jeudi 24 juin 2021

Nostalgies d'obélisques, par Gustave Flaubert

à g. : obélisque de Paris (ancienne carte postale) ; à dr. : obélisque de Louxor (photo A. Beato)

Nostalgies d'obélisques


I - L’obélisque de Paris

Sur cette place je m’ennuie,
Obélisque dépareillé ;
Neige, givre, bruine et pluie
Glacent mon flanc déjà rouillé ;

Et ma vieille aiguille, rougie
Aux fournaises d’un ciel de feu,
Prend des pâleurs de nostalgie
Dans cet air qui n’est jamais bleu.

Devant les colosses moroses
Et les pylônes de Luxor,
Près de mon frère aux teintes roses
Que ne suis-je debout encor,

Plongeant dans l’azur immuable
Mon pyramidion vermeil,
Et de mon ombre, sur le sable,
Écrivant les pas du soleil !

Rhamsès ! un jour, mon bloc superbe,
Où l’éternité s’ébréchait,
Roula, fauché comme un brin d’herbe,
Et Paris s’en fit un hochet.

La sentinelle granitique,
Gardienne des énormités,
Se dresse entre un faux temple antique
Et la Chambre des députés.

Sur l’échafaud de Louis seize,
Monolithe au sens aboli,
On a mis mon secret, qui pèse
Le poids de cinq mille ans d’oubli.

Les moineaux francs souillent ma tête,
Où s’abattaient dans leur essor
L’ibis rose et le gypaète
Au blanc plumage, aux serres d’or.

La Seine, noir égout des rues,
Fleuve immonde fait de ruisseaux,
Salit mon pied, que dans ses crues
Baisait le Nil, père des eaux,

Le Nil, géant à barbe blanche
Coiffé de lotus et de joncs,
Versant de son urne qui penche
Des crocodiles pour goujons !

Les chars d’or étoilés de nacre
Des grands Pharaons d’autrefois
Rasaient mon bloc heurté du fiacre
Emportant le dernier des rois.

Jadis, devant ma pierre antique,
Le pschent au front, les prêtres saints
Promenaient la bari mystique
Aux emblèmes dorés et peints ;

Mais aujourd’hui, pilier profane
Entre deux fontaines campé,
Je vois passer la courtisane
Se renversant dans son coupé.

Je vois, de janvier à décembre,
La procession de bourgeois,
Les Solons qui vont à la Chambre
Et les Arthurs qui vont au Bois.

Oh ! dans cent ans, quels laids squelettes
Fera ce peuple impie et fou,
Qui se couche sans bandelettes
Dans des cercueils que ferme un clou,

Et n’a pas même d’hypogées
À l’abri des corruptions,
Dortoirs où, par siècles rangées,
Plongent les générations !

Sol sacré des hiéroglyphes
Et des secrets sacerdotaux,
Où les sphinx s’aiguisent les griffes
Sur les angles des piédestaux,

Où sous le pied sonne la crypte,
Où l’épervier couve son nid,
Je te pleure, ô ma vieille Égypte,
Avec des larmes de granit !



II - L’obélisque de Luxor

Je veille, unique sentinelle
De ce grand palais dévasté,
Dans la solitude éternelle,
En face de l’immensité.

À l’horizon que rien ne borne,
Stérile, muet, infini,
Le désert sous le soleil morne,
Déroule son linceul jauni.

Au-dessus de la terre nue,
Le ciel, autre désert d’azur,
Où jamais ne flotte une nue,
S’étale implacablement pur.

Le Nil, dont l’eau morte s’étame
D’une pellicule de plomb,
Luit, ridé par l’hippopotame,
Sous un jour mat tombant d’aplomb ;

Et les crocodiles rapaces,
Sur le sable en feu des îlots,
Demi-cuits dans leurs carapaces,
Se pâment avec des sanglots.

Immobile sur son pied grêle,
L’ibis, le bec dans son jabot,
Déchiffre au bout de quelque stèle
Le cartouche sacré de Thot.

L’hyène rit, le chacal miaule,
Et, traçant des cercles dans l’air,
L’épervier affamé piaule,
Noire virgule du ciel clair.

Mais ces bruits de la solitude
Sont couverts par le bâillement
Des sphinx, lassé de l’attitude
Qu’ils gardent immuablement.

Produit des blancs reflets du sable
Et du soleil toujours brillant,
Nul ennui ne t’est comparable,
Spleen lumineux de l’Orient !

C’est toi qui faisais crier : « Grâce ! »
À la satiété des rois
Tombant vaincus sur leur terrasse ;
Et tu m’écrases de ton poids.

Ici jamais le vent n’essuie
Une larme à l’œil sec des cieux,
Et le temps fatigué s’appuie
Sur les palais silencieux.

Pas un accident ne dérange
La face de l’éternité ;
L’Égypte, en ce monde où tout change,
Trône sur l’immobilité.

