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mardi 8 août 2023

La magie des matins et des nuits du Delta, selon Fernand Leprette (XXe s.)

ancienne carte postale (auteur non identifiable)


"Matins du Delta ! Les villages sont couchés tout contre le sol. Sur le ciel d'un gris fumeux, de rares silhouettes d'arbres se dressent, encore exilées dans la nuit. Par millions, les tiges de cotonniers s'enfoncent, indistinctes, dans les lointains. Insoucieux des pâleurs orange et rose qui avortent dans un coin de ciel translucide, le Delta est immobile, dans l'attente. Les chiens se sont tus, mais les coqs commencent à s'interroger.
Et puis, tout d'un coup, le disque solaire coupe le fil de l'horizon, monte rapidement, comme porté à bout de bras par le dieu invisible, net, énorme, rutilant. À l'appel du gong, une foule d'oiseaux voletant, froufroutant partout où il y a une branche, une tige, une feuille, emplissent l'espace d'une folle allégresse. Un vaste étincellement court à la cime des cotonniers. Les villages replient leur abaïa brune et s'ébrouent. Sur leur plate-forme, les sakiehs se doublent de leur ombre. Le sommet des arbres est gagné par la gloire matinale. Voici que les bufflesses au ventre éclairé de rose gagnent les champs. Voici que les femmes s'en vont en théorie vers le canal, portant sur la tête une jarre cernée d'or. On ne peut imaginer spectacle plus bucolique, fraîcheur plus pure, jeunesse plus radieuse. On se sent prêt à croire à quelque bonheur édénique.
Cela dure une heure.
La douceur des soirs est poignante. Quand le soleil est près de disparaître, on éprouve un sentiment de délivrance. Le visage se détend. Le regard s'appuie sans hâte sur un paysage qui, lui aussi, a l'air de reprendre souffle.
Délicieux répit, mais combien fugitif ! À peine le jour a-t-il laissé choir sa couronne qu'il est dépossédé de l'espace. Rose ou dorée, la lumière des canaux tourne au livide, les labours bruns virent au violet pour devenir noirâtres, les champs accusent leur gamme de verts, les grosses boules des sycomores se font plus sombres et plus compactes, les faisceaux de palmes, accrochés dans le ciel, ressemblent à de sévères panoplies. Et, tandis qu'une même ombre submerge la plaine, on se sent soudain abandonné, perdu très loin de tout dans un espace vide.
Mais des myriades d'étoiles viennent peupler la voûte nocturne. La grande lune égyptienne se lève. Des reflets bleuâtres baignent le sol, par places. Les troncs d'arbres prennent une pâleur minérale. Dans l'air se répand un éclairage si amorti, une transparence si doucement nacrée, que l'âme s'incline à de plus paisibles rêveries.
Il faut s'être promené longtemps sur des pistes solitaires, le long des canaux bleus comme le ciel, entre les parois mouvantes du maïs, pour connaître la magie des nuits du Delta."

extrait de Égypte terre du Nil, 1939, par Fernand Leprette (1890-1970), écrivain et intellectuel français ayant longtemps vécu en Égypte

