par Luigi Mayer (1755-1803)
"Nous avancions, et les pyramides, dont les aspects variaient suivant les circuits que nous faisions dans la plaine et la position des nuages, se découvraient de plus en plus à nos regards. À trois heures et demie du matin nous arrivâmes au pied de la plus grande. Nous déposâmes nos habits à la porte du canal qui conduit dans l'intérieur. Nous y descendîmes tenant chacun un flambeau à la main. Vers le fond il fallut ramper comme des serpents pour pénétrer dans le canal intérieur qui correspond au premier. Nous le montâmes à genoux en nous appuyant des mains contre les côtés ; sans cette précaution on courrait risque de glisser sur le plan incliné, où de légères entailles ne suffisent pas pour arrêter le pied, et l'on se précipiterait en bas. Vers le milieu nous tirâmes un coup de pistolet, dont le bruit épouvantable, répété dans les cavités de cet immense édifice se perpétua pendant longtemps. Il éveilla des milliers de chauves-souris, qui, s'élançant de haut en bas, nous frappaient aux mains et au visage. Elles éteignirent plusieurs de nos bougies. Elles sont beaucoup plus grosses que celles d'Europe.
Parvenus au haut , nous entrâmes dans une grande salle dont la porte est fort basse. C'est un carré long, entièrement composé de granit. Sept pierres énormes traversent d'un mur à l'autre et forment le plafond. Un sarcophage fait d'un bloc de marbre repose à l'une des extrémités. La main des hommes a violé ce monument. Il est vide, et le couvercle en a été arraché. Des morceaux de vases de terre sont à l'entour.
Sous cette belle salle est une chambre moins grande où l'on trouve l'entrée d'un conduit rempli de décombres. Après avoir examiné ces caveaux, où la lumière du jour ne pénétra jamais, et où la nuit éternelle épaissit ses ombres, nous descendîmes par le même chemin, évitant de tomber dans un puits que l'on rencontre à gauche, et qui se prolonge jusques dans les fondements de la pyramide. L'air de l'intérieur de cet édifice n'étant jamais renouvelé, est si chaud, si méphitique, que l'on se sent suffoquer.
Lorsque nous en sortîmes nous étions baignés de sueur et pâles comme la mort. On nous eût pris pour des spectres qui apparaissent au milieu des ténèbres. Après avoir respiré avidement l'air extérieur, et nous être rafraîchis, nous nous hâtâmes d'escalader cette montagne faite de main d'homme. Elle est composée de plus de deux cents assises de pierre. Elles débordent l'une sur l'autre à proportion de leur élévation, qui est depuis deux pieds jusqu'à quatre. Il faut franchir successivement ces énormes gradins pour arriver au sommet. Nous l'entreprîmes en prenant l'angle du nord-est le moins endommagé. Ce ne fut qu'après une demi-heure de peines et d'efforts que nous y parvînmes.
L'aurore se levait. L'Orient se colorait par degrés. Nous jouissions d'un air pur et d'une fraîcheur délicieuse. Bientôt le soleil dora la pointe du Mokattam. Son disque lumineux parut au bord de la montagne. Nous reçûmes ses premiers rayons, et nous vîmes briller dans l'ombre les pointes des pyramides de Saccara, qui étaient à trois lieues de nous, dans la plaine des Momies. La lumière descendait rapidement. Le haut des minarets, le sommet des dattiers, plantés autour des villages, bâtis sur des hauteurs, parurent éclairés. Chaque instant nous découvrait de nouvelles beautés. À mesure que l'astre montait dans les cieux, il inondait de ses feux les montagnes et la vallée d'Égypte. Les troupeaux descendaient des hameaux, des barques à la voile remontaient le Nil. Nous suivions des yeux les vastes contours qu'il forme dans la plaine. Nous avions au nord des collines stériles et des sables arides ; au sud, le fleuve et un océan de moissons ; nous apercevions à l'est la petite ville de Gizé, les tours de Masr Fostat, les minarets du grand Caire, et le château de Salah Eddin qui fermait le tableau.
