L'air était excellent, les blés avaient des épis. Des Égyptiens nous cueillirent des fèves de marais et s'étonnèrent de ne pas nous les voir manger crues comme ils le font.
Les monts de l'Arabie se baignent dans une vapeur azurée ; les bois de palmiers élèvent leurs têtes charmantes sous un ciel incomparable ; tout est vert, mais le soleil de midi a des rayons transperçants.
Le temple de Tentyris, appelé souvent Dendérah, rendu célèbre à cause du zodiaque sculpté au plafond qui fit faire tant de conjectures impies sur sa date, est un des mieux conservés de l'Égypte, mais il ne remonte qu'au temps des Ptolémées et de Néron. On y voit le portrait aux traits fins de la belle Cléopâtre. Les colonnes sont étranges, leurs massifs chapiteaux sont formés de figures colossales d'Isis.
Depuis que les hiéroglyphes ont révélé la date relativement moderne du temple tant vanté et admiré au commencement de ce siècle, et donné raison à la Bible, chacun crie à la décadence de l'art. Je me garderai bien de ne pas hurler avec les loups. Certes, toutes ces figures et ces corps emprisonnés comme des momies dans la raideur des lignes égyptiennes par des artistes grecs, ne valent point les ouvrages d'il y a trois mille trois cents ans ! Mais l'ensemble de l'édifice a beaucoup de grandeur.
Le portique, ouvrage de Tibère, est soutenu par vingt-quatre colonnes en quatre rangées. Le plafond représente le célèbre zodiaque. Les trois salles qui viennent ensuite ont une grande noblesse.
Un petit planisphère, maintenant à Paris, a été pris dans une chambre latérale. La longueur du temple est de quatre-vingt-un mètres, et sa largeur est de trente-quatre. Le portique, qui donne à l'édifice la forme d'un T, est de quarante-trois mètres sur dix-huit d'élévation intérieure. Un dromos conduisait au pylône où sont gravés les noms de Domitien et de Trajan.
Plus loin, on voit encore avec intérêt le petit temple d'Isis, le typhonium, les immenses enceintes de briques crues, le portail en pierre où est écrit le nom d'Antonin.
On lit dans les auteurs du XVIIe siècle que le temple de Tentyris avait autant de fenêtres que l'année a de jours ; "elles étaient percées de manière à ce que chacune répondît à un degré de l'un des signes du zodiaque, et que l'intérieur reçût successivement les rayons du soleil chaque jour de l'année par une fenêtre différente." Je le regrette, mais il paraît que c'est un conte.
Dupuis et son école, qui n'avaient point déchiffré les hiéroglyphes, s'émurent de ce que les deux zodiaques de Dendérah commencent par le signe du lion. Ils supposèrent qu'ils avaient été construits à une époque où le lever du soleil, le premier jour de l'année égyptienne, correspondait au point du ciel où se trouvait alors le signe du lion, ce qui donnait aux zodiaques une antiquité de quatorze mille ans !
Ô que bénie soit la bonne foi du charbonnier ! Qu'elle est réellement savante, elle qui nous fait dire tout d'abord : "Cela ne peut être, c'est contraire à la Bible."
extrait de Orient, Égypte : journal de voyage dédié à sa famille, par Mme la Comtesse Juliette de Robersart (1824-1900), femme de lettres belge d'expression française, auteure de récits de voyage
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