Le style de la sculpture égyptienne présente des caractères extérieurs faciles à reconnaître. C’est avant tout l’impassibilité pour ainsi dire absolue des figures, qu’un observateur superficiel traite volontiers de "raideur", ensuite le choix restreint des thèmes qui produit une si forte impression de monotone sur le visiteur de nos collections de sculptures égyptiennes, et enfin la grande fixité de la tradition pour le rendu de chacune des parties du corps humain, fixité qui ne laisse que peu de latitude à l'artiste qui voudrait innover.
La rigidité des figures est en rapport avec la loi dite de frontalité. Dans une statue, la tête est posée verticalement sur les épaules ; elle regarde en avant, dans une direction formant un angle droit avec la ligne qui réunit les deux épaules.
Cette loi, que l’on retrouve partout dans l’art antique, ce sont les Grecs les premiers, et eux les seuls, qui réussirent à s'en affranchir définitivement. Mais, en Égypte, à côté de cette loi, que les artistes observaient sans en avoir pleinement conscience, existaient certainement d'autres règles de conventions, dont on avait parfaitement conscience. Le sens de la gravité et de la dignité que nous admirons aujourd'hui chez les Orientaux se manifeste aussi dans la sculpture égyptienne : ce qu'on voulait, c'était représenter dieux, rois et seigneurs dans une majestueuse sérénité.
Il existe une relation étroite entre cette idée et le choix restreint des thèmes sculpturaux. Un dieu et, dans la même mesure, les défunts de haut rang ne pouvaient être représentés que debout, dans une attitude digne, ou assis sur un siège. On peut encore réunir en un seule groupe le mari et la femme, ou bien le roi avec une ou plusieurs divinités. Mais à cela, en somme, se limitent les thèmes de l'époque la plus ancienne, et même dans les siècles suivants leur nombre ne s'est accru que dans des proportions relativement faibles.
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Ce style sévère ainsi que le choix restreint des thèmes ne s'appliquent, bien entendu, qu'à la "grande sculpture". Tout ce qui, domestiques ou serviteurs, est donné au grand personnage, propriétaire d'un tombeau, pour son service dans l'au-delà, n’est point soumis aux règles des convenances artistiques et de la dignité ; aussi trouve-t-on ici des thèmes nouveaux en grand nombre : figures agenouillées, accroupies, assises sur le sol, les jambes repliées sous le corps, puis brasseurs et boulangers, meunières et musiciennes, ouvriers briquetiers, lutteurs, scribes et une foule d’autres personnages du même genre, en pleine activité."