Antiquité égyptienne du musée du Louvre. Source: Guillaume Blanchard (Wikimedia Commons) |
Parmi les difficultés externes, je souligne volontiers les suivantes : nos séries sont fort incomplètes, elles dérivent de la bonne chance des fouilleurs ; une seule cachette comme celle de Karnak renouvelle entièrement le sujet, mais sans apporter cependant des documents pour toutes les périodes. Les objets découverts sont dispersés dans les musées du monde entier et celui qui voudrait étudier, par exemple, la tombe memphite d'Horemheb devrait visiter au moins cinq ou six villes d'Europe. Dans les musées, les objets sont souvent accumulés sans critique et les conservateurs des collections n'ont pas pu, le plus souvent, classer séparément les documents de qualités artistiques différentes. Alors que dans toutes les grandes villes il est possible d'étudier systématiquement le développement de l'art grec sur la base d'une bonne collection de moulages, il n'existe encore nulle part un grand musée de moulages égyptiens. Les publications sont insuffisantes, basées sur des dessins maladroits, les photographies n'ont pas été prises d'une manière qui permette les comparaisons. Une masse considérable de pièces de premier ordre ne sont pas encore publiées. Combien de statues que Champollion décrivait dans ses lettres au duc de Blacas, au lendemain de sa géniale découverte, combien de statues provenant des fouilles de Mariette, restent inédites jusqu'à l'heure présente ? Le Musée de Turin, le Louvre, le British Museum, et tant d'autres collections, tiennent en réserve des matériaux d'étude des plus précieux.
Les difficultés internes ne sont pas moindres. Nous manquons absolument de traditions littéraires sur les œuvres. À peu près toutes sont restées anonymes. L'étude critique des monuments permet de montrer les différences de qualité considérables entre les documents d'une même date et quelquefois même entre des statues sorties d'une même tombe. Nous sommes constamment troublés par le terrible problème des usurpations : les rois effacent les inscriptions de leurs prédécesseurs immédiats ou lointains et s'approprient leurs œuvres sans scrupule. De grands personnages n'hésitent pas à réemployer des statues de dates extrêmement diverses. Les Égyptiens se sont montrés singulièrement conservateurs ; ils copient scrupuleusement les modèles établis par les ancêtres, à tel point que l'on pourrait peut-être soutenir que l'histoire de l'art égyptien est exactement l'histoire de diverses déviations en partant d'un très ancien idéal de perfection.
Dans ces conditions, il faut chercher à se convaincre tout d'abord de la limitation de nos tâches présentes. Commençons par examiner d'une manière plus critique l'origine des différents documents. Les circonstances de la découverte de certaines pièces par des explorateurs modernes, permettent parfois de tirer des conclusions intéressantes au sujet de documents trouvés à une époque où les fouilleurs étaient moins précis dans leurs méthodes. Nous devons chercher à grouper les monuments, ce qui est parfois possible grâce à des indications généalogiques. Méfions-nous des attributions fantaisistes de soi-disant portraits de tel ou tel roi, ce qui, bien souvent, n'a pas d'autre résultat que de compliquer les problèmes qui se posent à nous. Prenons garde de nous laisser induire en erreur par des idées préconçues. Pour ne citer qu'un seul exemple, je pense que les trois premières dynasties n'ont rien de véritablement archaïque et que c'est avant cette période que nous devrons rechercher les origines véritables de l'art pharaonique. Quand nous avons établi un fait d'une façon indiscutable, tâchons d'en déduire les conséquences logiques, même si celles-ci devraient renverser les idées généralement admises. Il me semble que l'on peut prouver la date très ancienne du début de l'art pharaonique par l'examen des formes des hiéroglyphes, témoignant de l'emploi régulier de la plupart des conventions que le dessin égyptien suivra à tous les âges.
Dans l'état actuel des découvertes archéologiques, les vrais débuts de l'art égyptien restent hors de notre atteinte et il n'est pas exagéré de dire qu'il nous faudra patiemment attendre, et longtemps peut-être, le résultat des recherches de l'avenir avant d'oser écrire une véritable Histoire de l'art égyptien."
Les difficultés internes ne sont pas moindres. Nous manquons absolument de traditions littéraires sur les œuvres. À peu près toutes sont restées anonymes. L'étude critique des monuments permet de montrer les différences de qualité considérables entre les documents d'une même date et quelquefois même entre des statues sorties d'une même tombe. Nous sommes constamment troublés par le terrible problème des usurpations : les rois effacent les inscriptions de leurs prédécesseurs immédiats ou lointains et s'approprient leurs œuvres sans scrupule. De grands personnages n'hésitent pas à réemployer des statues de dates extrêmement diverses. Les Égyptiens se sont montrés singulièrement conservateurs ; ils copient scrupuleusement les modèles établis par les ancêtres, à tel point que l'on pourrait peut-être soutenir que l'histoire de l'art égyptien est exactement l'histoire de diverses déviations en partant d'un très ancien idéal de perfection.
Dans ces conditions, il faut chercher à se convaincre tout d'abord de la limitation de nos tâches présentes. Commençons par examiner d'une manière plus critique l'origine des différents documents. Les circonstances de la découverte de certaines pièces par des explorateurs modernes, permettent parfois de tirer des conclusions intéressantes au sujet de documents trouvés à une époque où les fouilleurs étaient moins précis dans leurs méthodes. Nous devons chercher à grouper les monuments, ce qui est parfois possible grâce à des indications généalogiques. Méfions-nous des attributions fantaisistes de soi-disant portraits de tel ou tel roi, ce qui, bien souvent, n'a pas d'autre résultat que de compliquer les problèmes qui se posent à nous. Prenons garde de nous laisser induire en erreur par des idées préconçues. Pour ne citer qu'un seul exemple, je pense que les trois premières dynasties n'ont rien de véritablement archaïque et que c'est avant cette période que nous devrons rechercher les origines véritables de l'art pharaonique. Quand nous avons établi un fait d'une façon indiscutable, tâchons d'en déduire les conséquences logiques, même si celles-ci devraient renverser les idées généralement admises. Il me semble que l'on peut prouver la date très ancienne du début de l'art pharaonique par l'examen des formes des hiéroglyphes, témoignant de l'emploi régulier de la plupart des conventions que le dessin égyptien suivra à tous les âges.
extrait de Leçons sur l'art égyptien, par Jean Capart (1877-1947), membre correspondant de l'Académie royale de Belgique, chargé de cours d'égyptologie à l'Université de Liège, professeur à l'Institut supérieur d'art et d'archéologie de l'Université de Liège, secrétaire et secrétaire des Musées royaux du Cinquantenaire à Bruxelles
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