Pour compagnons et pour amies,
Quand l’ennui me prend par accès,
J’ai les fellahs et les momies
Contemporaines de Rhamsès ;

Je regarde un pilier qui penche,
Un vieux colosse sans profil,
Et les canges à voile blanche
Montant ou descendant le Nil.

Que je voudrais comme mon frère,
Dans ce grand Paris transporté,
Auprès de lui, pour me distraire,
Sur une place être planté !

Là-bas, il voit à ses sculptures
S’arrêter un peuple vivant,
Hiératiques écritures,
Que l’idée épelle en rêvant.

Les fontaines juxtaposées
Sur la poudre de son granit
Jettent leurs brumes irisées ;
Il est vermeil, il rajeunit !

Des veines roses de Syène
Comme moi cependant il sort,
Mais je reste à ma place ancienne ;
Il est vivant, et je suis mort !

extrait de Émaux et Camées, 1890, par Théophile Gautier 
(1811 - 1872), poète, romancier et critique d'art français 

mardi 22 juin 2021

La Plainte d’une Momie, par Louis Bouilhet (XIXe s.)

source : Wikimedia

La Plainte d'une Momie

Aux bruits lointains ouvrant l’oreille,
Jalouse encor du ciel d’azur,
La momie, en tremblant, s’éveille
Au fond de l’hypogée obscur.

Elle soulève sa poitrine,
Et sent couler de son œil mort
Des larmes noires de résine
Sur son visage fardé d’or.

Puis au cercueil de planche peinte
Heurtant ses colliers de métal,
Elle pousse une longue plainte,
Et miaule comme un chacal.

« Oh ! dit-elle, avec sa voix lente,
Être mort, et durer toujours !
Heureuse la chair pantelante
Sous l’ongle courbe des vautours !

« Heureux les morts qu’un vent d’orage
Plonge au fond des gouffres salés,
Et qui s’en vont, de plage en plage,
Reluisants, verdis et gonflés !

« Heureux trois fois ceux qu’on enterre,
Tout nus, dans les sables mouvants,
Et dont le corps tombe en poussière
Qui tourbillonne aux quatre vents !

« Ils vivront ! ils verront encore,
À la nature se mêlant,
Les frissons roses de l’aurore
Sur le lit bleu du ciel brûlant.

« Et, sous des formes inconnues,
Oublieux du néant glacé,
Ils secoûront au vent des nues
Les cendres noires du passé.

« Hélas ! hélas ! la destinée
M’accablant d’honneurs importuns,
Garde ma forme emprisonnée
Dans l’éternité des parfums.

« Mon cercueil, sous la crypte blanche,
Ne tient plus à ses clous d’airain,
Et les vers ont troué la planche,
Comme un crible à passer du grain.

« Sur ma poitrine recouverte
De symboles religieux
Le temps, avec sa lèpre verte,
A rongé la face des dieux.

« Seul, au milieu de ce qui tombe,
Je reste immobile et jaloux,
Et je dis au vers de la tombe :
Ô vers, pourquoi m’oubliez-vous ? »

« Ici, jamais ni vent, ni pluie
N’ont rafraîchi mon front poudreux ;
Depuis vingt siècles je m’ennuie
À regarder, de mon œil creux,

« Le sphinx de pierre, aux froides griffes,
Accroupi dans mon antre obscur,
Avec l’oiseau des hiéroglyphes
Qui ne s’envole pas du mur.

« Pour plonger dans ma nuit profonde,
Chaque élément frappe en ce lieu :
— Nous sommes l’air ! nous sommes l’onde !
Nous sommes la terre et le feu !

« Viens avec nous ! la steppe aride
Veut son panache d’arbres verts.
Viens, sous l’azur du ciel splendide,
T’éparpiller dans l’univers !

« Nous t’emporterons par les plaines,
Nous te bercerons à la ibis,
Dans le murmure des fontaines,
Et le bruissement des bois.

« Viens !… la nature universelle
Cherche, peut-être, en ce tombeau,
Pour le soleil, une étincelle,
Pour la mer, une goutte d’eau

« Alors, me réveillant dans l’ombre,
Je roidis mes membres perclus.
Sous les bandelettes sans nombre
Mes pieds maigres ne marchent plus.

« Et, dans ma tombe impérissable,
Je sens venir avec effroi,
Les siècles lourds comme du sable
Qui s’amoncelle autour de moi.

« Ah ! sois maudite, race impie,
Qui de l’être arrêtant l’essor
Gardes ta laideur assoupie
Dans la vanité de la mort !

« Un jour, les peuples de la terre
Brisant ton sépulcre fermé,
Te retrouveront tout entière,
Comme un grain qui n’a pas germé.

