"L'avant-dernier jour de notre résidence à Thèbes fut employé à visiter les tombeaux des rois. Ces tombeaux fixent à un tel point l'attention du voyageur, qu'ils méritent bien, de préférence , que je leur assigne ici une place dans mes souvenirs. Mettant pied à terre sur la rive gauche du Nil, nous montâmes sur nos ânes qui nous attendaient déjà, et, traversant le village de Gournah, nous nous dirigeâmes vers la chaîne des montagnes libyques, qui, dénuées de toute végétation, ne présentent à l'œil que d'innombrables enfoncements destinés aux hypogées de l'ancienne ville de Thèbes.
Bientôt après nous entrâmes dans la vallée sacrée, où reposent les derniers restes de ces rois superbes, dont nous admirons encore les ouvrages. Des rochers arides et escarpés resserrent la route qui conduisait autrefois dans cet asile de paix et de repos éternel. Les anciens rois d'Égypte ne pouvaient sans doute pas choisir un lieu plus isolé, plus lugubre et qui provoquât davantage au silence et à la méditation. Des pierres détachées et dispersées en rendent maintenant l'accès très pénible. Le silence de ces lieux n'est interrompu par rien, pas même par le bourdonnement d'un seul insecte ; aucun en effet ne saurait exister dans ce désert. Plus on avance, plus ces rochers deviennent menaçants ; ils finissent par présenter d'immenses surfaces taillées à pic. C'est en quelque sorte entre deux murailles formées par la nature, que l'on chemine pendant une heure de marche ; l'âme en est comprimée, et partagée entre un sentiment de crainte et d'attente. Mais bientôt de nouvelles merveilles, après toutes celles que nous avons précédemment admirées et décrites, appellent les regards et complètent, pour ainsi dire, tout ce qui manque encore à nos connaissances sur ce peuple si surprenant, si extraordinaire. Ce n'est, il faut l'avouer, qu'après avoir visité les tombeaux des rois, que l'on peut se faire une juste idée du haut degré de culture, du luxe et des connaissances multipliées des anciens Égyptiens.
Je visitai quatre de ces tombeaux ; le plus magnifique est sans contredit celui dont l'entrée a été découverte par M. Belzoni. Une longue voûte ou galerie taillée dans le roc y conduit à différents appartements, et de là à la pièce principale dans laquelle s'est trouvé le magnifique sarcophage d'albâtre qui a été depuis envoyé par M. Salt en Angleterre. Des deux côtés de la galerie d'entrée, se trouvent pratiqués de petits cabinets contenant des peintures à fresque d'une beauté et d'une fraîcheur si surprenantes qu'on dirait que le pinceau de l'artiste vient de les achever. Ce sont, pour la plupart, des scènes tirées de la vie domestique, des occupations rurales, les différents métiers, représentés avec tous les outils nécessaires à leur exercice ; des allégories, des arabesques du meilleur goût. Les plafonds y sont peints comme dans nos cabinets modernes les plus élégants, et si l'authenticité de ces tombeaux n'était pas démontrée, on serait tenté de s'y croire le jouet de quelque supercherie, tant il paraît étonnant que le temps ait respecté des ouvrages finis depuis tant de siècles."
extrait de Mes souvenirs d'Égypte, Volume 1, 1826, par Wolfradine Auguste Luise von Minutoli (1794-1868), épouse de l’archéologue prussien, le général Heinrich Menu von Minutoli (1772-1846), qu’elle a accompagné lors de ses missions de fouilles en Égypte.
Bientôt après nous entrâmes dans la vallée sacrée, où reposent les derniers restes de ces rois superbes, dont nous admirons encore les ouvrages. Des rochers arides et escarpés resserrent la route qui conduisait autrefois dans cet asile de paix et de repos éternel. Les anciens rois d'Égypte ne pouvaient sans doute pas choisir un lieu plus isolé, plus lugubre et qui provoquât davantage au silence et à la méditation. Des pierres détachées et dispersées en rendent maintenant l'accès très pénible. Le silence de ces lieux n'est interrompu par rien, pas même par le bourdonnement d'un seul insecte ; aucun en effet ne saurait exister dans ce désert. Plus on avance, plus ces rochers deviennent menaçants ; ils finissent par présenter d'immenses surfaces taillées à pic. C'est en quelque sorte entre deux murailles formées par la nature, que l'on chemine pendant une heure de marche ; l'âme en est comprimée, et partagée entre un sentiment de crainte et d'attente. Mais bientôt de nouvelles merveilles, après toutes celles que nous avons précédemment admirées et décrites, appellent les regards et complètent, pour ainsi dire, tout ce qui manque encore à nos connaissances sur ce peuple si surprenant, si extraordinaire. Ce n'est, il faut l'avouer, qu'après avoir visité les tombeaux des rois, que l'on peut se faire une juste idée du haut degré de culture, du luxe et des connaissances multipliées des anciens Égyptiens.
Je visitai quatre de ces tombeaux ; le plus magnifique est sans contredit celui dont l'entrée a été découverte par M. Belzoni. Une longue voûte ou galerie taillée dans le roc y conduit à différents appartements, et de là à la pièce principale dans laquelle s'est trouvé le magnifique sarcophage d'albâtre qui a été depuis envoyé par M. Salt en Angleterre. Des deux côtés de la galerie d'entrée, se trouvent pratiqués de petits cabinets contenant des peintures à fresque d'une beauté et d'une fraîcheur si surprenantes qu'on dirait que le pinceau de l'artiste vient de les achever. Ce sont, pour la plupart, des scènes tirées de la vie domestique, des occupations rurales, les différents métiers, représentés avec tous les outils nécessaires à leur exercice ; des allégories, des arabesques du meilleur goût. Les plafonds y sont peints comme dans nos cabinets modernes les plus élégants, et si l'authenticité de ces tombeaux n'était pas démontrée, on serait tenté de s'y croire le jouet de quelque supercherie, tant il paraît étonnant que le temps ait respecté des ouvrages finis depuis tant de siècles."
extrait de Mes souvenirs d'Égypte, Volume 1, 1826, par Wolfradine Auguste Luise von Minutoli (1794-1868), épouse de l’archéologue prussien, le général Heinrich Menu von Minutoli (1772-1846), qu’elle a accompagné lors de ses missions de fouilles en Égypte.
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