"Les Pharaons, à toute époque, ont eu la passion de se survivre par des monuments éternels" (Alexandre Moret)
"Il ne faudrait pas croire que les milliers de temples, chapelles, palais, tombeaux, construits dans la Thèbes des vivants et des morts, aient absorbé les ressources que les campagnes de Nubie et de Syrie procuraient aux Pharaons conquérants. Toutes les villes d'Égypte se prennent d’émulation pour des monuments dignes de leurs dieux. Abydos, la terre sainte, est comblée par la munificence des rois qui veulent y posséder un cénotaphe : celui-ci prend, pour Séti Ier et Ramsès II, les dimensions des temples funéraires où leur culte est associé à celui d'Osiris, et qui comptent parmi les monuments les plus parfaits. À Memphis, surtout sous la XIXe dynastie, palais et temples s'accumulent. La résidence de Ramsès II et de ses successeurs à Pa-Ramsès, à la lisière orientale du Delta, capitale politique des provinces syriennes, rivalise de beauté avec Thèbes et Memphis. De grands bâtisseurs, Thoutmès III, Aménophis III, Séti Ier, Ramsès II, Ramsès III renouvellent les monuments dans l'Égypte entière, ou en élèvent de tout neufs, même au delà d'Éléphantine, et jusqu’à Napata. Les grands dieux dynastiques, Amon, Râ-Harakhti, Phtah, les rois donateurs et le dieu nubien, Doudoun, ont de splendides palais élevés par les Aménophis et les Ramsès à Kalâbché, Beit el-Ouâli, Dendour, Gerf-Housein, Seboua, Amada, Derr, Abou-Simbel, Soleb, Napata (Gebel Barkal). Parmi ces édifices, les temples, entièrement creusés dans la falaise libyque par Ramsès II, à Abou-Simbel ; l'édifice des fêtes Sed, élevé par Aménophis III à Soleb ; le sanctuaire d’Amon-Râ au Gebel Barkal, soutiennent la comparaison avec les plus beaux monuments de la basse vallée.
Les Pharaons, à toute époque, ont eu la passion de se survivre par des monuments éternels, mais jamais cette soif de gloire et d'immortalité, cette ardeur à exalter leur puissance ne les a possédés et n’a pu s'assouvir comme au temps des conquêtes et des richesses impériales. Quand on voit ce qui reste encore, après les ravages et pillages de tant de siècles, quand on compte ces milliers d’édifices, en songeant à ce qu'ils devaient être, intacts, en leur splendeur, on reste confondu devant la prodigalité inouïe de la dépense et l’immensité de l'effort réalisé. En vain essaye-t-on de supputer le travail fourni par la multitude des captifs étrangers et des ouvriers égyptiens qui ont transporté ces matériaux et dressé ces murs, des décorateurs qui les ont peints, sculptés, gravés, des artisans qui ont façonné le mobilier, des paysans qui ont procuré les offrandes journalières et les victimes, des prêtres qui ont sacrifié dans ces sanctuaires, des intendants qui ont géré les biens des dieux, l'imagination reste au-dessous de la réalité et cède à la stupeur."
extrait de Le Nil et la civilisation égyptienne, par Alexandre Moret (1868-1938), égyptologue français, titulaire de la
chaire d'égyptologie au Collège de France à partir de 1923, président
de la Société française d'égyptologie, directeur d'études à l'École
pratique des hautes études et directeur honoraire du musée Guimet.
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