vendredi 21 septembre 2018

"Si l'immortalité pouvait se personnifier, si elle nous apparaissait, je crois qu'elle se montrerait à la terre du sommet des pyramides" (Joseph-François Michaud)

 
peinture d'Ernst Karl Eugen Koerner (1846-1927)

"Au reste, les pyramides sont comme l'Égypte elle-même ; ce pays ne nous intéresse pas seulement par ses merveilles, mais par les mystères qui couvrent son histoire ; lorsque l'Égypte sera complètement connue, et qu'on passera du domaine des conjectures à celui des faits, lorsqu'il ne sera plus permis de bâtir des systèmes sur tout ce qu'on y voit, et que l'imagination ne sera plus pour rien dans les relations des voyageurs, il est possible que ce pays excite moins d'intérêt, et qu'il attire moins notre curiosité et notre attention.
Mais tandis que je me livre ainsi à de vagues réflexions, j'entends crier autour de moi : Les pyramides ! les pyramides ! Je suis sorti de notre cabine, et les trois pyramides de Giseh nous ont apparu dans l'horizon lointain. Nos mariniers nous disent qu'elles sont à une distance de plus de huit lieues. Elles s'élèvent sur une surface plane et sous un ciel blanc ; l'espace qui nous en sépare les fait paraître diaphanes ; le sentiment qu'on éprouve au premier aspect est difficile à définir ; c'est l'inspiration sévère de la solitude, mêlée à celle du ciel et de ses merveilles ; c'est la mystérieuse Égypte qui sort du cercueil et qui lève sa tête vers le firmament ; le profond silence, la vaste étendue du désert, voilà ce qui frappe l'imagination ; on n'éprouve point de terreur à cette vue comme le prétend le voyageur Clarke, mais l'aspect des pyramides vous trouble et vous émeut comme une grande pensée morale, comme un chant de l’Iliade, ou comme un beau passage des Prophètes. On est pénétré de je ne sais quel sentiment religieux qui nous reporte aux temps reculés et qui nous donne confiance dans l'avenir ; je conçois très bien maintenant ces paroles que Bonaparte adressait à ses soldats : “Du haut des pyramides trente siècles vous contemplent.” Ces monuments sont en effet comme des colonnes placées sur le chemin de l'éternité, et si l'immortalité pouvait se personnifier, si elle nous apparaissait, je crois qu'elle se montrerait à la terre du sommet des pyramides."

extrait de Correspondance d'Orient, 1830-1831- tome V, par
Joseph-François Michaud (1767-1839), historien et pamphlétaire français, auteur d’une Histoire des Croisades

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