« Et, sous quelque voûte enfumée,
Ils accrocheront, sans remords,
Ta vieille carcasse embaumée,
Auprès des crocodiles morts !… »


extrait de Festons et astragales, 1880, par Louis Hyacinthe Bouilhet, dit Louis Bouilhet (1821-1869), poète et auteur dramatique français, ami de Gustave Flaubert.

samedi 15 mai 2021

"Karnak dans toute sa majesté, dans toute sa ruine", selon Jules Barthélemy Saint-Hilaire (XIXe s.)

Karnak. Salle hypostyle, par Gustave Le Gray, janvier 1867.
source BnF

"Mais que vous dirais-je de Karnak ? C'est bien ici que toute description est impossible, si l'on prétend la faire quelque peu égale au sujet. Mais je me rassure en me disant que les plus habiles y échoueraient tout comme moi. Champollion le Jeune a pris un parti plus simple. C'est de ne pas décrire du tout les magnificences de ces grands lieux.
Nous sommes arrivés par l'avenue qui, du palais de Louqsor, conduisait aux palais et aux temples de Karnak. Une demi-heure de course à cheval nous a suffi. Cette avenue était garnie à droite et à gauche de sphinx à tête de bélier, dont il ne reste que des débris mutilés. Mais cette rangée de statues étranges, qui pouvaient être au nombre de plusieurs centaines, devait produire un bien grand effet. Elle conduit à un pylône de date assez récente, puisqu'il est de Ptolémée Évergète et de la reine Bérénice, sa sœur et sa femme. Il n'a pas moins de 140 pieds de haut. Il n'a jamais été achevé ; et des pierres encore saillantes, comme au temps où on les a placées, attendent des constructions complémentaires, qui ne sont jamais venues.
Au delà de ce pylône, recommence l'avenue de sphinx, beaucoup plus ancienne que lui et qu'il interrompait ; et l'on arrive à une suite d'édifices qui paraissent être du temps de Rhamsès IV (1.200 ans avant J.- C.). Ils sont contenus dans une enceinte qui est à peu près carrée, ayant 100 mètres passés de long sur 85 de large. Les deux côtés nord et sud sont formés par des galeries, dont il reste encore de nombreuses colonnes assez bien conservées. Une entre autres, qui faisait partie d'une avenue placée au milieu de cette vaste cour, n'a pas moins de 70 pieds de haut, y compris la base et le chapiteau. Il devait y en avoir vingt-six de cette dimension.
Mais tout cela n'est rien auprès du vieux palais, où l'on parvient enfin en passant sous un autre pylône de 80 pieds de haut, à l'extrémité de cette avenue. Ce pylône donne entrée dans la grande salle, qui n'a pas moins de 518 pieds de long sur 160 de large. Le plafond, formé de pierres, dont quelques-unes sont longues de 40 pieds, est sculpté et peint ; il est supporté par 158 colonnes, dont 12 au centre, pareilles à celle dont je viens de parler, ont 70 pieds de haut sur 35 de circonférence. Les 126 autres, qui forment les parties latérales des deux côtés de cette nef incomparable, n'ont que 45 pieds de hauteur sur 27 ou 28 de pourtour. Elles sont, de chaque côté, sur sept rangs de neuf chacun. M. Senior prit la peine de les compter.
L'impression singulière qu'on éprouve sous ces voûtes a quelque chose de celle que donnent les Pyramides ; on est anéanti sous des dimensions qui n'ont plus rien d'humain ; et l'on se prend parfois à douter, comme Diodore devant le monument de Chéops, que ce soit là l'oeuvre des hommes. Je ne crois pas qu'il y ait au monde une salle, dans un édifice quelconque, qui puisse se vanter d’un si prodigieux développement.
