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mardi 7 avril 2020

Le khamsîn en Égypte : "Il semble que les portes de l’enfer s’ouvrent" (Walter Tyndale)

tableau de Charles Louis Philippe Zilcken (1857-1930), peintre et graveur néerlandais  

"Peu après mon arrivée à Abydos, le Khamsîn rendit l'endroit aussi inhabitable que Dêr-el-Bahri. Le nom donné à ce vent provient du mot arabe signifiant cinquante, parce qu'il souffle pendant cinquante jours, à partir du commencement d'avril. On l'appelle aussi Simoon. Il est précédé par une élévation de la température, un changement de la teinte du ciel qui passe du bleu au gris, et une tranquillité spéciale de l’atmosphère. Bientôt la teinte grise du ciel passe au jaune vers le sud et une ou deux rafales d'air brûlant annoncent l'arrivée imminente du fléau. Il semble que les portes de l’enfer s’ouvrent. Un tourbillon de sable se meut à travers le désert, et l’horizon est noyé dans un brouillard jaune. J'ai essayé de peindre cet effet, mais je n'avais pas le temps d'appliquer mes couleurs tant elles séchaient vite. La surface de ma palette et de mon croquis ressemblait à du papier d’'émeri avant que j'aie pu reprendre de la couleur, si ma toile faisait face au vent, et d’un autre côté, si je faisais face au vent moi-même, j'étais aveuglé par le sable. Il n’y a qu’un parti à prendre au moment du Khamsîn, c'est de rester chez soi. On se demande ce que ce sera en juin si la chaleur est déjà si fatigante en avril. Je m'étais empressé d’emballer tous mes vêtements chauds pour les expédier chez moi par petite vitesse, mais deux jours plus tard je m'estimais heureux de ce que l’expédition n’ait pu être faite, car un changement de vent m'avertissait qu’ils pourraient m'être encore utiles. La seule consolation de ces brusque changements est que cette plaie d'Égypte, les mouches, en souffre également. Le mois d'avril, en Égypte, n'est jamais attristé par la pluie, et il dépend de la direction du vent que le séjour y soit charmant ou détestable."
extrait de L'Égypte d'hier et d'aujourd'hui, 1910, par Walter Frederick Roope Tyndale (1855-1943), aquarelliste de paysages, d'architecture et de scènes de rue, illustrateur de livres et écrivain de voyage

lundi 30 mars 2020

"Espérons qu'un nouveau Caire, bâti sur les plans et dans le style de l'ancien, renaîtra, pour le plus grand bonheur des fidèles de la Beauté" (Walter Tyndale)

Cour intérieure dans une maison du Caire
Illustration extraite de l'ouvrage de Tyndale
"Au Caire, il n'est nullement nécessaire de se reporter à des siècles éloignés pour trouver une belle architecture, car la plupart des grandes maisons particulières furent bâties d’après les vieux plans jusqu’à la fin du siècle (...)
Il est difficile en Égypte de définir les époques, car il n’y a jamais de brusques changements de style, comme, par exemple, la Renaissance en Europe. Les édifices se ressemblèrent toujours à peu près et suivirent les mêmes principes jusqu'à l’accession de Mahomet Ali, en 1805. À partir de cette époque, l'architecture arabe ne changea pas, mais elle cessa subitement et complètement d'exister. Il serait impossible, je crois, de trouver aujourd'hui un architecte natif du Caire, ayant la moindre idée de l’art de construire comme l’entendaient ses aïeux. Les quelques maisons bâties dans ce qu'on appelle le "style arabe moderne" ont été construites par des architectes européens et ce sont des chrétiens qui dirigent les travaux de restauration des vieux monuments. Espérons qu’un jour l’Égyptien découvrira que l'architecture de ses ancêtres était bien plus belle et bien mieux appropriée à son climat et à ses besoins que les bâtiments sans nom et sans style qu’on élève aujourd’hui dans les nouveaux quartiers, et qu'un nouveau Caire, bâti sur les plans et dans le style de l'ancien, renaîtra, pour le plus grand bonheur des fidèles de la Beauté."


extrait de L'Égypte d'hier et d'aujourd'hui, 1910, par Walter Frederick Roope Tyndale (1855-1943), aquarelliste de paysages, d'architecture et de scènes de rue, illustrateur de livres et écrivain de voyage

samedi 14 décembre 2019

Débarquement à Port-Saïd, par Walter Tyndale

photo d'Hippolyte Arnoux (en activité vers 1860-1890)

