés, nous apprennent leur histoire, nous racontent d'une manière très intelligible les progrès qu'ils avaient faits dans les sciences, et l'excellence de leur génie ; en un mot, nous mettent au fait de leur vie et de leurs actions.
Ce que ces édifices présentent de singulièrement remarquable, c'est la forme pyramidale que l'on a adoptée pour leur construction, forme qui commence par une base carrée et finit par un point. Or, une des propriétés de cette forme, c'est que le centre de la pesanteur est au milieu même de l'édifice ; en sorte qu'il s'appuie sur lui-même, qu'il supporte lui-même tout l'effort de sa masse, que toutes ses parties se portent respectivement les unes sur les autres, et qu'il ne gravite pas vers un point hors de lui."


extrait de Relation de l'Égypte, traduit de l’arabe par Silvestre de Sacy, 1810, de Muwaffaq al-Dîn ʻAbd al-Laṭîf al-Baghdâdî (1162 - 1231), médecin et historien arabe de Bagdad, ayant enseigné, durant quelques années, la philosophie et la médecine au Caire.

vendredi 21 septembre 2018

"Une réunion de merveilles qui confond l'intelligence" (al-Baghdâdî, à propos de Memphis)

illustration de Georges Ebers, in L'Égypte, 1883
"Passons maintenant à d'autres vestiges de l'antique grandeur de l'Égypte : je veux parler des ruines de l'ancienne capitale de ce pays, qui était située dans le territoire de Djizèh, un peu au-dessus de Fostat. Cette capitale était Memphis ; c'était là que les Pharaons faisaient leur résidence, et cette ville était le siège de l'empire des rois d'Égypte. (...)
Malgré l'immense étendue de cette ville et la haute antiquité à laquelle elle remonte, nonobstant toutes les vicissitudes des divers gouvernements dont elle a successivement subi le joug, quelques efforts que différents peuples aient faits pour l'anéantir, en en faisant disparaître jusqu'aux moindres vestiges, effaçant jusqu'à ses plus légères traces, transportant ailleurs les pierres et les matériaux dont elle était construite, dévastant ses édifices, mutilant les figures qui en faisaient l'ornement ; enfin, en dépit de ce que quatre mille ans et plus ont dû ajouter à tant de causes de destruction, ses ruines offrent encore aux yeux des spectateurs une réunion de merveilles qui confond l'intelligence, et que l'homme le plus éloquent entreprendrait inutilement de décrire. Plus on la considère, plus on sent augmenter l'admiration qu'elle inspire ; et chaque nouveau coup d'oeil que l'on donne à ses ruines, est une nouvelle cause de ravissement. À peine a-t-elle fait naître une idée dans l'âme du spectateur, qu'elle lui suggère une idée encore plus admirable ; et quand on croit en avoir acquis une connaissance parfaite, elle vous convainc au même instant que ce que vous aviez conçu est encore bien au-dessous de la vérité."

extrait de Relation de l'Égypte, traduit de l’arabe par Silvestre de Sacy, 1810, de 
Muwaffaq al-Dîn ʻAbd al-Laṭîf al-Baghdâdî (1162 - 1231), médecin et historien arabe de Bagdad, ayant enseigné, durant quelques années, la philosophie et la médecine au Caire.