Le tout est en grès, analogue à celui de Dendérah, venu sans doute aussi des carrières de Silsileh, et couvert également de hiéroglyphes et de peintures. Presque toutes ces colonnes sont debout comme au jour où des architectes habiles les érigèrent. Quelques-unes cependant, cinq ou six au plus, cédant à l'action des eaux, qui, dans les inondations du Nil s'infiltrent jusque-là, et qui viennent même dans les grandes crues baigner une partie de ces ruines, se sont affaissées. Une, entre autres, tombant sur une de ses voisines, s'est trouvée arrêtée dans sa chute par la pierre d’entablement dont elle était couronnée, et qui n'a pas moins de 36 pieds de long. Cette pierre s'est arc-boutée contre la colonne qu'elle frappait sans l'ébranler, et elle a soutenu, dans une position oblique de 60 ou 65 degrés, celle qui l'entraînait avec elle. Dans cette inclinaison violente et instantanée, pas un des tambours de la colonne, au nombre d'une vingtaine, ne s'est dérangé ; et, sous cette inclinaison périlleuse, ils sont encore aussi fermement joints entre eux que s'ils étaient restés perpendiculaires. On pourrait croire, s'il y avait du fer en Égypte, que des barres de fer intérieures traversent les colonnes d'un bout à l'autre, et leur communiquent une solidité d'adhésion qu'elles n'auraient pas sans ce secours.
Au delà de cette salle, qui devait être le lieu d'assemblée des peuples dans les circonstances les plus solennelles, de nouveaux pylônes vous conduisent à de nouvelles enceintes, à de nouvelles colonnades, à des obélisques qui comptent parmi les plus grands de tous ceux qu'on connaît. L'un n'a pas moins de 94 pieds. Celui de Saint-Jean de Latran, à Rome, est encore un peu plus haut, selon les souvenirs d'un de nos compagnons. Si on l'a laissé en place, c'est qu'il aura paru moins beau, les arêtes ayant été endommagées en plus d'un endroit. Ce n'est pas d'ailleurs chose facile que de remuer ces masses effroyables et délicates, sans les briser ; et nous vîmes à terre les débris du plus grand de tous les obélisques, puisqu'il a 100 pieds, que des mains maladroites ont rompu en essayant de l'emporter.
Au delà et autour de ces obélisques est le sanctuaire, dont il ne reste plus que des débris peu reconnaissables, des chambres latérales en granit, et une foule de constructions, qu'il faudrait étudier longtemps pour en retrouver le caractère et la destination probable. Un temple, qui semble petit à côté de ces géants, a été converti en église dans les premiers temps de l'ère chrétienne ; et nous y avons trouvé sur les parois, et surtout sur le plafond, des ornements qui ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. Il y a des têtes entourées de nimbes et de gloires ; et, selon toute apparence, ces travaux accessoires remontent au temps où la ferveur des néophytes les entraînait dans les déserts de la Thébaïde, et dans ces palais, qu'ils repeuplèrent pour quelques années. Un plafond peint en bleu était parsemé d'étoiles d'or, et les couleurs semblent d'hier. Entre deux parois de muraille, j'ai vu aussi un groupe de statues de marbre blanc très pur et d'un goût exquis, quoique mélangé. Elles représentaient deux femmes assises se donnant la main ; leur tête avait été rompue. Mais évidemment cet ouvrage, fort distingué, était moitié grec, moitié égyptien. C'est, je crois, une curiosité assez rare ; et je n'ai pas vu qu'aucun voyageur eût pensé à la décrire, quoiqu'elle en vaille bien la peine.
Tel est Karnak dans toute sa majesté, dans toute sa ruine. Nous n'y sommes restés que quelques heures. Mais les sensations que nous y avons éprouvées ne s'effaceront de notre vie."


