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jeudi 7 juillet 2022

"L'Égypte est, sans contredit, le pays de l'harmonie au suprême degré !" (Charles-Émile Vacher de Tournemine, XIXe s.)

Philae, 1863, par Charles-Émile de Tournemine

Alexandrie, 15 octobre
"Je ne pourrais t'exprimer ma joie et mon bonheur de revoir ce beau pays, dont rien ne peut rendre le charme pittoresque. Tous ces costumes bigarrés, ces femmes de bleu toutes couvertes, portant leurs enfants sur une épaule, et soutenant dans une main renversée et relevée une élégante amphore, les amusants marchands d'eau avec leur poterie sur le dos, recouverte par un arbrisseau feuillu, tout cela est d'un charme ravissant."

Le Caire, 17 octobre
"Depuis hier nous sommes au Caire et mon imagination va toujours grandissant, tant les merveilles surgissent à chaque pas sous nos yeux. Avant de quitter Alexandrie, nous avons visité le quartier arabe ; ce que nous y avons vu de pittoresque, de costumes baroques, n'a rien dont notre langue puisse donner une idée. (...)
La campagne est toute couverte de grands et élégants palmiers portant d'énormes grappes de dattes rouges et dorées, de tamaris, de mimosas, enfin de toute cette végétation vivace et splendide de ce délicieux pays... Tout ici est d'une harmonie incomparable, tout se tient, s'enchaîne par un lien de tendresse infinie. L'Égypte est, sans contredit, le pays de l'harmonie au suprême degré ! (...)
Tout à coup le Nil s'offrit à nos yeux éblouis. Je fus pris d'une émotion telle, que je ne pus dire un mot jusqu'à la fin du trajet. C'était merveilleux de grandeur. Toutes les plaines inondées, couvertes d'oiseaux, ces villages aux splendides verdures, ces belles barques aux voiles latines, blanches comme du lait, se détachant sur un ciel de pluie d'or ; au loin le désert, d'un ton rose doré, limitait la vue dans cette immensité de féerie. Aucun langage ne pourrait rendre mon émotion. Jamais, je crois, je n'en ai éprouvé de plus grande et de plus douce devant la nature du bon Dieu.
Peu à peu nous découvrions au loin les pyramides, toutes dorées et vermeilles, puis l'infini du désert, et enfin, l'éblouissante ville du Caire s'offrit à nos yeux, embrasée par un soleil de feu et donnant le vertige par sa splendeur. D'un côté, des milliers de maisons pittoresques, des minarets de toute forme, des végétations luxuriantes, des lignes de palmiers, des jardins, de l'eau ; de l'autre, le désert morne, baignant en quelque sorte de ses vagues figées la vallée des Tombeaux. Ici pas un arbre, des sables à perte de vue, puis une nécropole de mosquées et de minarets de villes ruinées."

Thèbes, 29 octobre
"Le Nil est splendide par sa grandeur et la simplicité de lignes des montagnes qui l'enserrent. La coloration en est admirable, et ses bords sont sans cesse animés par des groupes pittoresques, et rehaussés par la brillante végétation du sorgho et de la canne à sucre. Les femmes, drapées dans leurs manteaux bleus, viennent y remplir leurs cruches, avec l'eau que des enfants nus puisent avec leurs sakiéhs. À chaque pas, nous dépassons des villages qui nous apparaissent poétiquement parés de palmiers et de mimosas. On accourt sur notre passage ; les dromadaires eux-mêmes et les buffles interrompent leur pâturage et lèvent la tête comme pour nous faire accueil. Toutes ces scènes sont incomparablement belles."

Louqsor, 1er novembre
"Le Nil dans la haute Égypte perd un peu de sa grandeur. Les montagnes prennent une couleur noirâtre et deviennent moins belles de forme. Cependant les bords que nous longeons de très près sont toujours pittoresques au suprême degré ; les plantations de sorghos et de cannes à sucre, mêlées de palmiers et de mimosas, lui forment une ceinture d'émeraude. De loin en loin, quelques villages aux habitations pareilles à des ruches, et dont les terrasses sont couvertes de nuées de pigeons ; de pittoresques travailleurs puisant de l'eau avec leurs sakiehs ; des norias avec manège de buffles et leurs petits conducteurs drapés dans leurs haillons ; quelques prairies avec des troupeaux de dromadaires et de vaches aux brillantes robes ; tel est le spectacle toujours le même, mais toujours nouveau, que nous avons en remontant le Nil. (...)
Le 5, nous approchons par terre de l'île de Philé. À cheval à dromadaire, nous gagnons la vallée des Tombeaux qui est l'avant-garde du désert. À partir de là nous cheminons dans les sables pendant deux heures, ne rencontrant sur notre route que quelques caravanes de Nubiens convoyant des marchandises.
Il fait près de 40° de chaleur, aussi voyons-nous avec joie un bouquet de palmiers se profiler à l'horizon. Nous traversons en barques le bras du fleuve, nous visitons l'île et le temple, où notre armée a laissé sur les murs sa carte de visite. Nous goûtions un peu de repos sous les arbres, lorsque nos camarades décident qu'ils veulent descendre en barque la cataracte, et nous oublient. Nous avons dû en conséquence, Chennevières et moi, refaire la route du désert par une chaleur de plomb en fusion."


extrait de Étude sur C. de Tournemine, peintre toulonnais,
volumes 652-658, par Dr. L. Turrel, 1877.
Charles-Émile Vacher de Tournemine (1812-1872) est un peintre français spécialisé dans les scènes orientalistes.