Comme le climat y est brûlant, et qu'il n'y pleut presque jamais, l'Égypte, sans le Nil, serait tout à fait stérile et inhabitable ; aussi n'est-il aucun fleuve dont les bienfaits soient mieux appréciés. Les Égyptiens ne trouvent point d'expressions assez fortes pour le louer dignement : le Nil est pour eux, le bon, le béni, le saint, l'abondant, le don de Dieu, le sacré. Ils sentent et se plaisent à déclarer en toute circonstance qu'ils lui doivent tout. (...)
Pour les modernes comme pour les anciens, le Nil est en quelque sorte un fleuve mystérieux. D'où vient-il ? où sont ses sources ? Voilà des milliers d'années que la science s'occupe de les découvrir, et personne encore ne peut dire où il les cache. Les voyageurs et les géographes les plus récents les placent dans les montagnes de la Lune ou d'El-Kamar, et cette opinion est assez générale ; mais eux-mêmes, ils ne l'avancent pas sans quelque doute, et n'allèguent d'ailleurs aucune raison qui ne soit contredite. Image de l'homme bienfaisant et modeste, le Nil se dérobe aux regards en tout ce qui tient à une vaine curiosité, et ne se révèle que par les services que rendent ses eaux. Elles vivifient les régions sur lesquelles elles se répandent ; elles fertilisent les terres, non seulement par elles-mêmes, mais aussi par le limon qu'elles y apportent et qu'elles y laissent en se retirant ; distribuées dans une infinité de rigoles et de canaux que l'homme leur a ouverts, elles vont lui fournir, ainsi qu'aux animaux qui l'entourent, la boisson dont ils ont besoin ; elles vont arroser ses jardins, ses prairies, ses champs ; amollir, préparer le sol à recevoir la semence, et épargnent au cultivateur l'effort de tracer péniblement avec la charrue le sillon auquel elle doit être confiée.
La crue periodique du Nil, de laquelle dépendent l'existence et la prospérité de l'Égypte, a lieu tous les ans vers le 20 juin. Au milieu du mois suivant, les eaux commencent à déborder ; elles augmentent progressivement de manière à inonder tout le pays. Aux derniers jours de septembre, elles se retirent, mais insensiblement, et ce n'est qu'à l'approche de novembre qu'elles sont tout à fait rentrées dans leur lit, ce qui a fait dire à certains écrivains qui ne tiennent pas compte de quelques légères différences qu'elles sont aussi longtemps à croître qu'à décroître. Dans l'intervalle, l'Égypte est semblable à une vaste mer au-dessus de laquelle dominent les villes et les villages, tous bâtis sur un terrain assez élevé pour ne pas courir le risque d'être submergés."
Extrait de Pèlerinage à Jérusalem et au Mont Sinaï, 1843,
par Marie-Joseph de Géramb (1772-1848), général et moine de l'Ordre des Cisterciens de la stricte observance (ou Trappistes)
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