Le projet d'un voyage en Égypte nous avait séduits, comme étant un peu en dehors des voyages ordinaires. Notre but était de juger par nous-mêmes des charmes si vantés du climat et de voir des merveilles classiques remontant à des époques si reculées, qu'on peut en calculer à peine la haute antiquité. Nous désirions encore observer la civilisation orientale, dont nous supposions, avec raison, la marche plus accentuée et plus rapide en Égypte que dans les autres pays musulmans. Ces désirs, successivement satisfaits, ont fait place à d'autres que nous n'avions pas soupçonnés.
Les mystérieux monuments de l'Égypte présentent des problèmes dont la solution est attractive.
La curiosité matérielle satisfaite, la curiosité intellectuelle et morale s'éveille ; on a conscience - nous parlons pour nous -, de son inaptitude à comprendre les grands rébus historiques et religieux qui se rencontrent à chaque pas. Se laisse-t-on aller à en commencer l'étude, on est aussitôt saisi par un extrême intérêt ; on s'entraîne à soulever chaque jour davantage les voiles qui cachaient à l'esprit une appréciation plus juste de la civilisation primitive du pays des Pharaons. (...)
En Égypte, le côté artistique et poétique existe partout dans la nature. Le grand peintre est le soleil ; ses œuvres sont ces scènes inimitables, sans cesse variées, composées avec cette lumière splendide qui dore les clairs, perce les ombres les plus accusées et inonde d'harmonie l'ensemble de ses tableaux.
En vivant au milieu de ces beaux effets, ils élèvent la pensée, ils attirent l'esprit vers les recherches sérieuses et historiques que les ruines monumentales invitent à entreprendre. On sent, devant le spectacle des gigantesques efforts de l'humanité, que les yeux ne sont pas seuls émerveillés, que les aspirations philosophiques de notre âme sont elles-mêmes puissamment excitées.
L'Égypte devient un immense livre que l'on veut pouvoir lire, une charte que l'on cherche à déchiffrer. On quitte alors ce pays en gardant le désir d'approfondir une science qui, lorsqu'on est éloigné, paraît encore augmenter d'attrait.
Nous avons mieux compris à notre départ ce que M. Mariette nous avait dit à notre arrivée, sur l'espèce de passion d'égyptologie qui s'étant peu à peu emparée de lui n'avait fait qu'augmenter avec la durée de son séjour."
extrait de De Paris en Égypte : souvenirs de voyage, 1874, par Charles-Frédéric-Alexandre André de Carcy (1814-1889), aristocrate lorrain, ancien élève de Saint-Cyr et ancien chef d'escadron d'État-major
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