scène de récolte - tombe de Menna (TT69) - Wikipédia, dom. public
"En parcourant l'histoire des anciens Égyptiens, on y découvre un nombre de singularités dont il n'y a d'exemple que dans ce seul pays. Renfermé presqu'en entier dans une vallée très resserrée entre deux chaînes de montagnes, il n'a qu'environ quatre mille lieues carrées de superficie ; cependant on y comptait dix-huit à vingt-mille villes ou bourgs célèbres, peuplés de sept millions d'hommes.
Les auteurs qui parlent ainsi de ce pays n'ont point exagéré. Tout ce qu'ils en disent est vrai sans doute, comme il vient d'être démontré. Ils représentent encore la nation égyptienne comme la plus opulente de tout l'univers, quoiqu'elle ne possédât point de mines, et que les Égyptiens n'eussent point encore entrepris de fouiller les entrailles de la terre, pour y chercher des pierres précieuses.
Mais cette richesse, dont ils assurent que les Égyptiens jouissaient, et qui s'est toujours augmentée de siècles en siècles, avait une source inépuisable, et qui n'exigeait point les durs travaux des mines : elle consistait dans la fécondité des terres ; fécondité qui tient du prodige, à en juger par tout ce que les historiens en disent. Elle était particulièrement due aux débordements réguliers du Nil, à ces débordements qui parurent pendant si longtemps aux philosophes un phénomène que, malgré tous les efforts, dont le génie de l'homme peut être capable, ils tentèrent en vain, pendant longtemps, d'expliquer.
Hérodote, pour faire concevoir tout le bonheur que les Égyptiens devaient ressentir de l'extrême fertilité de l'Égypte, dit que ce pays est, de toute la terre, celui où les blés et les fruits exigent le moins de culture, et où aussi on les recueille avec le moins de travail.
Diodore, par le détail où il entre sur les différentes productions de l'Égypte, et en faisant voir que ces productions excédaient de beaucoup, en fruits et en grains, les besoins des nationaux, rend un nouveau témoignage de l'extrême fertilité de leurs terres.
Pomponius Méla l'atteste de même ; et Strabon qui s'attache à faire connaître quelles étaient les productions plus particulières aux territoires qu'il décrit, fait voir non seulement la quantité, mais encore les différentes sortes de grains et de fruits qu'on y recueillait.
Athénée prétend que le Nil mérite le nom de Chryforrhoas ou Portor plutôt que le Pactole, célèbre rivière de Syrie, qui dans ses sables roule des paillettes d'or, parce que, dit-il, le Nil procure aux terres qu'il arrose, et sans qu'il soit besoin de travail, une telle fécondité, que ces terres peuvent fournir des vivres pour tous les mortels : exagération trop ordinaire à cet auteur ; mais elle prouve du moins l'excessive abondance des récoltes de l'Égypte.
Enfin Pline, plus précis sur ce qu'il rapporte de la fécondité de ce pays, assure que les terres de cette partie de l'Afrique produisent régulièrement jusqu'à cent pour un. C'est ainsi que les anciens historiens et les géographes s'expriment, pour faire connaître la source de l'excessive richesse des Égyptiens ; mais comme ils avaient aidé la nature, voyons quelle sorte de secours ils lui ont donné, en quelle circonstance ils ont entrepris des travaux si utiles, et en quels temps ils en ont joui.
La nature avait sans doute favorisé ce pays mais elle avait laissé quelque chose à faire aux habitants.Il fallait, par des canaux et des digues, étendre l'inondation fécondante du Nil. Les rois qui possédaient le tiers des terres, avaient intérêt à l'exécution de ces travaux ; en sorte qu'ils excitaient l'émulation ; et comme ces rois se contentaient toujours de la part que la loi leur donnait, et qu'ils faisaient jouir en paix leurs sujets de la portion qui leur était dévolue, ceux-ci se livraient aux travaux, avec un zèle digne du succès qu'ils eurent.
Le sage monarque, qui n'a que des vues dictées par la justice, et qui remplit sa charge de père de son peuple, l'anime toujours de l'esprit qui le guide, et sans peine il fait naître le désir de seconder ses vues. C'est alors que chaque particulier ne voit en lui-même qu'un membre de la nation, et qu'il concourt d'autant plus volontiers à l'exécution des volontés du prince, qu'il y trouve son propre bonheur.
Si au contraire, ainsi qu'on en a vu de fréquents exemples dans la plupart des monarchies, les souverains, imitant les despotes, séparent leurs intérêts de ceux de la nation, ils rompent le lien qui leur attachait leurs sujets, et détruisent par-là cet esprit de nation qui faisait toute toute leur force ; les sujets n'affectionnent point des intérêts toujours opposés aux leurs, et de là s'ensuivent la dépopulation et la stérilité."
extrait de L'Égypte ancienne, ou Mémoires historiques et critiques sur les objets les plus importants de l'histoire du grand empire des Égyptiens - tome 1 -, par Pierre Adam d'Origny (1697-1774), "chevalier de l'ordre royal et militaire de S. Louis, ci-devant capitaine de grenadiers au régiment de Champagne"
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