Groupe statuaire d'Amon et Toutankhamon calcaire - XVIIIe dynastie provenance : Temple de Mout à Karnak - Musée égyptien de Turin - photo de Marie Grillot |
Le style monumental de l'ancien empire est simple, sévère et ami de la ligne droite ; la statuaire reproduit le corps humain avec largeur et vérité ; les bas-reliefs nous font assister à diverses scènes de la vie domestique, rendues avec une remarquable variété de mouvements ; les animaux y sont pris sur nature ; la gravure hiéroglyphique, en relief ou dans le creux, est généralement très soignée.
L'invasion des Pasteurs et les déchirements qui en furent la suite, non seulement causèrent la ruine des monuments du premier empire, mais entraînèrent une réelle décadence de l'art. La tradition fut interrompue et le nouvel empire vit naître un art nouveau, qui, sous la XVIIIe dynastie, se manifesta par de grandes qualités de style architectural, par la perfection de la gravure hiéroglyphique, par une reproduction très fine et très vivante de la figure humaine, mais l'attitude du corps est raide et tourne au mannequin. L'art décroît rapidement à la fin de la XXe dynastie, et ce n'est qu'à l'époque saïte que l'on constate une nouvelle et dernière floraison : le basalte est taillé avec une patience et une finesse admirables. Sous la domination des Grecs et des Romains, de nombreux édifices, d'un style bien inférieur à celui de l'Égypte indépendante, dénotent cependant une puissante vitalité.
L'art égyptien est dédaigneux du détail et un peu sec ; son caractère propre est l'entente des grandes lignes. Il sait faire oublier, par un ensemble imposant et grandiose, la naïveté de ses procédés. On a beaucoup exagéré l'influence de prétendues lois hiératiques, que l'on accuse d'avoir entravé l'essor du ciseau en figeant le mouvement des statues, en les immobilisant dans des poses raides et contraintes que commandait la tradition.
Dans un travail lu récemment à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, un jeune artiste de beaucoup d'avenir, M. Em. Soldi, a combattu cette théorie. Selon lui, c'est pour assurer la durée à leurs œuvres que les sculpteurs égyptiens employèrent les matériaux les plus difficiles à travailler. Ils les façonnaient avec la marteline et les achevaient par le polissage, opérations dont un œil exercé reconnaît partout les traces. Dès lors il fallait que l'artiste conservât, dans toutes les parties de sa statue, une solidité de masse capable de résister au choc de l'outil. Il chercha sans doute à abréger un travail si pénible et si long : de là ces piliers carrés dans lesquels on engageait le dos des figures, ces engorgements, ces simplifications ou suppressions de détails, cette timidité d'exécution ; c'est ainsi que les bras des statues restent collés au corps sans refouillements profonds aux points de rencontre des surfaces ; que, dans les figures assises, les jambes sont soudées aux parois des sièges, etc.
Sur certains monuments de l'ancien empire, nous voyons les animaux rendus avec une vérité et une ingéniosité de détails qui nous surprennent ; les hommes qui les accompagnent se meuvent avec une liberté d'allure que n'entrave évidemment aucune règle sacerdotale, mais ils sont dessinés d'une manière gauche et enfantine. Sont-ce les lois hiératiques qu'il faut accuser ? Non, mais l'inexpérience des artistes, parce que l'ensemble du corps humain a toujours été plus difficile à traduire que des figures d'animaux. N'insistons pas, cependant, et disons avec M. Lepsius (Einiffe œgypt. Kunstformen) qu'au lieu de reprocher à l'art égyptien ce qui lui manque il faut savoir lui tenir compte de ce qu'il a acquis, et qu'après tout l'art grec ne serait pas parvenu à un si prompt développement si l'Égypte ne lui eût épargné le soin de poser les premiers jalons."
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