extrait de Lettres sur l'Égypte, par Jules Barthélemy Saint-Hilaire, philosophe, journaliste et homme d'Etat français (1805-1895).

L'enthousiasme de Jean Potocki - XVIIIe s. - devant les pyramides de Gizeh

Frederick Goodall (1822-1904)

"J'avais aperçu pour la première fois les pyramides lorsque, remontant de Rosette au Caire, j'eus atteint la pointe du Delta. J'en étais à dix lieues, et elles m'avaient paru comme des montagnes, dont la couleur bleuâtre annonçait une grande élévation. Je les avais perdues de vue en me rapprochant du Caire, et je ne les retrouvai plus que vers Gizeh. La distance de ce village aux pyramides est de trois lieues, et paraît à peine de six cents pas.
Je distinguais parfaitement leurs différentes assises, et jusqu'aux séparations des pierres, qui ne me paraissaient alors que de la grandeur de nos briques, et mes yeux mesurant la hauteur de ces monuments sur cette fausse échelle n'y trouvèrent plus rien de merveilleux. La même chose m'était arrivée à Saint-Pierre de Rome, et doit arriver nécessairement à la vue de tout édifice lorsque la parfaite proportion de ses parties ne laisse pas d'objet de comparaison qui puisse faire juger de la grandeur de leur ensemble. Pour juger donc de celle des pyramides, il faut aller jusqu'à leur base ; alors le sommet disparaît peu à peu, et l'on ne voit plus que l'entassement des blocs énormes dont on avait d'abord si mal jugé. Alors si l'on veut porter la clarté du calcul sur le témoignage rectifié de ses sens, on trouve que le nombre de ces blocs se monte à plus de trois cent trente-quatre mille trois cent soixante-sept, qui font une solidité de soixante-deux millions trois cent neuf mille six cents pieds cubes.
Alors que l'on s'éloigne autant que l'on voudra, l'imagination fatiguée de calcul ne garde plus que l'idée d'immensité et la conserve toujours.
Les Arabes, qui savent que les voyageurs sont curieux de graver leurs noms à l'entrée de la pyramide, sont venus m'apporter un ciseau ; je m'en suis servi pour y faire placer ce vers du Poème des Jardins : "Leur masse indestructible a fatigué le temps."
Et quels monuments ont mieux mérité une telle inscription ? Trente siècles en ont à peine ébréché quelques saillies. Les tremblements de terre n'en ont pas déjoint une assise. L'angle de leur inclinaison fait servir à leur stabilité cette même force de gravité qui détruit tous les monuments des hommes. Les efforts réunis de toute la population actuelle de l'Égypte ne suffiraient plus pour les égaliser au sol qui les supporte ; et qui sait si la Nature elle-même, jalouse de voir les ouvrages de l'Art atteindre à la durée des siens, aurait des moyens pour les anéantir ?
Telle est l'impression que m'a faite la vue des pyramides. Vous trouverez peut-être qu'elle tient de l'enthousiasme, et j'en conviendrai sans peine. Mais quelle est l'âme assez inaccessible à l'admiration pour pouvoir toujours se défendre de ce sentiment exalté ? Et peut-il jamais être plus excusable ? Je sens cependant que la plume du voyageur, descriptive comme son crayon, ne doit pas aller au-delà de ce qu'il voit, et je m'empresse de faire reprendre à la mienne le caractère qui lui convient.
La grande pyramide était entourée de plusieurs petites, dont les bases subsistent encore. On y reconnaît aisément la situation de celle qu'Hérodote dit avoir été bâtie par la fille de Chéops, aux frais de ses amants, qui payaient chacune de ses faveurs d'un bloc de pierre d'Éthiopie. Cette pyramide n'avait, selon notre auteur, qu'un phletre de base, c'est-à-dire soixante-sept pieds et demi ; elle était donc beaucoup plus petite que celle dont nous venons de parler. Mais je me suis convaincu que c'était parce que les pierres en étaient moindres, et non pas parce qu'il y en avait moins. Cependant, ne prenant que la moitié du nombre marqué ci-dessus, nous aurons cent soixante-sept mille trois cent quatre-vingt-trois faveurs, somme qui, pour une jeune princesse, paraîtra toujours assez considérable.
À trois cents pas des pyramides se voit la statue colossale du Sphinx, ou plutôt la tête de cette statue, car tout le reste est enseveli sous le sable. Cette tête est si grosse que toute ma petite caravane s'était mise à l'abri sous son menton, et s'y trouvait fort à l'aise.
J'aurais beaucoup désiré pouvoir monter au sommet de la plus haute des pyramides, d'où j'aurais vu toute l'Égypte étendue à mes pieds comme sur une carte géographique. La chose n'est pas fort difficile, mais mes forces ne m'ont pas permis de l'entreprendre. J'ai eu même assez de peine à en parcourir l'intérieur, pour parvenir jusqu'au tombeau du Pharaon."

extrait de Voyage en Turquie et en Égypte, fait en l'année 1784, édité en 1788, de Jan Nepomucen Potocki, Jean Potocki en français (1761-1815), savant et écrivain polonais, de langue française, considéré comme "l’un des premiers écrivains de récit de voyage de l’ère moderne, avec des comptes rendus expressifs de plusieurs de ses voyages, au cours desquels il entreprit également des études historiques, linguistiques et ethnographiques extensives". (Wikipédia)


jeudi 13 mai 2021

"Il n'est point, dans l'univers, de spectacle plus varié, plus magnifique, et plus imposant" (Claude Étienne Savary, au sommet de la Grande Pyramide)

Vue du Grand Caire du sommet de la Grande Pyramide de Giza, 
par Luigi Mayer (1755-1803)

