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mardi 8 mars 2022

Aux yeux des sculpteurs de l'ancienne Égypte, "l'élégance était secondaire ; ce qu'ils voulaient avant tout c'était la durée" (auteur anonyme - XIXe s.)


le temple de Latopolis, 
par Antoine Alexandre Joseph Cardon (1739 - 1822)

"Il est impossible de comprendre le caractère des monuments des Égyptiens, si l'on ignore entièrement l'histoire des mœurs et des institutions de ce peuple, où tout semble avoir commencé. (...)
Ce qui caractérise les constructions égyptiennes, c'est la grandeur, comme l'élégance et l'harmonie des proportions distinguent l'architecture grecque ; toutefois les Égyptiens n'étaient point insensibles à la beauté de l'ensemble et à la perfection des détails ; les ruines de l'ancienne Latopolis attestent suffisamment le goût et la science de leurs sculpteurs, mais à leurs yeux l'élégance était secondaire ; ce qu'ils voulaient avant tout c'était la durée, et ces masses énormes qui ont vu la ruine de leur puissance et de leurs institutions, témoignent assez qu'ils ont atteint le but qu'ils s'étaient proposé.
Mais quel motif pouvait inspirer à des hommes le désir de perpétuer ainsi leurs monuments ? Était-ce l'amour de la gloire ? On serait tenté de le supposer si ce sentiment inquiet ne paraissait peu compatible avec la stabilité des lois et des mœurs égyptiennes.
Nous croyons plutôt que tous ces prodiges sont nés de la nécessité. La fécondité du sol attachait puissamment les Égyptiens à la patrie ; mais il fallait pour conquérir ces riches moissons, lutter contre les envahissements périodiques du fleuve, et du côté du désert arrêter les flots de sable que le vent d'Afrique lançait sur les coteaux cultivés. L'obstacle devait être proportionné à la puissance de l'attaque ; les lacs destinés à recevoir le trop plein du Nil furent immenses, les digues s'élevèrent massives, et les monuments reçurent un caractère colossal. La récurrence des inondations rendit les Égyptiens calculateurs et géomètres : ils durent faire des progrès rapides en navigation et en astronomie ; et l'influence des sciences exactes, en passant dans les études philosophiques, imprima à leurs lois et à leurs institutions un caractère d'ordre et de fixité que les étrangers admiraient, et que les sages de tous les pays ont appelé la sagesse des Égyptiens. 
Les idées religieuses liaient fortement les institutions, et les prêtres exerçaient la double influence du sacerdoce et de la parole enseignante. Le peuple ne cherchait pas à pénétrer les mystères que renfermait l'enceinte des temples. Il était laborieux et simple : les professions héréditaires, l'oisiveté punie par les lois, le respect des tombeaux qui perpétuait le souvenir des vertus ; telles sont les bases sur lesquelles les législateurs établirent la longue prospérité de l'Égypte.
Pour frapper avec plus de force l'imagination du peuple, ils avaient symbolisé tous les grands phénomènes de la nature. C'est ainsi que le combat allégorique d'Osiris contre Typhon représente la lutte de l'agriculture contre la mer ou l'envahissement des sables. Le bœuf Apis était la personnification du labourage. La terre baignée par les eaux et fécondée par le soleil, l'influence des saisons correspondant avec les aspects des constellations, la germination du grain, tout s'expliquait par des représentations symboliques. Ils semblent avoir compris l'unité de la Divinité ; mais ce culte épuré était sans doute le dernier degré des initiations, et ils personnifiaient pour le vulgaire tous les attributs de l'Être suprême. Les autres peuples frappés de la puissance et de la civilisation des Égyptiens, leur empruntèrent leurs dieux auxquels ils attribuaient tant de merveilles.
Les génies les plus célèbres allèrent puiser aux sources égyptiennes ; Homère, Platon, Moïse, Lycurgue, Solon, Thalès, Pythagore, rapportèrent de leurs entretiens avec les prêtres de Memphis et de Thèbes les éléments de leurs systèmes. Salomon, lorsqu'il conçut le projet de construire le temple de Jérusalem, leur emprunta des architectes. Les Grecs envoyèrent des ambassadeurs pour les consulter avant d'établir les jeux Olympiques. Le stade même était une mesure géographique déterminée par les Égyptiens ; et le Zodiaque de Tentyra ne nous laisse aucun doute sur l'étendue de leurs connaissances mathématiques appliquées aux études de l'astronomie.
La population dut s'augmenter en raison de cette prospérité croissante, et les colonies de l'Égypte dotèrent d'autres contrées, des arts et de la civilisation de la mère-patrie."

extrait de Nouvelle description des obélisques de Luxor : augmentée des renseignemens les plus récens, et précédée d'un coup d'oeil rapide sur l'Égypte ancienne, 1833.
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