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samedi 3 octobre 2020

"Des saisons de l'Égypte", par Johann Michael Vansleb - XVIIe s.

Jacob Jacobs, Le khamsin, ou le vent chaud du désert (1859)

"La saison tempérée, qui tient du printemps et de l'automne ensemble, lesquelles deux saisons on ne saurait bien distinguer en Égypte, commence au mois de septembre ; et c'est alors seulement qu'on commence à respirer, à cause de l'air frais qui se fait sentir. Mais parce qu'en cette saison la campagne est encore toute couverte d'eau, et qu'on ne se peut ni promener, ni faire aucun voyage par terre, sans une très grande incommodité, on ne reçoit pas encore une entière satisfaction ; il faut attendre jusqu'au milieu de novembre ; alors la campagne est sèche, la chasse des oiseaux commence, les chemins sont libres et battus, les eaux étant écoulées ; l'air est agréablement frais, la chaleur du soleil est supportable, les champs verdoient, et on y ressent de doux zéphyrs, et agréables. Enfin, la saison est pour lors pleine d'agréments, et dure jusqu'au milieu d'avril.
La saison fraîche, qui répond à notre hiver, commence au milieu de décembre. C'est un temps doux et agréable, excepté les sept jours que les Arabes appellent Berd il agiuz, ou le froid de la Vieille : ils commencent le 7 de février, et durent les sept jours suivants, pendant lesquels on sent le matin un froid un peu rude 
; l'air est couvert ordinairement de nuages ; les pluies y sont fréquentes, et les vents impétueux y règnent fort pendant ce temps-là.
Quoique l'hiver soit fort doux, les gens un peu accommodés ne laissent pas de porter des robes fourrées, depuis le mois de novembre, jusqu'au mois de mars. Ce n'est pas que le grand froid les oblige à cela, car il n'y en a point du tout, mais 
parce qu'alors le temps étant fort variable, ils craignent d'être incommodés par des maladies que le changement du temps produit ordinairement.
L'été est la saison la plus incommode de toutes, à cause des chaleurs excessives, des vents chauds, et des maladies dangereuses qui y règnent, particulièrement dans le temps que les Égyptiens appellent le Camsins, que nous nommons le temps pascal. Il commence le lundi après la Pâque des Coptes, et dure jusqu'au lundi d'après leur Pentecôte. C'est en ce temps-là que les vents du Midi, appelé en arabe Merissi, règnent ; ils sont si 
chauds, et si incommodes, qu'ils empêchent tout à fait la respiration, et enlèvent avec impétuosité en l'air une si grande quantité de paille et de sable que le ciel semble être couvert de nuages épais. Ce sable est si subtil qu'il pénètre non seulement les coffres bien fermés, mais même dans un oeuf qui est tout entier.
C'est cette saison aussi qu'il y a beaucoup de fièvres malignes, de 
dysenteries, et plusieurs autres maladies, que la moindre devient incurable, si d'abord on n'y applique pas le remède nécessaire. Et ceux même qui ne sont pas malades, quand ces vents soufflent, ils se sentent tout à fait abattus.
Il faut néanmoins remarquer que ces vents méridionaux ne soufflent pas tous les jours dans cette saison, ni toutes les 
années également, et avec la même force. Car en l'année 1672, ils n'ont soufflé que douze fois, et l'année suivante deux seulement, et même avec modération ; tout le reste du temps pascal régnèrent des vents maestraux frais, et très sains, et on ne saurait exprimer la joie que le peuple ressent lorsque ces vents méridionaux soufflent peu.
Le temps ordinaire des pluies et des vents, qu'on pourrait comparer avec notre automne, commence au mois de décembre, et dure les mois de janvier et février, quoiqu'à Alexandrie et à Rosette, il pleuve encore hors de cette saison, à cause du voisinage de la mer. (...) Ce qui fait voir qu'il est faut, ce qu'on dit ordinairement, qu'il ne pleut pas en Égypte."


extrait de Nouvelle relation en forme de journal d'un voyage fait en Égypte en 1672 & 1673, par Johann Michael Vansleb (Wansleben), 1635-1679, père dominicain, théologien, voyageur, orientaliste. (texte établi selon l'orthographe actuelle)

"L'Allemand Johann Michael Wansleben fit un premier voyage en Égypte en 1664 à la demande du duc de Saxe-Gotha. Revenu en Europe, il alla à Rome, abjura le protestantisme et prit l'habit des dominicains. Il publia en italien une relation de son premier voyage (1671), rencontra l'évêque de Montpellier qui le présenta à Colbert. Celui-ci le chargea alors d'un second voyage en Égypte dans le but de récolter des manuscrits et médailles et de nouer une alliance avec l'Éthiopie. Le Père Vansleb, comme il se faisait appeler alors, visita l'Égypte d'avril 1672 à octobre 1673, et fut le Français à avoir pénétré le plus au Sud dans le pays. De 1674 à 1676 il traversa l'Asie mineure et séjourna à Constantinople d'où il fut rappelé en France. Colbert se montra peu satisfait de lui et refusa de lui rembourser une partie de ses dépenses. Vansleb mourut dans la pauvreté en 1679, après avoir publié en français la présente relation de son second voyage en Égypte." (Drouot estimations)