"Le Sphinx, corps de lion à tête humaine, est enfoui dans le sable. Le visage seul est visible. Encore faut-il chaque année faire des travaux de déblaiement assez considérables, le désert, sous la violence des khamsins, jetant ses tourbillons de sable sur ce monument qui serait le plus ancien de ceux que nous ont légués les Pharaons. Son existence serait antérieure à celle de Chéops ; il aurait été consacré à la gloire d'un dieu s0laire. La face a été meurtrie ; le nez et les joues sont mutilés. Néanmoins, l'expression du visage est toujours belle.
Le Sphinx doit être contemplé par un clair de lune. Sa face, devenue blanche et pâle, semble énigmatique et comme voilée à la façon de ces princesses turques qui se cachent le visage derrière un fin tissu transparent de mousseline blanche. Les meurtrissures disparaissent. Le bruit qui se fait autour de lui le laisse impassible. Les clameurs des touristes, de leurs guides, de leurs bêtes, ne le troublent pas. Il a vu des tempêtes plus fortes, des calamités plus terribles, depuis le siècle qui l’a vu naître. Il ne connaît qu'un ennemi, qu'un vainqueur : le sable. Là, l'homme vient à son secours, repousse le désert envahisseur. Il inspire une crainte angoissante, tant son masque reste indéchiffrable, tant il semble garder dans sa carcasse de pierre de choses ignorées et terribles. On reste stupide devant lui. Dans ses yeux pourtant sans expression, on devine un regard inquisiteur ; dans ce regard imaginaire, on voit plus de cinquante siècles écoulés. De cette contemplation, l’histoire apparaît comme la grande science, trésor inépuisable de faits et de légendes. L'imagination se met en mouvement, découvre des temps inconnus, des âges lointains, des multitudes mystérieuses. Cette face éclairée par la lune est inoubliable. On sent qu'elle revivra dans les souvenirs des années les plus lointaines, qu'elle est gravée à jamais dans la mémoire. Le problème de l'antiquité est une énigme dont la solution semble n'être connue que de ce témoin, muet à tout jamais."
extrait de Impressions d'Égypte, par Louis Malosse (1870-1896), homme de lettres et journaliste
Le Sphinx doit être contemplé par un clair de lune. Sa face, devenue blanche et pâle, semble énigmatique et comme voilée à la façon de ces princesses turques qui se cachent le visage derrière un fin tissu transparent de mousseline blanche. Les meurtrissures disparaissent. Le bruit qui se fait autour de lui le laisse impassible. Les clameurs des touristes, de leurs guides, de leurs bêtes, ne le troublent pas. Il a vu des tempêtes plus fortes, des calamités plus terribles, depuis le siècle qui l’a vu naître. Il ne connaît qu'un ennemi, qu'un vainqueur : le sable. Là, l'homme vient à son secours, repousse le désert envahisseur. Il inspire une crainte angoissante, tant son masque reste indéchiffrable, tant il semble garder dans sa carcasse de pierre de choses ignorées et terribles. On reste stupide devant lui. Dans ses yeux pourtant sans expression, on devine un regard inquisiteur ; dans ce regard imaginaire, on voit plus de cinquante siècles écoulés. De cette contemplation, l’histoire apparaît comme la grande science, trésor inépuisable de faits et de légendes. L'imagination se met en mouvement, découvre des temps inconnus, des âges lointains, des multitudes mystérieuses. Cette face éclairée par la lune est inoubliable. On sent qu'elle revivra dans les souvenirs des années les plus lointaines, qu'elle est gravée à jamais dans la mémoire. Le problème de l'antiquité est une énigme dont la solution semble n'être connue que de ce témoin, muet à tout jamais."
extrait de Impressions d'Égypte, par Louis Malosse (1870-1896), homme de lettres et journaliste
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