illustration extraite de la Description de l'Égypte |
L'orgueil d'élever des colosses fut la première pensée de l'opulence : on ne savait point encore que la perfection dans les arts donne à leurs productions une grandeur indépendante de la proportion ; que la petite rotonde de Vicence est un plus bel édifice que S-Pierre de Rome ; que l'École de chirurgie de Paris est aussi grandiose que le Panthéon de la même ville ; qu'un camée peut être préférable à une statue colossale. C'est donc la somptuosité des Égyptiens qu'il faut voir à Karnak, où sont entassées non seulement des carrières, mais des montagnes façonnées avec des proportions massives, une exécution molle dans le trait, et grossière dans l'appareil, des bas-reliefs barbares, des hiéroglyphes sans goût et sans couleurs dans la manière dont la sculpture en est fouillée. Il n'y a de sublime pour la dimension et la perfection du travail que les obélisques, et quelques parements des portes extérieures, qui sont d'une pureté vraiment admirable ; si les Égyptiens dans le reste de cet édifice nous paraissent des géants, dans cette dernière production ce sont des génies : aussi suis-je persuadé que ces sublimes embellissements ont été postérieurement ajoutés à ces colossals monuments. On ne peut nier que le plan du temple de Karnak ne soit noble et grand ; mais l'art des beaux plans a toujours devancé en architecture celui de la belle exécution des détails, et lui a toujours survécu plusieurs siècles après sa corruption, comme l'attestent à la fois les monuments de Thèbes comparés à ceux d'Esnê et de Tintyra, et les édifices du règne de Dioclétien comparés à ceux du temps d'Auguste.
extrait de Voyage dans la basse et la haute Égypte, pendant les campagnes du Général Bonaparte, 1802, par Dominique Vivant Denon (1747-1825), graveur, écrivain, diplomate français
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