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samedi 29 août 2020

Le lotus blanc, "reine de toutes les fleurs égyptiennes", par Edith Louisa Butcher


"La reine de toutes les fleurs égyptiennes s'épanouit sur le majestueux lotus blanc. Jusqu'à ces dernières années, il n'avait fleuri que dans des coins oubliés, sur des eaux qui baignent le pied de ces villes vénérables où il reste à peine deux pierres posées l'une sur l'autre.
Pour obéir à l'ordre des Anglais, on apporta un plant de ce royal nénuphar des lieux retirés où il cachait sa splendeur, et il fait maintenant l'admiration de tous dans un petit lac des jardins de Gizeh. Chaque année, alors que tous les visiteurs sont partis et que l'Égypte revêt ses plus beaux atours, cette plante merveilleuse s'élève hors des ondes comme Vénus hors de la mer, et chaque année elle fleurit plus abondamment, de telle sorte que l'eau est à peine visible en été et que l'on n'aperçoit plus que les grandes feuilles vertes semblables à des boucliers pressés les uns contre les autres et, au-dessus, le lotus blanc ouvrant ses calices de perle sur des tiges droites comme des colonnes. Et les hommes d'autrefois ne virent-ils point les colonnes sacrées d'un temple dans ces tiges inflexibles ?
Je ne connais pas en Égypte de spectacle plus beau que celui-là, mais seuls peuvent en jouir ceux que leur destinée ou leur profession retient au Caire depuis la fin de mai jusqu'à la fin d'août. Le lotus pousse maintenant en d'autres endroits facilement accessibles, mais c'est ici, dans ce lieu relativement solitaire et en pleine campagne, qu'il aime surtout à déployer son faste souverain. Les têtes superbes s'érigent dans la lumière du soleil par centaines, au-dessus des fraîches feuilles vertes qui elles-mêmes dominent l'eau d'une hauteur de deux pieds environ. L'étang est entouré de taillis où le martin-pêcheur noir et blanc vient volontiers, dans les soirs d'été, se poser sur les branches inclinées ou, tel un papillon, voleter sur l'eau que les nénuphars laissent par-ci par-là à découvert. À l'heure où la journée suffocante est près de finir et où le travail cesse d'animer les rues poussiéreuses, on éprouve une joie pleine de douceur à rechercher l'abri des platanes qui ombragent le bord de ces eaux paisibles et à s'attarder en un frais et verdoyant silence pour voir ces fleurs royales s'effacer peu à peu dans la lumière mourante."

extrait de En Égypte : choses vues, 1913, par Edith Louisa Butcher (1854-1933). Née Edith Louisa Floyer, elle a épousé, le 26 juin 1896, à l’âge de 42 ans, le révérend Charles Henry Boucher, chapelain de l'église anglicane All Saints Church à Ezbekiyya au Caire

mardi 20 novembre 2018

"Thèbes est peut-être la ville la plus intéressante d’Égypte" (Edith Louisa Butcher)

Illustration extraite de l'ouvrage

"Thèbes, aujourd'hui appelée Louqsor, est peut-être la ville la plus intéressante d’Égypte. Là est le superbe temple de Karnak, dont la construction se poursuivit pendant plus de deux mille ans et qui mit ensuite deux mille ans à tomber en ruine. Les ruines en sont encore debout, et elles nous présentent l'histoire d’Égypte, gravée sur la pierre, depuis Usertesen, de la douzième dynastie, jus-qu'au jour où l'empire florissant de jadis devint une province romaine. 
On y peut contempler les grandes routes qui reliaient entre eux ces merveilleux temples ; elles étaient bordées de sphinx dont les restes mutilés ornent encore maintenant le bord du chemin. Des processions somptueuses traversaient le fleuve, allant des temples situés sur la rive orientale à ceux qui couvraient la rive opposée. Elles couchaient dans les flancs de ces collines stériles les morts puissants, et aujourd'hui, le voyageur venu des lointaines contrées de l'Occident, dont l'existence était presque ignorée à l'époque où les Pharaons régnaient sur le Nil, va profaner d'un regard curieux ces dépouilles exposées dans des vitrines. 
Là aussi se dresse, sur la rive occidentale, le temple de la plus grande reine d’Égypte ; il porte, gravée sur ses murailles, la longue histoire de son règne plein de magnificence. C'est dans une des châsses de ce temple que fut trouvée la vache Hathor qui orne actuellement le Musée égyptien. 
On a écrit bien des livres savants sur les ruines émouvantes et superbes de Thèbes aux cent portes ; mais elles sont d'un intérêt si profond et si pathétique que, même s'il avait lu tous ces livres, le visiteur aurait besoin de plusieurs semaines pour pouvoir étudier avec fruit ces splendeurs écroulées. Or les compagnies de bateaux à vapeur pour touristes lui accordent tout juste quatre jours."


