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mercredi 27 mai 2020

Un "géant du désert", "accouplement fantastique de la grâce et de la force" (Henry de Vaujany, à propos du Sphinx de Guizeh)

photo de Maxime Du Camp (1822-1894)

"Le Sphinx est l'emblème séculaire et comme la personnification de l'ancienne Égypte. Malgré les mutilations qui déchirent sa face, profanations dues au fanatisme de l'ignorance et de la superstition, la physionomie du colosse a conservé dans son ensemble ce calme, cette sérénité, qui font le caractère distinctif de la statuaire égyptienne.
Que représentait réellement dans la pensée de ces temps lointains, cet accouplement fantastique de la grâce et de la force si étroitement unies ensemble qu'elles ne forment qu'un seul corps ? Est-ce un rêve d'artiste, un caprice ? Non, certes ; rien n'était moins capricieux que le génie égyptien, génie éminemment réfléchi, génie tout symbolique et dont les conceptions, même les plus bizarres en apparence, cachaient un sens profond. C'est le dieu Harmakhis, le "soleil levant"...
Mais à quelle époque a-t-on taillé ce monument qui semble veiller sur les Pyramides, et quelle était la véritable destination de ce géant du désert ? Les textes sont muets jusqu'ici. "Cette grande figure mutilée, dit Ampère, est d'un effet prodigieux ; c'est comme une apparition éternelle. Le fantôme de pierre paraît attentif ; on dirait qu'il entend et qu'il regarde. Sa grande oreille semble recueillir les bruits du passé ; ses yeux tournés vers l'Orient, semblent épier l'avenir ; le regard a une profondeur et une vérité qui fascinent le spectateur. Sur cette figure, moitié statue, moitié montagne, on découvre une majesté singulière, une grande sérénité et même une grande douceur."
Un écrivain arabe, Abd-el-Rahman, dit que le Sphinx était regardé comme un talisman qui protégeait les cultures contre l'envahissement des sables. Il a été mutilé sous le règne du sultan Barqouq, au quatorzième siècle, par un cheikh fanatique. "Or il arriva, dit Abd-el-Rahman, que les deux hommes qui étaient occupés à briser le nez de cette grande statue, avec de grosses masses de fer, tombèrent par terre sur des éclats de rocher et se tuèrent ; aussitôt le simoun souffla. Les gens du peuple crurent à une vengeance du monstre, et nul n'osa plus y toucher, redoutant son courroux." Makrizi (quinzième siècle) parle aussi du colosse avec une admiration profonde. "Un fou, dit-il, un certain cheikh Mohammed, surnommé le jeûneur de son siècle, dans un accès de délire et pour se rendre agréable à Dieu, lui avait infligé, à coups de masse, les irréparables mutilations dont il porte pour toujours la trace." Il paraît certain qu'au douzième siècle le Sphinx était encore intact : Abd-el-Latif dit que la figure était très belle, la bouche gracieuse, et souriante ; il ajoute que la couleur rouge qui couvrait la face était éclatante et fraîche. Les Arabes d'aujourd'hui désignent le Sphinx sous le nom d' Abou-l'Hol, le "père de la terreur".


extrait de Le Caire et ses environs : caractères, mœurs, coutumes des égyptiens modernes, par Henry de Vaujany (1848-1893), égyptologue français

mercredi 3 octobre 2018

"Fouiller, toujours fouiller, avec l'ardeur passionnée du savant qui veut arracher à cette vieille terre des Pharaons quelques lambeaux de son passé, telle est la nature des travaux de l'égyptologue" (Henry de Vaujany)

Fouilles dirigées par Mariette à Memphis, en 1893 (source : Egypt Museum)

"Le Musée d'antiquités égyptiennes de Boulaq a été fondé par Mariette-Pacha pour conserver les précieuses collections provenant des fouilles exécutées dans toute l'Égypte, et pour servir à l'étude pratique de l'égyptologie. Mais bien qu'il soit, sous ce point de vue, le plus riche du monde, il est cependant
incomplet, et les rives du Nil recèlent encore sous
leurs sables plus d'un monument qui devra jeter la lumière sur plusieurs points de l'histoire restés obscurs jusqu'ici.
Mariette-Pacha est mort, brisé par ses travaux, à la fin de l'année 1880, et M. Maspéro, un des maîtres de l'égyptologie, a été appelé pour continuer sa lourde tâche. Cette tâche est rude, en effet, et souvent ingrate ; les difficultés à vaincre demandent un courage à toute épreuve, et souvent même anéantissent les forces de l'homme le plus robuste. Parcourir les déserts sous un soleil de plomb, sonder le terrain à chaque pas, attaquer le granit d'une montagne ou s'engager dans les galeries croulantes des temples et des hypogées, déblayer des monuments, fouiller, toujours fouiller ce sable incandescent qui aveugle, avec l'ardeur passionnée du savant qui veut arracher à cette vieille terre des Pharaons quelques lambeaux de son passé, telle est la nature des travaux de l'égyptologue. Déjà des fouilles entreprises par M. Maspéro dans la nécropole de Memphis et à Thèbes ont été couronnées d'un succès éclatant ; la découverte de Deir-el-Bahari surtout est venue enrichir l'histoire de documents précieux, et fixer les incertitudes sur quelques points douteux. (...)
Aujourd'hui tous ces trésors sont venus prendre place au milieu des monuments du Musée de Boulaq. (...)

Le musée de Boulaq rivalise avec tous les autres musées d'Europe pour les monuments royaux de grandes dimensions. Il possède en effet ces stèles de reines et ces beaux sarcophages de granit des princes de l'Ancien-Empire ; il peut surtout montrer, comme un admirable spécimen de l'art à ces époques si prodigieusement reculées, la statue de Khéphren (Khafra, fondateur de la seconde pyramide de Giseh), chef-d’œuvre qu'aucun autre temps n'a surpassé et qui compte près de six mille ans d'existence." 



extrait de Le Caire et ses environs : caractères, mœurs, coutumes des égyptiens modernes, par Henry de Vaujany (1848-1893), égyptologue français