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mercredi 1 juin 2022

"La navigation du Nil est la plus agréable que l'imagination puisse se figurer" (Eyles Irwin, XVIIIe s.)

photo MC

"Je me levai à la pointe du jour, pour jouir de la vue de la riante contrée qui nous entourait. Le vent était changé, et notre chaloupe, poussée par une brise favorable, voguait avec une extrême rapidité. La navigation du Nil est la plus agréable que l'imagination puisse se figurer. À notre droite, est la belle île du Delta, couverte de moissons, coupée d'une multitude innombrable de canaux qui l'embellissent en la fertilisant, et sur laquelle l'oeil se perd dans une charmante confusion de villes florissantes et de villages romantiques. À notre gauche, le tableau est d'un coloris différent. Les rives sont, il est vrai, ornées de cités superbes et de bois touffus ; et leurs riantes lisières ont toute la verdure et la fraîcheur des bords opposés. Mais quel brusque et tranchant contraste ! Derrière ce jardin enchanté paraît le désert ; son fond rembruni varie la perspective, et répand sur toute la scène une sombre majesté. (...)
Nous poursuivîmes notre voyage jusqu'à midi sans rencontrer le moindre obstacle. (...) Nous ne découvrîmes qu'un assez petit nombre de villes dans ce dernier trajet. La plupart de celles que nous avions vues jusqu'alors étaient en ruine ; mais toutes embellies, par de superbes mosquées et les décombres encore imposants de majestueux édifices, elles offrent encore, du côté de l'eau, une très belle apparence. (...) Ce n'était bien souvent qu'avec peine que nous pouvions nous arracher du tillac. Les objets qui nous environnaient avaient tant d'attraits et de charmes ! Les villes commençaient à se montrer plus fréquemment, et les rives du fleuve paraissaient animées d'une population plus nombreuse. (...)
On ne saurait nombrer la multitude de bâtiments, de toute grandeur, que nous rencontrâmes dans notre trajet du Caire jusqu'en ce lieu, et dont la multiplicité prodigieuse peut donner à un étranger une idée de l'immensité du commerce de l'Égypte. Cependant, l'exportation est à peu près bornée aux comestibles. Le principal article est le blé, qui se distribue dans les différents ports de la Méditerranée et de la mer Rouge. C'est, surtout, avec cette denrée qu'elle paie le café de l'Arabie, et le coton, ainsi que la soie qu'elle tire de la Perse. Si cette nation savait mettre à profit une partie, du moins, des avantages dont l'a favorisée la nature ; si, au lieu de mettre sur les négociants des impôts arbitraires et impolitiques, elle se bornait seulement à commercer sur ses propres navires ; si elle ne souffrait pas que des nations étrangères s'appropriassent, à son détriment, autant qu'à sa honte, le fret de ses marchandises, il est incontestable que ses bénéfices surpasseraient, de beaucoup, ceux de toute autre contrée. (...)
Le temps fut serein pendant la nuit, il n'y eut pas un nuage au ciel. Mais nous n'eûmes que la faible clarté des étoiles. Ce fut peut-être un bonheur pour notre santé, que l'obscurité nous interdît la vue des tableaux qui avaient trop d'attraits pour nous, et qu'un beau clair de lune ne nous invitât pas à passer, sur le tillac, des heures que la nature a consacrées au repos."



extrait de Voyage à la mer Rouge, sur les côtes de l'Arabie, en Égypte, et dans les déserts de la Thébaïde, 1792, par Eyles Irwin (1751 - 1817) poète et écrivain irlandais.