Lorsque nous en sortîmes nous étions baignés de sueur et pâles comme la mort. On nous eût pris pour des spectres qui apparaissent au milieu des ténèbres. Après avoir respiré avidement l'air extérieur, et nous être rafraîchis, nous nous hâtâmes d'escalader cette montagne faite de main d'homme. Elle est composée de plus de deux cents assises de pierre. Elles débordent l'une sur l'autre à proportion de leur élévation, qui est depuis deux pieds jusqu'à quatre. Il faut franchir successivement ces énormes gradins pour arriver au sommet. Nous l'entreprîmes en prenant l'angle du nord-est le moins endommagé. Ce ne fut qu'après une demi-heure de peines et d'efforts que nous y parvînmes.
L'aurore se levait. L'Orient se colorait par degrés. Nous jouissions d'un air pur et d'une fraîcheur délicieuse. Bientôt le soleil dora la pointe du Mokattam. Son disque lumineux parut au bord de la montagne. Nous reçûmes ses premiers rayons, et nous vîmes briller dans l'ombre les pointes des pyramides de Saccara, qui étaient à trois lieues de nous, dans la plaine des Momies. La lumière descendait rapidement. Le haut des minarets, le sommet des dattiers, plantés autour des villages, bâtis sur des hauteurs, parurent éclairés. Chaque instant nous découvrait de nouvelles beautés. À mesure que l'astre montait dans les cieux, il inondait de ses feux les montagnes et la vallée d'Égypte. Les troupeaux descendaient des hameaux, des barques à la voile remontaient le Nil. Nous suivions des yeux les vastes contours qu'il forme dans la plaine. Nous avions au nord des collines stériles et des sables arides ; au sud, le fleuve et un océan de moissons ; nous apercevions à l'est la petite ville de Gizé, les tours de Masr Fostat, les minarets du grand Caire, et le château de Salah Eddin qui fermait le tableau.
Assis sur le plus élevé, le plus ancien monument des hommes, comme sur un trône nous voyions, en parcourant l'horizon, un désert affreux, les riches campagnes où l'on plaça les champs Elysées, des hameaux, des villes, un fleuve majestueux, et des édifices qui semblent être l'ouvrage des géants. Il n'est point, dans l'univers, de spectacle plus varié, plus magnifique, et plus imposant. Il élève l'âme, et la force à la contemplation.
Après que nous eûmes gravé nos noms sur le sommet de la pyramide, nous descendîmes avec précaution, car nous avions l'abîme devant nous. Un morceau de pierre qui se serait détaché sous nos pieds ou nos mains, eût pu nous y précipiter.
Arrivés au bas de la pyramide, nous en fîmes le tour en la contemplant avec une sorte d'effroi. Lorsqu'on la considère de près, elle semble faite de quartiers de rochers ; mais à cent pas, la grandeur des pierres se perd dans l'immensité de l'édifice, et elles paraissent très petites.
Ses dimensions sont encore un problème. Depuis Hérodote jusqu'à nos jours, un grand nombre de voyageurs et de savants les ont mesurées, et la différence de leurs calculs, loin d'éclaircir les doutes, n'a fait qu'augmenter l'incertitude."
Après que nous eûmes gravé nos noms sur le sommet de la pyramide, nous descendîmes avec précaution, car nous avions l'abîme devant nous. Un morceau de pierre qui se serait détaché sous nos pieds ou nos mains, eût pu nous y précipiter.
Arrivés au bas de la pyramide, nous en fîmes le tour en la contemplant avec une sorte d'effroi. Lorsqu'on la considère de près, elle semble faite de quartiers de rochers ; mais à cent pas, la grandeur des pierres se perd dans l'immensité de l'édifice, et elles paraissent très petites.
Ses dimensions sont encore un problème. Depuis Hérodote jusqu'à nos jours, un grand nombre de voyageurs et de savants les ont mesurées, et la différence de leurs calculs, loin d'éclaircir les doutes, n'a fait qu'augmenter l'incertitude."
extrait de Lettres sur l'Égypte, tome premier, 1786, par Claude Etienne Savary (1750-1788), orientaliste, pionnier de l'égyptologie
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