Six mille mètres carrés lui avaient été concédés par la Commission impériale, et elle offrait, ainsi que le fait si judicieusement remarquer M. Ch. Edmond, commissaire général de l'Exposition vice-royale, dans son livre sur l'Égypte : «aux yeux éblouis du monde entier, en miniature - et comme condensée en un si petit espace, toute l'Égypte, brillante, splendide, révélant les grandeurs de son passé, les riches promesses de son présent, et laissant à l'opinion publique elle même le soin d'en tirer des conclusions pour l'avenir.»
Élevées sous la direction de M. Drevet, architecte à Paris, ces constructions comprenaient quatre édifices : un temple, un Selamlik, un Okel, une écurie à chameaux. Placés à peu de distance l'un de l'autre, ils résumaient en quelque sorte toute la vie orientale et nous initiaient aux diverses phases de cette architecture si grandiose dans sa période ancienne, si charmante, si pleine de grâce et de bon goût dans sa seconde période, celle de la domination arabe, dont l'Égypte possède encore des restes nombreux si variés et si beaux.
Rien au monde n'est plus propre à produire une impression grandiose que la vue des anciens monuments de l'Égypte. L'immensité des proportions générales, la justesse d'échelle des détails rehaussés d'une riche et harmonieuse coloration, le site, l'atmosphère qui les environne, la puissance des ruines encore existantes, tout enfin produit sur les sens une impression unique, que les monuments de la Grèce, avec leur admirable pureté, sont seuls capables de contrebalancer.
Champollion, dont la science et le nom sont inséparables des monuments de l'Égypte antique, avait coutume de dire, lorsqu'il visitait les ruines de Thèbes, que les Égyptiens concevaient en hommes de cent pieds de haut, et que l'imagination, qui en Europe s'élance bien au-dessus de nos portiques, s'arrête et tombe impuissante aux pieds des 140 colonnes de la grande salle hypostyle de Karnak.
Et cependant ces anciens monuments n'apparaissent au voyageur heureux, auquel le temps et la fortune en permettent la visite, qu'à l'état de ruines, brisés, bouleversés par l'action des siècles, plus encore par le génie destructeur des hommes. Ce n'est qu'après de longues recherches, des efforts soutenus, qu'il peut arriver à les reconstituer par la pensée dans toute la splendeur de leur état primitif.
Pour nous, pour tous ceux qui n'ont pas eu cette bonne fortune, et ils sont nombreux, le temple élevé au Champ-de-Mars, bien que ne reproduisant servilement aucune disposition existante, nous donnait cependant une idée très rapprochée et aussi fidèle que possible de l'effet que devaient produire ces monuments lorsqu'ils venaient d'être achevés. (...)
Quelle que soit la valeur des critiques de détail qu'ont cru devoir faire quelques archéologues sur ce temple, il est incontestable qu'au point de vue de son ensemble, avec sa porte monumentale donnant accès à une double rangée de sphinx conduisant au sanctuaire, qu'avec son exécution faite sur des données précises, avec des photographies et des moulages nombreux, il était une des réussites et l'un des attraits les plus puissants du parc du Champ-de-Mars, une bonne fortune pour les artistes si nombreux qui n'ont pu visiter ce beau pays qui s'appelle l'Égypte, et qu'ils doivent avoir un sentiment de reconnaissance pour le vice-roi dont l'esprit si élevé n'a point reculé devant les dépenses considérables que nécessitait l'exécution de ce monument."
extrait de L'architecture des nations étrangères : étude sur les principales constructions du parc à l'Exposition universelle de Paris (1867), par Alfred-Nicolas Normand (1822-1909), architecte et photographe français
extrait de L'architecture des nations étrangères : étude sur les principales constructions du parc à l'Exposition universelle de Paris (1867), par Alfred-Nicolas Normand (1822-1909), architecte et photographe français
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