photo de Béchard (1844-18..?) |
Ce peuple a vu le temps s'écouler comme les eaux du fleuve qui traverse ses plaines nues, et il s'est dit que ce qui passe si vite n'est rien, et, se détachant de cette vie caduque, il s'est reporté par sa foi, par ses désirs et ses espérances, vers une autre vie permanente, immuable. Pour lui l'existence commence au tombeau ; ce qui précède n'en est qu'une ombre, une fugitive image. Ainsi ses conceptions religieuses et philosophiques, ses dogmes, en un mot, venant aboutir à ce grand mystère de la mort, son Temple a été un sépulcre. (...)
L'homme est présent partout dans le Temple égyptien, c'est l'homme qu'il rappelle, mais dans ses rapports avec le monde que recouvre la tombe comme le voile mystérieux d'Isis. Par la grandeur des masses, la largeur des bases, les fortes proportions des parties diverses, il fait naître le sentiment d'une durée sans bornes. Le flot des siècles qui entraîne tout le laisse inaltérable. Symbole de la demeure future de l'homme, de la demeure où la mort l'introduit, il exhausse pour le recevoir ses voûtes moins pesantes, ses colonnes montent ; la symétrie devient apparente ; les ornements plus multipliés prennent des formes plus élégantes. Toutefois c'est encore un tombeau, la vie est au-delà, en d'invisibles régions dont les astres enflammés du firmament marquent la route. Dans le temple nul mouvement. Les moyens mis en œuvre pour élever la pensée au dessus du temps et de ses vicissitudes, produisent une impression insurmontable d'immobilité, et, dans les images qui le représentent, l'homme même ressemble par sa pose, par la raideur des membres, les traits sans expression, à une momie dans un cercueil."
extrait de Esquisse d'une philosophie, Volume 3, 1840, par Hugues-Félicité Robert de Lamennais (1782 - 1854), prêtre français, écrivain, philosophe et homme politique
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