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C'est indiscutablement ce que l'on appelle une capitale et pas seulement pour des raisons administratives et politiques, mais également et surtout pour ces mystérieuses raisons socioculturelles qui, du monde pharaonique à nos jours, président à l'éclosion de ces foyers culturels que sont les villes égyptiennes. Le destin de ces sortes de ville est impénétrable et surprenant. Contrairement à toute autre ville islamique, le Caire à indiscutablement sa position comme capitale quatorze siècles durant, sans interruption. À certaines périodes, il s'agissait seulement d'une capitale provinciale : cependant, sous les Fatimides et les Mamelouks, c’était pour des siècles une capitale impériale. Pour l'Égypte, le Caire fut toujours la capitale. Différent de la Syrie, de l'Andalousie, du Maroc, de la Perse, etc., où plus d'une ville avaient de la grandeur urbaine ou architecturale à afficher, en Égypte, le Caire a toujours été le centre de tout, des arts comme des activités. Les nouvelles fondations urbaines par les émirs, les sultans ou les khédives ont toujours eu lieu dans la région du Caire. Même Muhammad ‘Ali, qui n'a pas hésité à changer les traditions locales et les règles esthétiques, ne pensa pas à fonder une nouvelle capitale. Il a préféré transformer le Caire, comme l'ont fait ses successeurs.
Arrivant dans la ville en 1325, le voyageur marocain Ibn Battûta décrit le Caire : "maîtresse de régions étendues et de pays riches, atteignant les dernières limites du possible par la multitude de sa population et s'enorgueillissant de sa beauté et de son éclat. C'est le rendez-vous des voyageurs, la station des faibles et des puissants. … On dit qu'il y a au Caire douze mille porteurs d'eau et trente mille ‘mocâri’ (loueurs de bêtes de charge) ; que l'on y voit sur le Nil trente-six mille embarcations appartenant au sultan et à ses sujets, lesquelles ne font qu'aller et venir, remontant le fleuve vers le ‘Sa'îd’ ou le descendant vers Alexandrie et Damiette, avec toutes sortes de marchandises.”
Aujourd'hui, elle apparaît avant tout comme une cité, populeuse, cosmopolite, à l'atmosphère bruyante et toujours animée ; protéiforme, elle est l'héritage d'un passé prestigieux et sans cesse recomposé. Métropole dévorante sujette aux méfaits d'une pollution parfois accablante, menacée aussi par l'uniformisation accentuée d'un tissu urbain qui s’étend démesurément, elle est dynamisée depuis les récentes années par un étonnant développement économique ; poursuivant chaque jour sa croissance, elle étend actuellement au-delà même du Ring Road construit pour l'enserrer.”
(extrait de Le Caire : Une cité mère à sauver - Culture, urbanisme, société, par Mahmoud Ismail (*), éditions L'Harmattan, 2010
(*) ingénieur-architecte, directeur du Centre culturel d'Égypte à Paris de septembre 2000 à décembre 2013, trésorier, vice-président puis président du Forum des Instituts culturels étrangers à Paris de mai 2001 à février 2014, maître de conférences à l’Université française d'Égypte, 2014-2015, aujourd'hui architecte et urbaniste de l'État, architecte des Bâtiments de France à Fontainebleau (77)
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