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lundi 12 octobre 2020

"Quand je suis loin de toi, je sais bien ce qui me manque" (Charles Puech-Barrera, dans son "Offrande" au ciel bleu d'Égypte)

photo MC

"Sous ton ciel bleu, je t’ai vue, Égypte, et je t’ai aimée. Non pas d’amours passagères et touristiques, mais avec la ferveur de ceux qui tentent de pénétrer ton âme si vieille et pourtant si naïve, de découvrir ton mystère incessant, et de remplir leurs yeux des merveilles de tes siècles enfouis.
Loin de ton ciel bleu, j'ai revécu les heures mortes sur ta terre, les douces comme les douloureuses, qui ont creusé dans ma vie leur ineffaçable sillon et j’ai souffert de ta nostalgie : j’avais bu l’eau du Nil ! Ne comparons pas les ciels. D’autres sont beaux, d’autres sont sacrés, d’autres sont ceux de mon enfance et des parents de mes parents. Je les aime plus que le tien et je les regrette, mais quand je suis loin de toi, je sais bien ce qui me manque !
Vers ton ciel bleu, mon âme est attirée par les mille liens qu'ont noués entre nous ta lumière, ton soleil, ton fleuve, tes barques, ton désert, tes nuits. Que d’autres choses m’appellent à toi, que d’impondérables ! Peut-être, quelle lointaine hérédité maure ! Et tu m'accueilleras à mon retour, immuable et nonchalante, avec un rire léger de femme victorieuse, un instant délaissée, mais sûre de son emprise.
Sous ton ciel bleu, j'ai ouvert tout grands mes yeux qui voulaient tout connaître et je t'ai chantée pour mieux graver en moi-même, au fil des jours, ce qui me plaisait en toi. Au hasard de mes promenades, les mille aspects de ton visage m'ont apparu et j’ai tâché de les décrire. Sois indulgente à mon audace, pardonne à mes malices aussi bien qu’à mes erreurs : je t’ai chantée avec amour et dans la joie."


extrait de Sous ton ciel bleu - Impressions d'Égypte, 1934, de Charles Puech-Barrera (1878-?), docteur en droit, président du Tribunal Mixte du Caire.

"Sous la forme nonchalante d'une série de petits tableaux, nous voyons défiler toute l'Égypte, son décor naturel, le ciel, le Nil, le désert, la mer, quelques monuments caractéristiques, quelques types des espèces humaine et animale, les fruits nationaux, si l'on peut dire, coton, canne à sucre, pastèque, sans oublier la truculente description des sous-produits de la gamousse. Le ton passe du sentimental au mordant. J'avoue, pour ma part, préférer la verve un peu rosse de l'auteur, d'une rosserie qui ne fait qu'égratigner, mais devant laquelle rien ne trouve grâce. La sérénité de l'ambiance donne à l'ensemble un cachet spécial d'émotion, qu'il s'agisse de la nuit douce et tendre de l'Orient, ou de la palmeraie, cette forêt aérée, sans embûches, sans ombre, sans mystère, illuminée. Ailleurs, "c'est une toute petite mosquée, sans faste et sans dorures". Puech-Barrera a vu également les gestes calmes et graves du Nubien, la noblesse de certaines de ses attitudes, même lorsqu'il va se distraire à son petit café tranquille." (Gaston Wiet, dans La Revue du Caire, juin 1939)

La "pure majesté des lignes" des pyramides (Charles Puech-Barrera)

photo de Félix Bonfils (1831 - 1885)

"Laissons aux touristes hâtifs la joie modeste de les découvrir en plein jour, quand le soleil les écrase. Elles ne sont alors que pierres sur pierres, effritées et calcinées. Nous, nous saurons aller les aimer par une nuit d’octobre ou de novembre, lorsque la lune à son quatorzième jour les pare d’une clarté mystérieuse et les découpe sur le fond bleu noir où pâlissent les étoiles.
Surtout, nous saurons demeurer respectueusement à distance et, pour les voir dans toute la beauté, nous tendrons, entre elles et nous, le sombre miroir du lac.
Serrés l'un contre l’autre, sur les coussins de la felouque, nous dérivons lentement sur cette eau voyageuse qui nous vient de si loin, pour bientôt s’enfuir et nous regardons avidement, intensément.
La pure majesté des lignes s’échappe de la terre indistincte pour se joindre en un point qui paraît atteindre aux astres. Et les mêmes lignes, inversées, s'enfoncent en reflets que les rides du flot ne parviennent pas à rendre incertains.
Elles demeurent rigides, nettes, volontaires, aussi violentes pour creuser l’abîme que pour escalader les cieux.
Dans le silence de la nuit illuminée, elles se dressent, immenses et terribles, comme des monts magiques que les génies auraient subitement érigés. Elles étendent leurs masses, comme des montagnes et, cependant, elles ont la fierté mince des sommets. Et le miracle du reflet les pose en un équilibre inouï sur leur pointe retournée.
Toi, que je sens près de moi, frémissante et grave, toi, qui sais pieusement écouter le murmure des âmes éparses dans la nuit, tu sauras ne jamais oublier l'heure unique où tu as compris, une fois encore, que l'effort des hommes n’est jamais vain.
Qu'importe le but poursuivi par ces Princes mortels dont l’orgueil insensé a voulu ces tombeaux, au prix de mille fois mille vies, puisqu'ils ont su les vouloir là. Qu'importe, puisque la terre, l’eau, le feu, le ciel et le temps les ont laissé faire, qu’ils ont respecté leur œuvre et qu’ils l'aiment, pour accepter ainsi de la présenter encore au monde. Qu'importe, puisque d’autres mortels dont nous sommes, ont senti leur cœur se fondre, par une nuit lumineuse et pure, devant l’idéale beauté."

extrait de Sous ton ciel bleu - Impressions d'Égypte, 1934, de Charles Puech-Barrera (1878-?), docteur en droit, président du Tribunal Mixte du Caire.


"Sous la forme nonchalante d'une série de petits tableaux, nous voyons défiler toute l'Égypte, son décor naturel, le ciel, le Nil, le désert, la mer, quelques monuments caractéristiques, quelques types des espèces humaine et animale, les fruits nationaux, si l'on peut dire, coton, canne à sucre, pastèque, sans oublier la truculente description des sous-produits de la gamousse. Le ton passe du sentimental au mordant. J'avoue, pour ma part, préférer la verve un peu rosse de l'auteur, d'une rosserie qui ne fait qu'égratigner, mais devant laquelle rien ne trouve grâce. La sérénité de l'ambiance donne à l'ensemble un cachet spécial d'émotion, qu'il s'agisse de la nuit douce et tendre de l'Orient, ou de la palmeraie, cette forêt aérée, sans embûches, sans ombre, sans mystère, illuminée. Ailleurs, "c'est une toute petite mosquée, sans faste et sans dorures". Puech-Barrera a vu également les gestes calmes et graves du Nubien, la noblesse de certaines de ses attitudes, même lorsqu'il va se distraire à son petit café tranquille." (Gaston Wiet, dans La Revue du Caire, juin 1939)