lundi 20 novembre 2023

L'originalité de l'Égypte dans le domaine artistique, selon Pierre Montet (XXe s.)


Philae - photo MC

"On ne peut aborder l'étude de l'art égyptien sans penser à sa prodigieuse durée qui déborde largement celle de l'institution royale. Avant que les deux terres aient été réunies en un seul royaume, les hommes qui taillaient dans le silex blond ces larges lames que parcourt une courbe parfaite obtenue par la rencontre des éclats, et qui ciselaient dans l'ivoire des scènes de chasse et de guerre avec tant de sûreté et de clarté méritaient d'être appelés des artistes. Lorsque l'Égypte eut perdu son indépendance, les Ptolémées, donnant suite aux intentions des Nectanébo, ont entrepris ou achevé à Behbeit dans le Delta, à Edfou, à Philae, à Dendera et en bien d'autres lieux des édifices grandioses dont la décoration inspirée des vieux modèles s'en distingue si bien que l'on peut dire qu'un nouveau style vient de naître. Les carrières, les ateliers de sculpture et d'orfèvrerie étaient en pleine activité lorsque l'Égypte fut convertie en province romaine. Dendera, Esna, Erment furent achevés sous les empereurs. Dans l'île de Philae, la perle de l'Égypte, le kiosque de Trajan est venu parfaire un ensemble qui n'avait pas d'égal.
L'Égypte, qui ne ressemble à aucun autre pays, comme l'avait remarqué Hérodote, était destinée à prouver son originalité dans le domaine artistique. Les visiteurs des galeries égyptiennes de Londres et de Paris n'ont nul besoin de consulter les notices pour savoir qu'ils sont chez les Pharaons. Il faut même défendre l'art égyptien contre le reproche d'uniformité que beaucoup lui adressent. Tous ces rois assis, tous ces hommes debout contre un pilier ne sont-ils pas pareils? Beaucoup se ressemblent en effet, mais il suffira de dire pour le moment que certains ne se laissent plus oublier. Ne pourrait-on soutenir que lorsqu'on a vu une porte de temple avec ses montants couverts d'hiéroglyphes et de dieux, son linteau, où le disque déploie ses ailes, couronné par une gorge décorée de palmes, on a vu toutes les portes ? En fait, il n'y a pas deux temples semblables en Égypte, de même qu'en Grèce ou en Italie. L'architecture, la sculpture et les arts graphiques n'ont cessé d'évoluer depuis l'époque où florissait le plus ancien artiste connu de nous, Imhotep."

extrait de L'Égypte éternelle, par Pierre Montet (1885-1966), égyptologue

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