photo Marie Grillot
La sculpture des Égyptiens, tout admirable qu'elle est d'ailleurs, paraît n'avoir été qu'un simple accessoire de leur architecture ; elle faisait des monuments une sorte de livre, où était consigné ce qui est relatif à la science, à l'histoire, à la morale et aux arts ; dans les temples, dans les édifices, un fait ou un précepte est retracé sur chacune des parties qui les composent ; les ornements qui les décoraient étaient soumis à des règles si invariables, étaient tellement égaux entre eux quant à l'exécution, que jamais la sculpture ne pouvait nuire à l'architecture, ni en détruire l'harmonie.
On a reproché aux Égyptiens la raideur des figures de leurs bas-reliefs ; et, partant de là, on a proclamé qu'ils n'avaient point de goût ; on oublie que ces formes symétriques avaient quelque signification religieuse ; que ce n'était pas dans les traits du visage, mais dans l'attitude et le costume que résidait l'expression que l'on voulait donner à une figure ; qu'ainsi, dans la décoration des temples et des lieux saints, l'artiste était assujetti à un type invariable, dans lequel il était obligé d'imiter certains défauts, auxquels même on était habitué, et qui étaient devenus parties constitutives et essentielles du type de l'objet représenté. Je dirai même plus : ce type uniforme, qui se retrouve toujours et choque d'abord, finit par avoir un attrait indéfinissable aux yeux du voyageur ; il y a quelque chose de solennel dans ces ornements sans cesse répétés, dans le sourire mélancolique de ces visages, et dans ces attributs sacrés des divinités protectrices du pays. (...)
On a reproché aux Égyptiens la raideur des figures de leurs bas-reliefs ; et, partant de là, on a proclamé qu'ils n'avaient point de goût ; on oublie que ces formes symétriques avaient quelque signification religieuse ; que ce n'était pas dans les traits du visage, mais dans l'attitude et le costume que résidait l'expression que l'on voulait donner à une figure ; qu'ainsi, dans la décoration des temples et des lieux saints, l'artiste était assujetti à un type invariable, dans lequel il était obligé d'imiter certains défauts, auxquels même on était habitué, et qui étaient devenus parties constitutives et essentielles du type de l'objet représenté. Je dirai même plus : ce type uniforme, qui se retrouve toujours et choque d'abord, finit par avoir un attrait indéfinissable aux yeux du voyageur ; il y a quelque chose de solennel dans ces ornements sans cesse répétés, dans le sourire mélancolique de ces visages, et dans ces attributs sacrés des divinités protectrices du pays. (...)
En observant les bas-reliefs avec attention, on y découvre de grandes beautés, surtout dans ceux où il était permis au sculpteur de se livrer un peu aux inspirations de son génie. Les visages, il est vrai, n'ont rien d'idéal, comme ceux des statues grecques ; cependant il ne faut pas croire pour cela qu'ils soient entièrement dépourvus de beauté ; copiés, à ce qu'il paraît, sur la nature, ils se distinguent surtout par la grâce ; passez-moi l'expression, ils sont plutôt jolis que beaux, et l'on trouvera difficilement des traits plus agréables. (...)
J'ai presque toujours remarqué que, dans les bas-reliefs, le dessin des animaux est pur, hardi et correct. Les sphinx sont exécutés avec la plus rare perfection. Quant à la perspective, les Égyptiens paraissent n'en avoir eu aucune idée ; pour y suppléer, ils ont ordinairement représenté dans leurs tableaux toutes les figures marchant à la suite les unes des autres et, en général, vues de profil : ce défaut est racheté par la naïveté et la chaleur qui règnent dans la composition. On y observe que le personnage principal, le dieu ou le héros, est dépeint d'une manière colossale et tout-à-fait en disproportion avec les autres figures du même sujet. (...)
J'ai presque toujours remarqué que, dans les bas-reliefs, le dessin des animaux est pur, hardi et correct. Les sphinx sont exécutés avec la plus rare perfection. Quant à la perspective, les Égyptiens paraissent n'en avoir eu aucune idée ; pour y suppléer, ils ont ordinairement représenté dans leurs tableaux toutes les figures marchant à la suite les unes des autres et, en général, vues de profil : ce défaut est racheté par la naïveté et la chaleur qui règnent dans la composition. On y observe que le personnage principal, le dieu ou le héros, est dépeint d'une manière colossale et tout-à-fait en disproportion avec les autres figures du même sujet. (...)
Le travail mécanique du sculpteur égyptien était admirable, je vois journellement, à Thèbes, des tableaux exécutés en relief au fond d'un contour creusé ; les arêtes en ont conservé le fini le plus précieux ; le granit indestructible de Syène, dans lequel ils sont taillés, est poli comme le marbre le serait de nos jours. Les hiéroglyphes sont sculptés, soit de la même manière, soit simplement en relief, soit, enfin, en creux, mais sans relief intérieur. (...)
Un peintre venait dessiner en rouge sur la pierre déjà polie le contour des objets et des personnages que le bas-relief ou les hiéroglyphes devaient représenter ; une main plus exercée corrigeait ce premier travail et employait une couleur noire à cet effet ; c'est à ce point qu'en est restée la salle du tombeau.
Le sculpteur travaillait en entaille, en demi-relief ou en plein relief ; le peintre finissait le tableau en appliquant des teintes plates sur les objets représentés. De même que la sculpture, la peinture des Égyptiens ne peut être considérée que comme un des ornements de leur architecture ; ils n'avaient aucune idée d'ombre ni de lumière ; cependant je dois vous faire observer que leurs couleurs, exposées à l'air depuis trois ou quatre mille ans, l'emportent quelquefois en éclat sur les nôtres, et qu'ils possédaient au suprême degré l'art de les marier ensemble, sans en laisser prédominer aucune ; au milieu d'une foule de teintes variées, l'oeil n'aperçoit aucun papillotage. Les chairs humaines sont constamment peintes en rouge ou en jaune."
Extrait de Lettres sur l'Orient, écrites pendant les années 1827 et 1828, tome second, Paris 1829, par le vicomte Marie-Théodore Renouard de Bussière (1802-1865), diplomate (1821-1830), historien et peintre. Il réalise de longs voyages en Orient, se rendant à Constantinople, visitant toute l'Égypte et la Nubie, traversant le Sinaï et rentrant par Suez et Alexandrie. En 1829, il publie deux volumes accompagnés d'un atlas de ces voyages.
Le sculpteur travaillait en entaille, en demi-relief ou en plein relief ; le peintre finissait le tableau en appliquant des teintes plates sur les objets représentés. De même que la sculpture, la peinture des Égyptiens ne peut être considérée que comme un des ornements de leur architecture ; ils n'avaient aucune idée d'ombre ni de lumière ; cependant je dois vous faire observer que leurs couleurs, exposées à l'air depuis trois ou quatre mille ans, l'emportent quelquefois en éclat sur les nôtres, et qu'ils possédaient au suprême degré l'art de les marier ensemble, sans en laisser prédominer aucune ; au milieu d'une foule de teintes variées, l'oeil n'aperçoit aucun papillotage. Les chairs humaines sont constamment peintes en rouge ou en jaune."
Extrait de Lettres sur l'Orient, écrites pendant les années 1827 et 1828, tome second, Paris 1829, par le vicomte Marie-Théodore Renouard de Bussière (1802-1865), diplomate (1821-1830), historien et peintre. Il réalise de longs voyages en Orient, se rendant à Constantinople, visitant toute l'Égypte et la Nubie, traversant le Sinaï et rentrant par Suez et Alexandrie. En 1829, il publie deux volumes accompagnés d'un atlas de ces voyages.
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