photo de Pascal Sébah (1823 - 1886) |
"Sur les bords du Nil et des canaux, (...) on se sert d’une machine (...) qui a été souvent décrite par les voyageurs. Je veux parler du chadouf. Le chadouf est composé d’un levier suspendu vers le tiers de sa longueur sur une traverse horizontale, que soutiennent deux montants verticaux établis au sommet des berges du Nil ou du canal où l’on puise l’eau. La branche la plus courte du levier porte un contrepoids de terre durcie ; et sa branche la plus longue, une verge de bois attachée par un lien flexible, de manière que, pendant le mouvement de rotation du levier, cette verge reste toujours verticale. À son extrémité inférieure est suspendu le seau de cuir. Un homme placé sur une saillie de terre puise de l’eau dans le seau, l’élève à la hauteur de sa poitrine et la verse dans un petit canal, qui la conduit sur les terrains où on en a besoin, et, si cela est nécessaire, dans un puisard, où elle est reprise de nouveau par une semblable machine qui la transmet à une troisième, etc., jusqu’à ce qu’elle soit parvenue à la hauteur du terrain qu’elle doit arroser. Chaque chadouf élève l’eau à 5 mètres environ de hauteur ; on en place trois ou quatre au-dessus les uns des autres, suivant les localités. Les expériences faites sur une de ces machines par les savants de l’expédition française, ont appris qu’un ouvrier égyptien peut élever, au moyen du chadouf, près de 50 litres d’eau par minute à une hauteur d’environ 5 mètres, ce qui est fort au-dessus de la force ordinaire d’un homme, telle qu’on la calcule dans notre climat d’Europe. (...) Dans la haute Égypte, où le Nil est plus encaissé que dans la basse, l’usage des chadoufs est plus répandu encore que dans le Delta. On voit jusqu’à cinq ou six étages de ces machines placées l’une au-dessus de l’autre pour faire parvenir l’eau jusqu’au-dessus des terres. (...) Les hommes employés au service des chadoufs passent des journées entières et souvent des nuits à tirer de l’eau du fleuve et à la répandre sur la terre. Tous les voyageurs qui ont parcouru le Nil pendant les basses eaux ont été frappés du spectacle des nombreux chadoufs qui bordent les rives du fleuve, sans cesse mis en mouvement par des hommes presque entièrement nus, qui, pour régulariser le balancement qu’ils impriment à ces longues perches, accompagnent leurs travaux en répétant, sur un rythme uniforme, de monotones cantilènes."
extrait de Aperçu général sur l'Égypte, 1840, par Antoine Barthélémy Clot-Bey, médecin français (1793 - 1868)
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