lundi 20 janvier 2020

La "nostalgie", la "leçon" du désert d'Égypte, par Fernand Leprette

photo de Brian Christensen


"On résiste mal à l'appel du désert. Il y a un instant, vous rouliez dans la cohue des souks, entre des maisons qui cachaient le ciel. Des passants, des ânes, des taxis, des autobus vous rejetaient sans cesse jusque sous la griffe
des marchands, jusque dans le pavillon braillard de leurs
phonographes. Avec ses voiles de couleur, ses parfums brutaux, ses cris, le souk vous possédait. Et maintenant, vous venez de franchir une frontière, vous abordez dans une autre planète. Encore un quart d’heure de marche et vous voilà perdu dans une solitude sans nom. Un vent vif vous nettoie la face, vous emplit d’une griserie aussi prompte mais plus légère que la brise marine. Extra dry. Vous tournez la tête : il a suffi d’une bien faible colline pour vous cacher la vallée, pour que vous soyez au centre d’un univers singulièrement dépouillé où ne règnent plus que le sable, l'air et le feu. Vous rattachant au cosmos, il vous rend tout de suite le juste sentiment de votre être, de la pureté et de la grandeur. L'agitation citadine vous paraît incompréhensible. Ses colifichets vous font sourire. Vous avancez dans un silence que rien ne trouble, comme primordial, à travers une étendue qui, sans nul souci de vous, se livre à des jeux subtils d'ombre et de lumière, à d'imperceptibles glissements de formes, où tout change et demeure éternel. Personne ? Mais si. Au revers d'une dune et faisant quasi corps avec elle, une tente basse te rapiécée fume. Un bédouin fier vous évalue. Il connaît les tourbillons du khamsin, l'interminable marche sous un soleil fulgurant, il sait le prix de l’eau, le prix de l’indépendance, que Dieu est grand, que le monde est un, où qu’il faille transporter sa tente. 
Il suffit. Vous pouvez retourner dans la vallée, à l'ombre des villes, parmi les hommes. Jamais les tons verts qui nuancent les champs ne vous auront paru plus frais si l'on est en décembre. Jamais l’étain du Nil n’aura rayonné pareille douceur. Peut-être, pour vous faire honneur, le soleil couchant tendra-t-il derrière votre marche, et au-dessous d’un horizon lavé de jade, la plus somptueuse des pourpres cardinalices. De nouveau, l’oasis vous accueille, vous invite au charnel déduit. Ô paradis ! Mais quoi ! Vos pas sonnent sur le trottoir d’une cité d’où vous êtes absent. L’éblouissement doré des étendues de sable continue de vous environner. Et, lorsqu’enfin vous vous éveillez, cette petite foule qui se presse ou se dandine sur le trottoir vous inspire quelque mépris. Vous avez beau respirer profondément en bombant la poitrine, et faire peser vos souliers sur le sol, vous vous sentez comme humilié, vous souffrez d’un manque. La nostalgie du désert n’est point près de vous lâcher. Vous n’êtes point près d'oublier sa leçon.
Sous sa monotonie apparente, et malgré sa stérilité, le désert enseigne la grandeur. Il vous refuse les plaisirs trop faciles, les gâteries et même le simple confort. Il est sans complaisance pour votre teint, pour la plante de vos pieds, pour votre fatigue. Il impose la frugalité. Il ne fait jouer que pour ceux qui en sont dignes des nuances comparables aux plus abstraites spéculations mathématiques. Il ternit tout éclat emprunté. Il détache des faux biens. Au bout d'une heure, il ne vous laisse, pour toute richesse, que votre souffle, vos muscles et votre âme. Il éveille en vous un sens planétaire, cosmique. Dans le pur silence de l'étendue sans limites, on comprend que des hommes y soient venus pour se rapprocher de Dieu. Il rend de la noblesse au loisir. Il desserre les contraintes sociales et, parfois, les abolit, comme le temps. La mort y paraît une chose très simple, qui serait dans l’ordre, contre quoi l’on se défendra, à coups de fusil, s’il le faut, de toutes ses forces, qu’on saura également accueillir en souriant. 
Pour l'Égypte, le désert est le cadre qui fait valoir la fécondité du noir limon, le visage de la vallée. C’est aussi une menace et une protection. Il défend à l’homme de la vallée de s’amollir dans trop de confort et de bien-être, de mordre trop goulûment aux biens et aux jouissances terrestres. Il lui rappelle que demain tout peut lui être ravi, qu'il doit sans cesse être prêt à la lutte en même temps qu'à la résignation. Voilà ce que dit le maigre Bédouin qui veille en sentinelle, le fusil en bandoulière à crête des dunes. Voilà ce que, peut-être, il faut lire sur le visage à demi rongé de cette autre sentinelle accroupie au bord des sables, le Sphinx."



