Brooklyn Museum, Charles Edwin Wilbour Fund |
Les rares dessins qui nous restent sont tracés sur des morceaux de calcaire, en assez mauvais état pour la plupart. Le British Museum en a deux ou trois au trait rouge, qui ont peut-être servi comme de cartons au décorateur d'un tombeau thébain de la XXe dynastie. Un fragment du musée de Boulaq porte des études d'oies ou de canards à l'encre noire. On montre à Turin l'esquisse d'une figure de femme, nue au caleçon près, et qui se renverse en arrière pour faire la culbute : le trait est souple, le mouvement gracieux, le modelé délicat.
L'artiste n'était pas gêné, comme il l'est chez nous par la rigidité de l'instrument qu'il maniait. Le pinceau attaquait perpendiculairement la surface, écrasait la ligne ou l'atténuait à volonté, la prolongeait, l'arrêtait, la détournait en toute liberté. Un outil aussi souple se prêtait merveilleusement à rendre les côtés humoristiques ou risibles de la vie journalière.
Les Égyptiens, qui avaient l'esprit gai et caustique par nature, pratiquèrent de bonne heure l'art de la caricature. Un papyrus de Turin raconte, en vignettes d'un dessin sûr et libertin, les exploits amoureux d'un prêtre chauve et d'une chanteuse d'Amon. Au revers, des animaux jouent, avec un sérieux comique, les scènes de la vie humaine. Un âne, un lion, un crocodile, un singe se donnent un concert de musique instrumentale et vocale. Un lion et une gazelle jouent aux échecs. Le Pharaon de tous les rats, monté sur un char traîné par des chiens, court à l'assaut d'un fort défendu par des chats. Une chatte du monde, coiffée d'une fleur, s'est prise de querelle avec une oie on en est venu aux coups, et la volatile malheureuse, qui ne se sent pas de force à lutter, culbute d'effroi. Les chats étaient d'ailleurs les animaux favoris des caricaturistes égyptiens. Un ostracon du musée de New-York nous en montre deux, une chatte de race assise sur un fauteuil, en grande toilette, et un misérable matou qui lui sert à manger, d'un air piteux, la queue entre les jambes. L'énumération des dessins connus est courte, comme on le voit l'abondance de vignettes dont on avait coutume d'orner certains ouvrages compense notre pauvreté en ce genre."
Extrait de L'archéologie égyptienne, par Gaston Maspero (1846-1916)
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