Temple and pyramids on Lake Karun (Mœris), El Faiyum, Egypt.
Handcolored lithograph from Friedrich Wilhelm Goedsches Complete Gallery of Peoples
in True Pictures, Meissen, circa 1835-1840
À quel évènement attribuer la destruction du goût et des arts, sous le même climat, sur le même sol, au milieu de la même abondance, sinon à la perte de la liberté, et au gouvernement, qui abaisse ou élève à son gré le génie des nations ? L'Égypte, devenue partie de l'empire des Perses, fut ravagée pendant deux cents ans par Cambyse et ses successeurs. Ce prince barbare, en détruisant les temples et les collèges des prêtres, éteignit le feu sacré qu'ils avaient allumé depuis des siècles, sous ce ciel favorable. Honorés, ils cultivèrent avec gloire toutes les connaissances humaines ; méprisés, ils perdirent leurs sciences et leur génie. Sous la domination des Ptolémées, il ne se ralluma point, parce que ces Rois fixant à Alexandrie le siège de leur royaume, donnèrent toute leur confiance aux Grecs, et dédaignèrent les Égyptiens. Devenue province romaine sous le règne d'Auguste, l'Égypte fut regardée comme le grenier à blé de l'Italie, l'agriculture et le commerce y furent seuls encouragés. Les Monarques du Bas-Empire, ayant embrassé le christianisme, le gouvernèrent avec un sceptre de fer, et renversèrent quelques-uns de ses plus beaux édifices. Les Arabes l'enlevèrent au lâche Héraclius, trop occupé de disputes théologiques, pour envoyer un seul vaisseau au secours des Alexandrins, qui, depuis un an, imploraient son assistance. Ils y brûlèrent cette riche bibliothèque, dont la perte sera un sujet de deuil pour les savants de tous les pays et de tous les âges. Les Turcs enfin, peuple ignorant et barbare, ont été ses derniers maîtres. Ils y ont anéanti, autant qu'ils ont pu, le commerce, l'agriculture et les sciences. Après tant de fléaux, après tant de siècles révolus, voyez, Monsieur, combien ce pays possède encore de monuments antiques ; voyez si le globe entier en réunit autant que cette petite portion du monde. Cette observation seule doit suffire pour vous donner une idée du peuple qui l'habita, et du degré de perfection où il porta les arts."
extrait de Lettres sur l'Égypte, tome second, 1786, par Claude Étienne Savary (1750-1788), orientaliste, pionnier de l'égyptologie
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