extrait de Égypte terre du Nil, 1939, par Fernand Leprette (1890-1970), écrivain et intellectuel français ayant longtemps vécu en Égypte

dimanche 19 janvier 2020

Pour les fils d'Égypte, le soleil est "vigueur et vie" (Fernand Leprette)

"À l’aube, le fleuve déplie une nappe de soie vert pâle"
photo MC


"Si l’on veut connaître une lumière incomparablement plus belle, c’est, je pense, autour de Louqsor, sur le Nil et dans la Vallée des Rois, qu'il faut la chercher. À l’aube, le fleuve déplie une nappe de soie vert pâle sur laquelle se déplacent les taches claires des voiles, le ciel se tend d’un azur très fin. On boit la lumière comme l’eau d'un torrent. Quand vient le soir, des teintes vieux mauve et rose cendré pastellisent d’une infinie délicatesse les parois de la falaise libyque. Sans doute, la Grèce nous offre même féerie. Mais ce qu'Athènes ne peut nous donner, ni Naples, ni Alger, ni Constantinople, la lumière de midi avec sa transparence, sa fougue, entre les pans ocrés d'un désert où reposent les âmes bienheureuses et la plaine grasse et verte où s’agitent, tout petits, les êtres vivants.
De toute manière, pendant l'été égyptien, le soleil impose sa présence durant d’interminables heures. La plaine entière se pâme sous le choc d’un dieu jamais assouvi, craque et se réduit en poudre. L’azur du ciel se décolore sous l'excès de lumière. Un sycomore devient buisson ardent. Un palmier ouvre son éventail de feu. Un simple mur de boue séchée, une roue de sakieh gisant au bord d'un champ de coton, la silhouette d’une bufflesse, un troupeau de moutons soulevant la poussière d’une piste participent d’une vibration qui leur confère une poignante beauté. Les rigoles, les canaux soutachent les champs d’or et d'argent. Le fleuve, le large fleuve déroule du sud au nord la plus étincelante des ceintures. L'air même n’est pas, comme ailleurs, impalpable. Il oppose à la marche la résistance d’un liquide et d’une flamme. On le sent qui pèse sur le visage, sur les vêtements. On écarte les bras pour mieux avancer et, derrière soi, se reforme la nappe incandescente. Il ne caresse pas. Il sculpte et fore comme fait un chalumeau. Mais lorsqu’enfin, derrière un mur, on se couche fourbu, encore assourdi d’un crépitement d’étincelles ou ruisselant de sueur, on a vraiment le sentiment d’avoir lutté contre un dieu.
Tel est le soleil d'Égypte, tel, du moins, apparaît-il à de fragiles yeux bleus d'homme du Nord amateur des jeux de lumière. Car, pour un fils du pays, le soleil n’est jamais le dieu ennemi. Dans son coeur, il s'écrierait plutôt comme Khounaton : "Ô toi qui, lorsque tu te lèves, fais vivre les hommes, qui, lorsque tu te couches, les fais mourir !"
Le soleil, pour lui, est vigueur et vie. Principe mâle qui ne laisse jamais en repos la terre noire du Nil et qui la féconde comme s’il la violait, c'est lui qui active la germination du blé, du maïs, du coton, du trèfle et qui multiplie les récoltes. C’est également lui qui purifie et guérit. C’est sa vibration qui donne plus d’intensité à la joie de vivre, à la joie du corps qui s’épanouit dans la chaleur, à la joie des yeux qui naît d’une parfaite visibilité.
(...) 
Le soleil d'Égypte supprime aussi les saisons tranchées et l'homme y a moins qu’en Occident l'impression d'être éphémère. La certitude que le soleil va réapparaître chaque jour dans un ciel sans nuage entretient chez lui, avec le sentiment de la durée, celui de la stabilité, lui confère une humeur égale, une profonde sérénité d'âme."