"Nous avancions, et les pyramides, dont les aspects variaient suivant les circuits que nous faisions dans la plaine et la position des nuages, se découvraient de plus en plus à nos regards. À trois heures et demie du matin nous arrivâmes au pied de la plus grande. 
Nous déposâmes nos habits à la porte du canal qui conduit dans l'intérieur. Nous y descendîmes tenant chacun un flambeau à la main. Vers le fond il fallut ramper comme des serpents pour pénétrer dans le canal intérieur qui correspond au premier. Nous le montâmes à genoux en nous appuyant des mains contre les côtés ; sans cette précaution on courrait risque de glisser sur le plan incliné, où de légères entailles ne suffisent pas pour arrêter le pied, et l'on se précipiterait en bas. Vers le milieu nous tirâmes un coup de pistolet, dont le bruit épouvantable, répété dans les cavités de cet immense édifice se perpétua pendant longtemps. Il éveilla des milliers de chauves-souris, qui, s'élançant de haut en bas, nous frappaient aux mains et au visage. Elles éteignirent plusieurs de nos bougies. Elles sont beaucoup plus grosses que celles d'Europe. 
Parvenus au haut , nous entrâmes dans une grande salle dont la porte est fort basse. C'est un carré long, entièrement composé de granit. Sept pierres énormes traversent d'un mur à l'autre et forment le plafond. Un sarcophage fait d'un bloc de marbre repose à l'une des extrémités. La main des hommes a violé ce monument. Il est vide, et le couvercle en a été arraché. Des morceaux de vases de terre sont à l'entour. 
Sous cette belle salle est une chambre moins grande où l'on trouve l'entrée d'un conduit rempli de décombres. Après avoir examiné ces caveaux, où la lumière du jour ne pénétra jamais, et où la nuit éternelle épaissit ses ombres, nous descendîmes par le même chemin, évitant de tomber dans un puits que l'on rencontre à gauche, et qui se prolonge jusques dans les fondements de la pyramide. L'air de l'intérieur de cet édifice n'étant jamais renouvelé, est si chaud, si méphitique, que l'on se sent suffoquer.
Lorsque nous en sortîmes nous étions baignés de sueur et pâles comme la mort. On nous eût pris pour des spectres qui apparaissent au milieu des ténèbres. Après avoir respiré avidement l'air extérieur, et nous être rafraîchis, nous nous hâtâmes d'escalader cette montagne faite de main d'homme. Elle est composée de plus de deux cents assises de pierre. Elles débordent l'une sur l'autre à proportion de leur élévation, qui est depuis deux pieds jusqu'à quatre. Il faut franchir successivement ces énormes gradins pour arriver au sommet. Nous l'entreprîmes en prenant l'angle du nord-est le moins endommagé. Ce ne fut qu'après une demi-heure de peines et d'efforts que nous y parvînmes.
L'aurore se levait. L'Orient se colorait par degrés. Nous jouissions d'un air pur et d'une fraîcheur délicieuse. Bientôt le soleil dora la pointe du Mokattam. Son disque lumineux parut au bord de la montagne. Nous reçûmes ses premiers rayons, et nous vîmes briller dans l'ombre les pointes des pyramides de Saccara, qui étaient à trois lieues de nous, dans la plaine des Momies. La lumière descendait rapidement. Le haut des minarets, le sommet des dattiers, plantés autour des villages, bâtis sur des hauteurs, parurent éclairés. Chaque instant nous découvrait de nouvelles beautés. À mesure que l'astre montait dans les cieux, il inondait de ses feux les montagnes et la vallée d'Égypte. Les troupeaux descendaient des hameaux, des barques à la voile remontaient le Nil. Nous suivions des yeux les vastes contours qu'il forme dans la plaine. Nous avions au nord des collines stériles et des sables arides ; au sud, le fleuve et un océan de moissons ; nous apercevions à l'est la petite ville de Gizé, les tours de Masr Fostat, les minarets du grand Caire, et le château de Salah Eddin qui fermait le tableau. 
Assis sur le plus élevé, le plus ancien monument des hommes, comme sur un trône nous voyions, en parcourant l'horizon, un désert affreux, les riches campagnes où l'on plaça les champs Elysées, des hameaux, des villes, un fleuve majestueux, et des édifices qui semblent être l'ouvrage des géants. Il n'est point, dans l'univers, de spectacle plus varié, plus magnifique, et plus imposant. Il élève l'âme, et la force à la contemplation.
Après que nous eûmes gravé nos noms sur le sommet de la pyramide, nous descendîmes avec précaution, car nous avions l'abîme devant nous. Un morceau de pierre qui se serait détaché sous nos pieds ou nos mains, eût pu nous y précipiter.
Arrivés au bas de la pyramide, nous en fîmes le tour en la contemplant avec une sorte d'effroi. Lorsqu'on la considère de près, elle semble faite de quartiers de rochers ; mais à cent pas, la grandeur des pierres se perd dans l'immensité de l'édifice, et elles paraissent très petites.
Ses dimensions sont encore un problème. Depuis Hérodote jusqu'à nos jours, un grand nombre de voyageurs et de savants les ont mesurées, et la différence de leurs calculs, loin d'éclaircir les doutes, n'a fait qu'augmenter l'incertitude."

extrait de Lettres sur l'Égypte, tome premier, 1786, par Claude Etienne Savary (1750-1788), orientaliste, pionnier de l'égyptologie

mercredi 12 mai 2021

La fécondité des terres d'Égypte "tient du prodige", selon Pierre Adam d'Origny (XVIIIe s.)