"Prenant moi-même la lorgnette d'une main fébrile, j'aperçus en effet la côte égyptienne, basse et plate. Rapidement cette côte s'allongea ; elle eut d'abord l'apparence de deux îles, puis d'une seule, et, l'un après l'autre, des îlots surgirent, puis disparurent, pour se montrer de nouveau à l'ouest. Sur la carte, je vis que presque toute la côte du Delta n'était qu'une étroite bande de terre qui séparait la Méditerranée des grands lacs salés. La traversée touchait à sa fin. Nous avions laissé loin derrière nous le sombre hiver et la mer agitée : à présent le soleil resplendissait dans un ciel bleu, et une brise délicieuse rafraîchissait l'air chaud et sec. 
Notre paquebot fendait les eaux verdâtres devant les Bouches du Nil ; à droite s'étendait une terre basse au sable doré, et là-bas la silhouette d'un sémaphore et de nombreux mâts apparaissaient. Bientôt, une ligne grise se dessina au ras des flots, qui, imprécise d'abord, se révéla peu à peu comme une immense digue, derrière laquelle se dressèrent les maisons d'une ville. 
Lentement le steamer glissa vers le quai ; sur la passerelle retentissaient les ordres brefs ; les lascars allaient et venaient en criant, et les passagers, impatients, se préparaient à débarquer. Enfin les machines s'arrêtèrent, les ancres énormes coulèrent le long des flancs du navire qui stoppa dans les eaux tranquilles de la rade de Port-Saïd. 
Quel moment d'émotion pour le nouveau venu ! Là, de l'autre côté de ces sables, c'est l'Égypte, la terre de la Rivière Mystérieuse, le pays magique ! la patrie des mosquées et des minarets, des turbans et des yashmaks, des Pharaons, des Pyramides et du Sphinx, du désert ! l'antique patrie de tant de merveilles : débris mystérieux de ces temps lointains où un grand peuple vivait ici, sur le sable doré de ces rives enchanteresses, près de ce fleuve puissant !... 
Les eaux tranquilles du port, d'un beau vert pâle, étaient si claires qu'on distinguait à une grande profondeur d'énormes méduses dont les bras s'allongeaient en tous sens. À l'orient, le soleil disparaissait dans une splendeur sereine. Aucun nuage ne tachait le ciel dont l'azur, à l'ouest, se nuançait de vert, puis de jaune, jusqu'à devenir une grande nappe d'or d'une imposante majesté. 
"East is East, and West is West, and never the twain shall meet.
Ici même, sur l'eau, avant le débarquement, tout me parut étrange et pittoresque. À peine notre grand navire était-il arrêté qu'une quantité de barques l'entourèrent, remplies d'indigènes qui criaient, gesticulaient ; certains d'entre eux présentaient leurs marchandises, fruits, cigares, colliers de perles et plumes. D'autres canots étaient remplis de jeunes garçons qui faisaient des plongeons fantastiques pour attraper les pièces d'argent lancées du pont par les passagers : comme des anguilles, ils disparaissaient sous l'eau pour reparaître quelques instants après, de l'autre côté du paquebot, la pièce brillant entre leurs dents blanches. Dans une barque, des rameurs chantaient cette chanson du pays dont le refrain est devenu chez nous le fameux "ta-ra-ra-boom de aye", autrefois si populaire dans les cafés chantants. Enfin nous débarquons sur le sol égyptien.(...)"

extrait de L'Égypte d'hier et d'aujourd'hui, 1910, par Walter Frederick Roope Tyndale (1855-1943), aquarelliste de paysages, d'architecture et de scènes de rue, illustrateur de livres et écrivain de voyage

vendredi 19 juillet 2019

Le Khân el-Khalîli, au Caire, par Walter Tyndale, peintre orientaliste


The store of Nassan Khan al-Khalili, Cairo, 1912, by Walter Frederick Roofe Tyndale


“Presque en face de nous maintenant, se trouve l'entrée du Bazar turc appelé Khân Khalîl. Construit en l'an 1300 par le Sultan mamelouk El Ashraf Khalîl, il est depuis cette époque le centre commercial de la vieille ville, bien que son importance ait fort diminué du jour où plusieurs de ses gros commerçants ont installé de somptueux magasins très modernes dans les nouveaux quartiers. Cet endroit est, de toute la ville, certainement le plus curieux, et celui où la vie est le plus intense…
Le porche par lequel on pénètre dans le quartier des cuivres, avec son ornementation serpentine, est très beau. Les couleurs originales ont presque entièrement disparu, mais ce qu'il en reste s'harmonise d'une façon charmante avec le brun et l'or pâle des pierres sculptées. Il serait difficile d'imaginer un cadre plus ravissant, ou mieux approprié aux lampes, vases, cache-pots et services en cuivre ciselé, exposés sur des étagères de chaque côté de l'entrée. De grandes lampes pendent tout le long de l'allée qui conduit au porche, et c'est vraiment un spectacle merveilleux.”
(extrait de “L'Égypte d'hier et d'aujourd'hui”, 1910)