extrait de Égypte terre du Nil, 1939, par Fernand Leprette (1890-1970), écrivain et intellectuel français ayant longtemps vécu en Égypte

samedi 18 janvier 2020

"En vérité, qui n’a point vécu dans l’intimité de la campagne égyptienne ne connaît pas l'Égypte" (Fernand Leprette)

photo de Zangaki
Les frères Zangaki étaient deux photographes grecs, actifs vers 1870-1875 et 1880-1899

"Tout amuse l'homme du Nord : le regard d'oiseau de nuit que donne aux femmes du peuple la petite bobine dorée qu’elles portent sur le nez pour retenir le voile de leur visage, la cocasserie des éventaires que les vendeurs ambulants lui proposent devant, derrière, à droite et à gauche, la ruse que déploient les cireurs aux pieds nus pour s'emparer de ses souliers, la démarche majestueuse des cheikhs coiffés de turbans neigeux, le geste du barbier accroupi contre un mur pour raser le crâne d’un client, ou bien le long et guttural appel du muezzin qui tourne, là-haut, sur l’horizon.
Il s'acharne, poussé par la curiosité du nouveau venu. Mais il sent bien que ces détails, qui l’accrochent au passage par leur étrangeté, qu’il doit noter parce que, plus tard, il ne les verra plus, ces détails-là l'empêchent précisément d'aller plus avant dans la compréhension du pays et des gens. Il faudra qu’il consente à ne plus vouloir rien apprendre, qu’il se crée des habitudes, exerce une profession, vive comme ceux qui l’entourent. Il s’éloignera de ce pays et il y reviendra. Tantôt il l’aimera et tantôt il croira le détester. Jusqu'au jour où, avec la sûreté d’un instinct, il saisira les mille nuances d’une physionomie, d'un geste, d'une exclamation, considérera avec tendresse ce qui est et sera toujours différent de lui, et, pour tout dire, découvrira que l'Égypte est dans son cœur.
Ce n’est pas dans les carrefours cosmopolites d'Alexandrie et du Caire que l'Égypte livrera son âme à l’homme du Nord. Elle lui fera signe, plutôt, dans des bourgades lointaines, à Dessounès et à Baltim, ou bien à Manfalout et à Darao. Elle lui apparaîtra, quand les champs sont couverts de blés jaunes et quand les cotonniers sont criblés de points blancs. Elle se lèvera à l'aube, quand les femmes, au bord d’un canal, lessivent le linge, nettoient leurs grandes bassines étamées, plongent leurs jarres dans l'eau pour les hisser, l'instant d’après, sur leur tête. Elle viendra vers lui, le soir, lorsque, sur toutes les pistes du Delta et de la Vallée, rentrent des champs les buffles qui portent à califourchon des enfants graves et heureux, les ânes qui ne peuvent résister à l’appel de la dernière touffe de trèfle, les chiens qui gambadent.

En vérité, qui n’a point vécu dans l’intimité de la campagne égyptienne ne connaît pas l'Égypte ; qui n’a point vu, pendant maintes et maintes saisons, se dérouler, sur une longueur de mille kilomètres, la grande fresque de la vie pastorale, ne connaît pas l'Égypte. Qui n’a point vu le fellah, sur sa pièce de terre, lever la houe, tourner la vis d’Archimède, curer les fossés, qui ne l’a point approché, suivi dans sa maison de boue, ne connaît pas non plus l'Égypte. Le fait qu’il se soit servi du même araire pour labourer le limon n’a pas moins de signification que les amoncellements de pierres qui jalonnent le Nil pour des voyageurs.
Et que ce fellah vive depuis tant de siècles, sur la même terre, au bord du même fleuve, entre les mâchoires des mêmes déserts, sous les feux du même soleil, voilà qui explique, mieux que tout, l'âme profonde de l'Égypte."


