lundi 7 janvier 2019

"L'Égypte est entrée la première dans la voie de la nudité artistique" (Léon et Jacques Heuzey)


Une reine ou une déesse - IIIe siècle av. J.-C.  - diorite -  musée du Louvre
Le costume égyptien
"Le caractère principal du costume consiste dans l'emploi dominant, souvent même exclusif, des étoffes fabriquées avec des matières végétales, surtout avec le lin, que sa légèreté, sa fraîcheur et la facilité des lavages rendaient cher à ce peuple pour qui la propreté était une vertu , et comme une partie de la pureté. Les tissus de laine, au contraire, étaient considérés comme impurs, par un préjugé qui tient sans doute au culte des animaux, et dont on peut encore aujourd'hui constater la puissance sur les populations de l’Inde. 
Même au temps d'Hérodote, le formalisme égyptien ne tolérait la laine que pour les manteaux : encore l'usage en était-il strictement interdit aussi bien dans les temples que dans les tombeaux. Les prêtres poussaient le scrupule jusqu'à porter des sandales, non de cuir, mais de papyrus. Le luxe était dans la finesse des toiles de lin, mousselines parfois presque impalpables comme celles qui parviennent jusqu’à nous dans les trousseaux des momies.
Ces étoffes étaient blanches. L'habileté des ouvriers à tisser l'or et les couleurs ne se montre que dans la fabrication des ceintures, des écharpes, qui tranchaient sur la valeur de l’ensemble. Ainsi les habitants de l'Égypte, longtemps avant les Grecs et les Romains, attribuaient à la couleur blanche un caractère sacré : ils ne croyaient pouvoir mieux montrer leur supériorité sur les Asiatiques que par cette simplicité immaculée qui revêtait la nation tout entière du symbole de la pureté.
Une autre observation générale, c’est que le costume ne répond pas, en Égypte, à un besoin aiguisé par la rigueur du climat. Plus près de la rude éducation primitive, l'Égyptien a, comme le nègre, la peau endurcie aux ardeurs du soleil tropical ; l'instinct de la décence l’amène, seul, à se couvrir en partie le corps. L'habitude de cette nudité presque complète fit que le nu tint toujours une grande place dans les ajustements, même les plus compliqués, du costume égyptien, et y resta la principale expression de la beauté humaine. De là une prédilection marquée pour les étoffes diaphanes qui laissent transparaître autant que possible la coloration des chairs. On peut dire que l'Égypte est entrée la première dans cette voie de la nudité artistique qui, plus tard, a exercé sur l’art grec une si profonde influence."


extrait de Histoire du costume dans l'antiquité classique. L'Orient, 1935, par Léon Heuze et son petit-fils, Jacques Heuzey
(1896-1986), licencié es lettres, historien
Léon Heuzey était un archéologue français, membre de l'Académie des beaux-arts, de l'Académie des inscriptions et belles-lettres et de l'École française d'Athènes ; directeur du Département des antiquités orientales du Louvre.

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