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dimanche 2 mai 2021

Les mosquées du Caire, par Claude-Louis Fourmont (XVIIIe s.)

illustration extraite de Voyage dans le Levant, 1819, par Louis Nicolas Philippe Auguste de Forbin

"Ce que cette ville (*) offre de plus curieux et de plus digne d'attention , sont les mosquées, on en compte 720 à minarets, et 430 qui n'en ont point ; les mosquées les plus remarquables en ont ordinairement quatre, quelquefois cinq ou six, quelques-unes n'en ont que deux. La distribution de ces bâtiments est presque partout la même, il n'y a de différence que dans l'étendue. En entrant par la principale porte on trouve d'abord un grand carré, ordinairement plus long que large, et toujours à ciel découvert. Autour de ce carré bien pavé, qui forme une espèce de cour, règne une galerie couverte soutenue par des colonnes. C'est sous cette galerie qu'on va ordinairement faire la prière, afin d'être à l'ombre ; il y a cependant des dévots, qui par un excès de zèle, font leurs oraisons en plein midi au milieu de la mosquée, c'est-à-dire, sous un soleil insupportable. On trouve quelquefois au bout de la grande cour un autre carré couvert d'un dôme : mais cela est rare, et l'on n'entre pas aisément dans ce lieu parce que c'est presque toujours la sépulture du fondateur, où dans ce cas il n'est pas permis au peuple d'aller prier.
À côté, et hors de la cour qui forme le milieu de la mosquée, on a pratiqué des lieux particuliers avec des bassins pleins d'eau pour la commodité des ablutions si étroitement ordonnées par l'Alcoran ; car on sait que la loi des Mahométans leur défend de faire leurs prières avant que de s'être lavé les mains et les bras jusqu'au-dessus du coude, les oreilles et les pieds, et au défaut d'eau ils sont obligés de se purifier avec du sable.
Ce que les mosquées ont de plus curieux, sont les dômes et les minarets dont ils sont accompagnés. On ne peut assez admirer la beauté de ces dômes, leur grâce, leur proportion, leur hardiesse, et surtout la grandeur étonnante de quelques-uns. Sur la plupart on voit en relief de grandes inscriptions arabes qui règnent sur la circonférence extérieure, et qu'on peut facilement lire d'en bas, aussi bien que celles du dedans qui sont 
ou simplement peintes, ou faites en caractères de bois doré. C'est ordinairement aux coins des mosquées que les dômes sont construits, et qu'ils forment des espèces de chapelles d'un exhaussement qui étonne.
Les minarets sont des espèces de tourelles ou petits clochers fort hauts, ordinairement travaillés à jour, dont les dômes sont presque toujours accompagnés, et dont les dehors ont deux ou trois galeries avec des balustrades l'une au-dessus de l'autre. Il y a des hommes qu'on nomme muezzins, qui du haut de ces tours avertissent régulièrement cinq fois par jour le peuple de venir aux mosquées faire la prière, ou de s'en acquitter dans leurs maisons. Ils tournent autour de ces galeries, dont l'entrée est ordinairement placée vers la Mecque, et crient d'une voix tonnante qu'on ait à se rendre à la mosquée. Dans les jours solennels il monte autant de crieurs qu'il y a de minarets, qui font en même temps l’invitation à la prière. Comme on compte près de 1200 mosquées au Caire dont plus de 700 ont au moins deux et jusqu'à cinq ou six minarets, il est aisé d'imaginer le bruit que tant de voix aiguës et les plus fortes que l'on puisse trouver, doivent produire, surtout une heure avant la pointe du jour, où tout est ordinairement enseveli dans le sommeil et le silence, et où la prière qui devance l'aurore, s'annonce en ces termes : Vrais croyants, qui pensez au salut, la prière est préférable au sommeil.
Il y a de ces minarets très curieux au Caire, et lorsqu'ils sont tous illuminés pendant les nuits de la lune du Ramadan, on peut dire qu'ils produisent un spectacle aussi singulier qu'agréable."

(*) le Caire

extrait de Description historique et géographique des plaines d'Héliopolis et de Memphis enrichie de figures en taille douce, par Claude-Louis Fourmont (
1703 - 1780), archéologue et dessinateur français, ayant effectué un séjour de quatre années en Égypte.