jeudi 20 décembre 2018

"Si vous avez une occasion de monter à dromadaire, ne la laissez pas échapper" (Henri Paul Charles Baillière)

tableau du peintre orientaliste américain Edwin Lord Weeks (1849-1903)

"Le chameau-dromadaire, ou tout simplement le dromadaire (...) est un animal de la même espèce que le chameau commun (...). Ce qui les distingue, ce n'est pas comme on l'a dit le nombre des bosses, c'est l'allure. L'un est le cheval de course, l'autre est le cheval de trait.
L'un est léger, presque agile, fort doux au pas et au trot, plus estimé encore à l'amble ; c'est une erreur que de parler du galop du dromadaire, pour exprimer sa vitesse ; il peut galoper, c'est vrai, mais il ne saurait soutenir cette allure. L'autre est épais, destiné à porter de lourds fardeaux et à ne marcher qu'au pas.
Tous deux sont sobres et infatigables, ils n'exigent aucun soin, ils passent volontiers huit jours sans boire une goutte d'eau, sans prendre d'autre nourriture que des noyaux de dattes, ou les brindilles desséchées qu'ils broutent tout en marchant ; ils sont vraiment faits pour les solitudes arides et brûlantes de ces contrées ; et c'est avec raison que les Arabes les appellent poétiquement "les navires du désert".
Toute leur force est dans leur bosse. Ceux qui cherchent partout des causes finales ont dit que la bosse du chameau était destinée, dans le plan général de la création, à porter les fardeaux et à servir de siège au voyageur ; mais outre que je ne connais pas de siège plus incommode, je serais tenté de croire que les inventeurs de cette explication sont les mêmes qui ont soutenu que le nez était fait pour porter des lunettes, et les doigts, des bagues. Non ! le chameau a une bosse qui sert de réservoir à sa provision d'eau ; il a en plus une épaisseur suffisante de couche graisseuse, qui lui permet de supporter la faim, en se nourrissant à ses propres dépens, sur ses économies intérieures.
C'est un beau tableau, bien complet et plein de grandeur, qu'un Arabe monté sur un dromadaire en marche : le dromadaire richement harnaché s'avance d'un pas régulier ; l'Arabe, la tête ceinte du turban, le corps enveloppé de larges draperies flottantes, fièrement campé sur une haute selle, les jambes repliées et croisées sur le cou de l'animal, se laisse aller et suit tout naturellement les mouvements de sa monture. 
Quand pour la première fois, on fait connaissance avec ce nouveau mode de locomotion, il est bien difficile de se mettre en selle, plus encore de s'y tenir ; il faut une certaine habitude de cet exercice, pour y trouver quelque plaisir. Mais néanmoins, si dans votre traversée de l'Isthme, vous avez une occasion de monter à dromadaire, ne la laissez pas échapper."

extrait de En Égypte : Alexandrie, Port-Saïd, Suez, Le Caire, 1867,  par le libraire-éditeur parisien Henri Paul Charles Baillière (1840-1905)

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