cliché daté de 1890 - auteur non identifiable |
Deux excursions en Algérie m'avaient quelque peu initié aux fatigues et aux émotions d'un voyage d'outre-mer. Mais une des principales difficultés d'un déplacement lointain n'est-elle pas de se mettre en route ? Que d'obstacles de tout genre viennent assaillir et contrarier au dernier moment le touriste le mieux préparé, retarder son départ et souvent le rendre impossible !
Aussi, lorsque j'annonçai ma résolution définitive à mes amis : Comment, me disaient les uns, vous allez vous aventurer en Égypte ! Quelle imprudence ! Plusieurs cas de choléra viennent d'y être signalés ! Vous savez sans doute que les fièvres paludéennes qui règnent constamment à Alexandrie sévissent de préférence sur les nouveaux débarqués.
Vous n'ignorez pas, ajoutaient les autres, que, depuis le dernier soulèvement militaire, cette contrée se trouve en pleine crise politique et sociale. Une révolution est imminente et si elle éclate pendant votre séjour, vous serez exposé aux plus graves dangers ; puis vous partez trop tard, la chaleur est déjà intolérable, gare les insolations, les ophtalmies, les dysenteries, les crocodiles, le bouton du Nil, etc.
Enfin, j'étais d'avance un homme condamné à mort.
On conviendra que ces craintes plus ou moins chimériques, exprimées avec l'accent d'une conviction profonde, ces avertissements dictés par un intérêt sincère, étaient peu encourageants, aussi, fallut-il m'armer d'une certaine fermeté pour persister dans mon projet, malgré ces pronostics alarmistes.
Donc, le 28 février 1882, accompagné de ma femme et du neveu affectionné qui nous avait déjà suivis en Algérie, je prenais congé à Longueville d'excellents amis qui de Provins avaient tenu à m'escorter jusqu'à cette première étape d'un parcours de plus de huit cents lieues. Durant le trajet, mes sympathiques compatriotes se plaisaient à me féliciter sur mon air résolu et confiant, presque martial. Qu'auraient-ils dit s'ils m'avaient vu coiffé du casque indien, couvre-chef indispensable à l'excursionniste qui affronte le soleil tropical de l'Afrique !
Le surlendemain, dans l'après-midi, nous montions à bord du Scamandre, qui devait nous débarquer à Alexandrie, après une escale de quelques heures à Naples."
extrait de Promenades en Égypte et à Constantinople, 1886, par Émile Bourquelot (1824-1896), bibliothécaire et conservateur du musée de Provins, officier d'Académie
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