dimanche 7 août 2022

"Les Égyptiens ne faisaient qu'enluminer, c'est-à-dire qu'ils remplissaient l'espace laissé vide par le trait du dessin" (Adolphe Siret, XIXe s.)

tombe de Horemheb - Vallée des Rois 
photo  de Jean-Pierre Dalbéra (Wikipédia, licence Creative Commons)

"De même que les Chinois et les Indiens, les Égyptiens ne faisaient qu'enluminer, c'est-à-dire qu'ils remplissaient l'espace laissé vide par le trait du dessin, de la couleur en rapport avec leur intention. Ce n'est que longtemps plus tard, et après que les Grecs eurent inventé la partie de l'art qu'on nomme le clair-obscur, qu'ils donnèrent à leur peinture un certain relief.
D'après le témoignage de Platon, qui vivait quatre cents ans avant l'ère vulgaire, la peinture était exercée en Égypte depuis un temps immémorial. Aucune œuvre n'a traversé cette haute antiquité pour venir jusqu'à nous et aucune preuve d'existence n'appuie l'assertion de Platon. Nous en sommes donc réduits à des suppositions puisées dans les œuvres du disciple de Socrate et dans quelques livres de Pline, dont le témoignage a plus d'une fois été mis en doute.
Les seuls monuments qui soient arrivés jusqu'à nous et qui puissent déterminer en quelque sorte le mode de peinture adopté par les Égyptiens, sont des vases, des bandelettes, des momies, et ces murailles immenses sur lesquelles sont peintes des enluminures colossales.
Les bandelettes de toile des momies, après avoir été préalablement soumises à quelque opération chimique, sont enduites d'un blanc de céruse qui en constitue le fond. Le rouge, le bleu, le jaune et le vert sont les seules couleurs qui paraissent y avoir été employées, et encore le sont-elles sans être fondues les unes dans les autres. Les contours sont tracés en noir et fortement marqués. La plupart des hiéroglyphes que le peintre y a reproduits ont trait à des cérémonies religieuses, lesquelles se retrouvent très souvent sur les monuments de cette nation et à diverses époques.
De ce rapide examen on doit conclure nécessairement que ce n'est point là de la véritable peinture, mais bien un travail grossier, manuel, sans inspiration, sans portée presque, si l'on voulait y chercher autre chose que l'application d'une formalité religieuse. Du reste, ce n'est pas à l'Égypte qu'il faut demander des artistes ; on n'y trouve que des ouvriers, dont toute la besogne consistait à colorier des figures sur des vases de terre, sur des coupes, sur des colonnes, sur des barques, et qui ne voyaient qu'une branche d'industrie là où la civilisation a placé un noble et glorieux sacerdoce.
Les Égyptiens donnaient à toutes leurs figures une pose raide, rapprochaient le plus souvent leurs jambes, et collaient les bras le long du corps. Les oreilles étaient placées plus haut que le nez, et le menton arrondi avec excès était rarement en rapport avec les dimensions naturelles.
Leur religion s'opposant à ce qu'ils étudiassent l'anatomie, ils en étaient réduits à la sciagraphie. Les pratiques religieuses semblent avoir déterminé une pose consacrée que l'on retrouve sur la plupart des monuments. Cette pose est devenue le type distinctif des anciennes peintures égyptiennes. Que l'on y joigne les formes monstrueuses indiquées et peut-être peintes par des prêtres, et qui représentaient pour la plupart des corps d'animaux avec des têtes d'hommes, et l'on aura ce qui caractérise le plus l'art ancien chez les peuples orientaux. L'anatomie des muscles leur était inconnue, et quoiqu'on ait beaucoup vanté leur science dans les proportions, il suffira de jeter un coup d'œil  sur les nombreux monuments de la haute Égypte pour se convaincre que cette réputation n'est rien moins que méritée. La longueur parfois prodigieuse des jambes, la largeur disproportionnée de toutes les parties du corps, constituent évidemment une ignorance profonde de la perspective linéaire et aérienne."

extrait du Dictionnaire historique des peintres de toutes les écoles depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours... précédé d'un abrégé de l'histoire de la peinture, suivi de la nomenclature des peintres modernes et d'une collection complète de monogrammes, 1848, par Adolphe Siret (1818-1887), membre de l'Académie royale de Belgi
que, de la commission royale des monuments pour la Flandre orientale, de l'Académie impériale de Reims, de l'Académie d'archéologie de Madrid... 

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