scène de récolte - tombe de Menna (TT69) - Wikipédia, dom. public

"En parcourant l'histoire des anciens Égyptiens, on y découvre un nombre de singularités dont il n'y a d'exemple que dans ce seul pays. Renfermé presqu'en entier dans une vallée très resserrée entre deux chaînes de montagnes, il n'a qu'environ quatre mille lieues carrées de superficie ; cependant on y comptait dix-huit à vingt-mille villes ou bourgs célèbres, peuplés de sept millions d'hommes.
Les auteurs qui parlent ainsi de ce pays n'ont point exagéré. Tout ce qu'ils en disent est vrai sans doute, comme il vient d'être démontré. Ils représentent encore la nation égyptienne comme la plus opulente de tout l'univers, quoiqu'elle ne possédât point de mines, et que les Égyptiens n'eussent point encore entrepris de fouiller les entrailles de la terre, pour y chercher des pierres précieuses.
Mais cette richesse, dont ils assurent que les Égyptiens jouissaient, et qui s'est toujours augmentée de siècles en siècles, avait une source inépuisable, et qui n'exigeait point les durs travaux des mines : elle consistait dans la fécondité des terres ; fécondité qui tient du prodige, à en juger par tout ce que les historiens en disent. Elle était particulièrement due aux débordements réguliers du Nil, à ces débordements qui parurent pendant si longtemps aux philosophes un phénomène que, malgré tous les efforts, dont le génie de l'homme peut être capable, ils tentèrent en vain, pendant longtemps, d'expliquer.
Hérodote, pour faire concevoir tout le bonheur que les Égyptiens devaient ressentir de l'extrême fertilité de l'Égypte, dit que ce pays est, de toute la terre, celui où les blés et les fruits exigent le moins de culture, et où aussi on les recueille avec le moins de travail.
Diodore, par le détail où il entre sur les différentes productions de l'Égypte, et en faisant voir que ces productions excédaient de beaucoup, en fruits et en grains, les besoins des nationaux, rend un nouveau témoignage de l'extrême fertilité de leurs terres.
Pomponius Méla l'atteste de même ; et Strabon qui s'attache à faire connaître quelles étaient les productions plus particulières aux territoires qu'il décrit, fait voir non seulement la quantité, mais encore les différentes sortes de grains et de fruits qu'on y recueillait.
Athénée prétend que le Nil mérite le nom de Chryforrhoas ou Portor plutôt que le Pactole, célèbre rivière de Syrie, qui dans ses sables roule des paillettes d'or, parce que, dit-il, le Nil procure aux terres qu'il arrose, et sans qu'il soit besoin de travail, une telle fécondité, que ces terres peuvent fournir des vivres pour tous les mortels : exagération trop ordinaire à cet auteur ; mais elle prouve du moins l'excessive abondance des récoltes de l'Égypte.
Enfin Pline, plus précis sur ce qu'il rapporte de la fécondité de ce pays, assure que les terres de cette partie de l'Afrique produisent régulièrement jusqu'à cent pour un. C'est ainsi que les anciens historiens et les géographes s'expriment, pour faire connaître la source de l'excessive richesse des Égyptiens ; mais comme ils avaient aidé la nature, voyons quelle sorte de secours ils lui ont donné, en quelle circonstance ils ont entrepris des travaux si utiles, et en quels temps ils en ont joui.
La nature avait sans doute favorisé ce pays mais elle avait laissé quelque chose à faire aux habitants.Il fallait, par des canaux et des digues, étendre l'inondation fécondante du Nil. Les rois qui possédaient le tiers des terres, avaient intérêt à l'exécution de ces travaux ; en sorte qu'ils excitaient l'émulation ; et comme ces rois se contentaient toujours de la part que la loi leur donnait, et qu'ils faisaient jouir en paix leurs sujets de la portion qui leur était dévolue, ceux-ci se livraient aux travaux, avec un zèle digne du succès qu'ils eurent.
Le sage monarque, qui n'a que des vues dictées par la justice, et qui remplit sa charge de père de son peuple, l'anime toujours de l'esprit qui le guide, et sans peine il fait naître le désir de seconder ses vues. C'est alors que chaque particulier ne voit en lui-même qu'un membre de la nation, et qu'il concourt d'autant plus volontiers à l'exécution des volontés du prince, qu'il y trouve son propre bonheur.
Si au contraire, ainsi qu'on en a vu de fréquents exemples dans la plupart des monarchies, les souverains, imitant les despotes, séparent leurs intérêts de ceux de la nation, ils rompent le lien qui leur attachait leurs sujets, et détruisent par-là cet esprit de nation qui faisait toute toute leur force ; les sujets n'affectionnent point des intérêts toujours opposés aux leurs, et de là s'ensuivent la dépopulation et la stérilité."

extrait de L'Égypte ancienne, ou Mémoires historiques et critiques sur les objets les plus importants de l'histoire du grand empire des Égyptiens
tome 1 -, par Pierre Adam d'Origny (1697-1774), "chevalier de l'ordre royal et militaire de S. Louis, ci-devant capitaine de grenadiers au régiment de Champagne"

mercredi 5 mai 2021

La "statue monstrueuse" du Sphinx, selon Corneille Le Bruyn (XVIIe - XVIIIe s.)