mercredi 19 septembre 2018

"Que ne donnerait-on pour pouvoir jouir en paix de ce merveilleux spectacle ?" (Walter Tyndale devant les pyramides de Giza)

 
aquarelle de Walter Tyndale
"Le grand événement d'un séjour au Caire est la première excursion aux Pyramides. Personne n'ignore leur aspect, leurs dimensions et leur histoire, car aucune œuvre de l'activité humaine ne fut plus souvent décrite ; mais personne, avant de s'être trouvé sur le plateau où s'élève l'imposante tombe de Chéops, ne comprend l'espèce de terreur qu'elles inspirent. Ce sentiment augmente graduellement à mesure qu'on parcourt les 5 kilomètres de la route de Gîzeh, d'où on les découvre devant soi. D'abord, elles semblent petites, comparées aux objets du premier plan, puis, après 2 ou 3 kilomètres, on éprouve encore une sorte de désappointement en les regardant. Leurs dimensions augmentent à mesure qu'on approche, mais pas au point qu'on pourrait supposer.
On ne commence à bien les juger qu'en arrivant à la limite des terrains cultivés, et alors c'est l'impression complète, dans toute sa force, surtout lorsque, parvenant au bord du désert, on se trouve aux pieds de la Grande Pyramide. Ayant gravi le plateau qui lui sert de piédestal, on est positivement écrasé par cette masse gigantesque, assise sur le roc et environnée d'une immense plaine de sable. Que ne donnerait-on pour pouvoir jouir en paix de ce merveilleux spectacle ? (...)
Pour jouir vraiment de la contemplation des Pyramides, il ne faut pas les visiter en pleine saison. Les caravanes de touristes se disputant avec leurs conducteurs, se préparant bruyamment à déjeuner ou à se faire photographier, sont fort réjouissantes vues d'une terrasse d'hôtel, mais ici, elles gâtent tout à fait le caractère du lieu. (...)
Une promenade autour de la tombe de Chéops vous donne l'idée de sa dimension. Une distance de 260 mètres sépare entre eux les angles et si vous faites le tour de la Pyramide, vous aurez fait plus des trois quarts d'un kilomètre. Cette base couvre 520 ares, c'est-à-dire une superficie plus grande que celle du square de Lincol's Inn Fields. Les grands blocs superposés en gradins qui, de la route, nous paraissaient de simples briques, mesurent quarante pieds cubes, et, selon le calcul du Professeur Flinders Petrie, deux millions trois cent mille de ces blocs furent employés à la construction de la Pyramide.
L'imagination ne saurait vous reporter à soixante siècles en arrière. La pierre changeant fort peu dans le désert, sa couleur ne vous aide point. Il est vrai que ce que nous voyons n'a été exposé aux intempéries que durant cinq siècles, toute la couche de granit extérieure ayant été utilisée au Caire, lors de la construction de la mosquée d'Hasan. On s'étonne qu'on n'ait pas tiré parti plus tôt d'une carrière si commode, pourvue de pierres toutes taillées.
La dépense d'activité humaine que nécessitèrent ces constructions est inouïe. Le Professeur Flinders Petrie nous explique que les ouvriers n'y travaillaient que durant la crue du Nil, alors que la terre ne réclamait point leurs soins ; mais, le moment de la crue étant justement le plus pénible pour l'agriculteur en Égypte, ceci me paraît inexact. De plus, il ne faut pas s'imaginer que l'indigène ne souffre pas de la chaleur. Le fellah a peu changé depuis soixante siècles, et quoique très brave travailleur, il mollit sensiblement pendant les périodes de chaleur.
Hérodote raconte que la construction de cette Pyramide nécessita le travail de cent mille hommes pendant vingt années consécutives, et Flinders Petrie estime que cette évaluation est exacte. Nourrir et discipliner cette armée de travailleurs dut exiger un merveilleux talent d'organisation. L'extraction de ces pierres à 10 kilomètres plus loin, aux collines de Mokattam, et la façon dont elles furent taillées et ajustées, font preuve d'une civilisation raffinée.
Je me suis laissé dire qu'un entrepreneur séjournant à Mena House, s'est amusé à faire un devis de ce que coûterait aujourd'hui la Grande Pyramide, élevée avec l'aide de nos machines, et il arriva au chiffre de six millions. Il serait curieux de savoir combien cette construction a coûté en son temps.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que d'une seule pyramide ; celle de Képhren est aussi importante, et il en existe encore une grande et six plus petites. Ce groupe de pyramides constitue la plus ancienne et la plus belle des sept merveilles du monde, la seule du reste qu'il nous soit encore permis d'admirer."
 

extrait de L'Égypte d'hier et d'aujourd'hui, 1910, par Walter Frederick Roope Tyndale (1855-1943), aquarelliste de paysages, d'architecture et de scènes de rue, illustrateur de livres et écrivain de voyage.