extrait de En Égypte : choses vues, 1913, par Edith Louisa Butcher (1854-1933). Née Edith Louisa Floyer, elle a épousé, le 26 juin 1896, à l’âge de 42 ans, le révérend Charles Henry Boucher, chapelain de l'église anglicane All Saints Church à Ezbekiyya au Caire



 

vendredi 2 novembre 2018

"Choses" vues en Égypte par Edith Louisa Butcher

sakieh  - photo datée de 1875 - auteur non mentionné
"À ne considérer que l'aspect extérieur de ce pays, on peut dire que l'Égypte est avant tout une terre lumineuse. On ne saisit pas du premier coup toute la valeur et tout le charme que donne au paysage égyptien la lumière transparente qui risque de plus en plus d'être étouffée sous les brouillards et les fumées de notre civilisation occidentale. Le touriste qui, avec un bruit de tonnerre, traverse pour la première fois le Delta dans son express à wagons-couloirs ne trouvera peut-être point très belles les longues lignes monotones de la plaine couleur de boue où le vert sombre des récoltes met çà et là des taches. Mais dès que le soleil brille, toute la scène se transforme. Les minces canaux étincellent comme des rubans d'argent sur la terre pourpre, le champ de jeune trèfle se change en un miroitement d'émeraude translucide, et les petits enfants vêtus d’extraordinaires étoffes aux tons rouges, jaunes et roses ont l'air de papillons quand ils courent au-devant de leurs pères aux chemises bleues et de leurs mères aux voiles noirs. 
Sous la lumière magique, la chaîne lointaine de basses collines revêt des nuances de rose et de safran que l'on ne saurait décrire, et le bouquet de palmiers, tout là-bas, devient bleu par contraste. (...)
Il ne semble pas, à première vue, que de grands changements soient survenus ici depuis un demi-siècle. Malgré qu'on ait importé les pompes à vapeur et autres machines occidentales, le chadouf et la sakieh fonctionnent partout dès que le Nil baisse et qu'il faut élever l'eau jusqu’au niveau des champs. On se sert de la sakieh tout le long de l’année, mais beaucoup de chadoufs ne sont mis en mouvement que quand le Nil est très bas.
Le touriste en peut voir alors trois ou quatre érigés l'un au-dessus de l’autre : chacun est manœuvré par un ou deux hommes, qui ne portent souvent en été d'autre vêtement qu'un morceau d'étoffe presque invisible autour des reins. Ils tirent sur la corde pour faire monter le seau d’eau jusqu'au vase qui se trouve à l'étage au-dessus, d'où un ou deux autres hommes élèvent le liquide par le même moyen. 

La sakieh est une lourde roue dentée, en bois de sycomore ; on emploie, pour la faire tourner, une vache ou un jeune bœuf à qui on met un bandeau sur les veux afin de les maintenir dans un cercle invariable. La roue dentée en actionne une autre qui forme avec elle un angle droit et sur laquelle sont fixées des jarres en terre ; cette dernière roue plonge dans l’eau, amène en l’air les vases pleins et fait descendre ceux qui sont vides. Certaines de ces sakieh font encore fonction de cadrans solaires. On plante dans le sol des morceaux de bois tout autour du cercle, et l'ombre qui se déplace marque l'heure pour les paysans du voisinage." 

extrait de En Égypte : choses vues, 1913, par Edith Louisa Butcher (1854-1933). Née Edith Louisa Floyer, elle a épousé, le 26 juin 1896, à l’âge de 42 ans, le révérend Charles Henry Boucher, chapelain de l'église anglicane All Saints Church à Ezbekiyya au Caire