tombe de Roy - TT 255 - XVIIIe dynastie (photo Marie Grillot) |
Cette différence de traitement devant la mort, prolongation des inégalités sociales, entraînait, évidemment, un avantage pour les puissants de ce monde, et, pour le commun des mortels, un désavantage certain, sur lequel on aimerait avoir des précisions.
La décoration des plus anciennes tombes ayant un caractère purement civil, on a cru, longtemps, que la décoration des tombes n’avait pour unique objet que de souligner le bonheur terrestre du disparu et d’en prolonger le souvenir, non seulement chez ses descendants, mais aussi dans l'esprit ou l'imagination de tous ceux qui pouvaient passer auprès de sa tombe. Plus tard, Maspero supposa que les scènes représentées dans les tombes devaient créer magiquement, pour le défunt, la réalité de ce qu'elles figuraient. Plus récemment, on eut recours à des interprétations plus objectives et plus matérialistes : pour Erman, par exemple, les scènes des tombes ne font qu’éterniser la joie de la propriété et le plaisir que procure une œuvre d'art ; pour Kees, il s'agirait d’un procédé commode pour exciter la générosité des survivants impressionnés par la puissance passée du défunt.
En fait, aucune de ces explications n’est entièrement à rejeter : il nous paraît évident que la vanité humaine n’a pas été absolument étrangère à l'usage de décorer les chapelles funéraires, mais il est non moins évident qu’un souci utilitaire est venu s'ajouter, et, cela dès l’origine, à ce sentiment naturel. Les offrandes étant nécessaires à la vie d’outre-tombe, il était indispensable d'encourager d’une manière sensible, grâce à l'étalage des richesses passées, la bonne volonté des survivants. Nous ne pensons pas, cependant, que les Égyptiens anciens aient été assez naïfs pour supposer que l’importance de la décoration murale de leurs tombes ait suffi à leur assurer éternellement les offrandes funéraires.
Aussi l’explication magique de Maspero, en dernière analyse, nous semble-t-elle être la plus satisfaisante : le mort se créait pour sa vie future un monde heureux, exactement calqué, mais sans les ennuis qui ne sont jamais absents de l’existence d'un homme, sur celui qu’il avait connu sur terre, et ce bonheur ne pouvait lui être enlevé que si la tombe elle-même était détruite. C'est la raison pour laquelle les textes des tombes, notamment à l'Ancien Empire, sont si lourds de menaces à l’égard des éventuels violateurs de tombes.
Ce sentiment, ou, plutôt, ce complexe de sentiments a dominé jusqu’à la fin de la XVIIIe Dynastie. À cette époque, on commence à mettre l’accent sur la piété personnelle du défunt, en le représentant en prière ou en adoration devant un certain nombre de divinités. À partir de l’époque ramesside, c’est le caractère religieux qui l’emporte dans la décoration des tombes, et les scènes purement profanes deviennent exceptionnelles. Nous ne savons pas, naturellement, si les anciens habitants de la vallée du Nil ont réellement éprouvé les sentiments que nous venons de leur prêter, mais l’interprétation proposée a au moins l'avantage de donner une explication logique de l'origine et de l’évolution de la décoration murale dans les tombes."
(Jacques Vandier, Manuel d'archéologie égyptienne, tome IV, Bas-reliefs et peintures - Scènes de la vie quotidienne, 1964)
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