extrait de Égypte terre du Nil, 1939, par Fernand Leprette (1890-1970), écrivain et intellectuel français ayant longtemps vécu en Égypte

lundi 24 septembre 2018

"Pour un Égyptien, le Nil c'est sa patrie" (Fernand Leprette)

photo MC

"À son fleuve l'Égypte doit, à proprement parler, l'existence ainsi que sa personnalité, son unité. L'on ne s'étonne pas que le Nil ait été pour elle un personnage mystique venu du ciel et même un dieu. (...) 
"Les autres pays n'ont point de Nil", déclarait avec orgueil mon cuisinier Abdou. Et, de fait, le Nil d'Égypte est un fleuve à part. Il n'a guère de fantaisies. Il ne se contente pas de saluer, d'un geste rapide et désinvolte les gens qui le regardent. Il ne bavarde point. Il ne fait point couler, pour le seul plaisir des yeux, une onde transparente mais stérile. Il dédaigne l'ordinaire parure fluviale. C'est un dieu, je l'ai dit. En juin, d'un élan régulier, irrésistible, il pousse aux portes d'Assouan sa masse liquide, qui a l'épaisseur et la couleur du sang, qui en a aussi les vertus. L'eau, qui monte d'une hauteur prévue le long des rives, pénètre dans le corps même de la vallée par d'innombrables vaisseaux. Et ainsi, jusqu'à la mer, il porte le précieux limon. Lorsque, épuisé d'avoir donné la vie, il accepte de se retirer, il le fait sans hâte, sans causer de surprise, insoucieux de laisser apparaître, au milieu de son lit, de longues traînées de sable. Mais s'il semble mourir en octobre, c'est pour renaître l'année suivante et, à travers ce double rythme de vie et de mort, il affirme sa divinité.
De ce Nil, sans qui elle ne serait qu'un désert, l'Égypte est devenue l'esclave attentive, reconnaissante. Elle presse contre ses berges bêtes et gens, comme pour l'honorer, en vérité parce que c'est le maître qui dispense toute richesse. Aussi entend-on, d'Assouan à la mer, la grinçante mélopée des chadoufs, des vis d'Archimède et des sakiehs. Aussi voit-on, tout le long de ses berges, des gars au torse de bronze se courber et se redresser sans trêve cependant que tournent, en rond, sans fin, des buffles, des chameaux et des ânes aux yeux bandés. La plaine a toujours soif de l'eau miraculeuse.
Mais le fleuve sacré, à son tour, a dû se soumettre au génie de ses adorateurs. Autrefois, dans toute l'Égypte, on le laissait répandre à son gré, sur les champs et les pistes toute l'eau de sa crue et, pendant de longs mois, la sécheresse reprenait son empire. Aujourd'hui, on a barré le lit du fleuve ; ses eaux ont été captées ; un système de vannes les a mises à la disposition du fellah, à tout moment de l'année.
Le fellah a fait de la vallée entière une table parfaitement horizontale, un jardin strictement divisé en parcelles que bordent et traversent des rigoles et des drains dont la pente est calculée avec une savante minutie. Aujourd'hui on ne taille plus de colossales statues en l'honneur du dieu fluvial, mais on lui élève, à témoin le barrage d'Assouan, d'une beauté géométrique, industrielle et moderne, de formidables monuments d'architecture auxquels l'antique granit rose confère la même noblesse. 
L'histoire nous a rapporté quelle était la frayeur des anciens Égyptiens lorsque la crue du Nil arrivait en retard au rendez-vous et que la terrible sécheresse des déserts menaçait la Vallée. Sans doute, ne jette-t-on plus au fleuve en sacrifice, ni corps de jeune vierge, ni mannequin, ni bouquet même. Mais que le peuple vienne à imaginer que son flot puisse être détourné de l'Égypte ou simplement amoindri, une inquiétude panique saisit le pays, et tous, fellahs et effendis, cultivateurs des villages et boursiers d'Alexandrie s'unissent dans un même sentiment de crainte et de révolte, comme devant la mort. Si bien qu'on peut affirmer que, pour un Égyptien, le Nil c'est sa patrie, et l'amour du Nil, l'élément fondamental de son patriotisme." 


extrait de Égypte terre du Nil, 1939, par Fernand Leprette (1890-1970), écrivain et intellectuel français ayant longtemps vécu en Égypte