illustration de Corneille Le Bruyn

"À quelque distance de la plus grande Pyramide du côté d'Orient, on voit le Sphinx si fameux chez les Anciens. C'est une statue qui est taillée dans le roc même, qui représente une tête de femme avec la moitié de la poitrine ; mais à présent elle est enfoncée dans le sable jusqu'au col. À main droite on voit le sable plus élevé qu'ailleurs, et cela jusqu'à une assez grande étendue ; de sorte qu'on peut croire avec raison que sous cette hauteur est caché le reste du corps qui avait la ressemblance d'un lion, et que la face en est tournée du côté droit. 
C'est une masse extraordinairement grosse, mais où les proportions ont pourtant été observées, encore que la tête seule ait vingt-six pieds de haut, et depuis l'oreille jusqu'au menton il y en a quinze, selon la mesure qu'en a prise le sieur Thévenot. De loin il paraît être de cinq pierres jointes ensemble ; mais quand on est auprès, on voit que ce qu'on avait pris pour les jointures des pierres ne sont proprement que des veines qui sont dans le roc. 
Pline dit que ce colosse a servi de tombeau au roi Amasis, et la chose n'est pas incroyable, puisqu'il est dans un endroit qui n'était autrefois, comme nous l'avons dit, qu’une espèce de cimetière, et auprès des pyramides et des grottes qui servaient au même usage ; mais de savoir si ç'a été précisément celui du roi Amasis, c'est ce que je n'oserais assurer, parce qu'il n'y en a point de preuves certaines, tous les mémoires de cette Antiquité ayant été perdus. 
D'autres veulent qu'un roi d'Égypte ait fait faire ce Sphinx à la mémoire d'une certaine Rhodope de Corinthe dont il était passionnément amoureux. Les auteurs font bien des contes de cette statue du Sphinx. Ils disent, entr’autres choses, que lorsqu'on allait la consulter au lever du Soleil, elle rendait des oracles, ce qui doit sans doute être l'effet de l'imposture des prêtres, qui avaient pratiqué auprès quelques conduits souterrains. Quelques-uns croient que le puits, qui est dans la grande Pyramide, pourrait avoir servi à cela. Quoiqu'on n'y trouve plus aujourd'hui aucune route, parce qu'elle a peut-être été bouchée par l'éboulement des terres. Ainsi on n'oserait rien assurer ici sur cet article. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'y a aucune ouverture, ni à la bouche, ni au nez, ni aux yeux, ni aux oreilles ; et si les prêtres ont mis ici quelque fourbe en usage, il faut que soit été par le moyen d'un trou, qui, à ce que disent ceux qui y sont montés avec des échelles, est au haut de la tête, et qui va jusques dans la poitrine où il finit. 
Le Consul, avec la plupart de notre compagnie, étaient à l'ombre de cette grosse masse, pendant que je m'occupais à la dessiner avec les pyramides qui sont auprès. On peut aisément, à l'inspection de la figure, juger de la grandeur de cette statue monstrueuse, par la proportion qui a été observée entre elle et les personnages qu'on y voit représentés auprès. 
Pour ce qui est des particularités des Sphinx en général, je me contenterai de rapporter ce que le Dr O. Dapper en a écrit, et qu'il a lui-même emprunté des autres. Lorsque les Égyptiens, dit-il, traitaient des choses naturelles, ils représentaient les Sphinx de deux manières ; savoir, ou sous figure d'un lion couché sur un buffet, ou sous la forme d'un certain monstre, qui avait le corps d'un lion et le visage d'une fille. Par la première figure ils représentaient Momphta, qui était une des divinités des Égyptiens qui présidait sur toutes les eaux, et particulièrement qui conservait et entretenait les causes du débordement du Nil ; et par la seconde ils représentaient l'accroissement même de ce fleuve. Et ils représentaient ainsi cette figure, non pas qu'ils crussent qu'il se trouvât quelque part de tels animaux, mais pour donner à connaître par là les pensées et conceptions secrètes de l'esprit. Ainsi les Sphinx, représentés de cette manière, signifiaient l'état du Nil qui inonde l’Égypte : car comme le débordement de cette rivière dure tout l'été, et tout le temps de la moisson, c'est-à-dire pendant les mois de Juillet et d'Août, et que pendant ces deux mois le Soleil parcourt ordinairement les deux Signes du Lion et de la Vierge, il fut assez naturel aux Égyptiens, qui avaient un grand penchant pour les hiéroglyphes et les représentations mystérieuses, de faire d'une Vierge et d'un Lion des monstres qu'ils appelèrent Sphinx, et qui étaient consacrés au Nil ; et s'ils les représentaient couchés sur le ventre, c'était pour exprimer le Nil qui se déborde.
S'il en faut croire Pline, il y avait un grand nombre de ces Sphinx, et entr'eux il y en avait quelques-uns qui étaient de fort grandes statues, placées dans les endroits les plus remarquables d'Égypte, surtout dans les lieux où le Nil se déborde, comme dans les villes d'Heliopolis et de Saïs, et dans le désert de Memphis ou du Caire, où est celle dont nous parlons, qui semble avoir été la plus grande de toutes, et qu'on voit encore aujourd'hui, au moins la partie d'en haut."

extrait de Voyage au Levant, c'est-à-dire dans l'Asie Mineure, Chio, Rhodes, Chypre, Égypte, Syrie, et Terre Sainte, par l'artiste et voyageur hollandais Corneille Le Bruyn (ou Cornelis de Bruijn) (1652-1726 ou 1725).