aquarelle de Lindsay, Jane Evelyn Lady (1862 - 1948) |
Je pénétrais dans les entrailles de la terre, dans des palais souterrains, distribués, divisés avec art, soutenus par des piliers, recouverts de stuc et de peintures d'un fini admirable. Ces hiéroglyphes, ces figures, sont sans doute l'histoire des connaissances humaines : les prêtres de l'Égypte ne les confièrent aux abîmes que pour les soustraire au bouleversement du globe. Des salles se succédaient, et la dernière contenait un sarcophage d'albâtre, aujourd'hui veuf des restes qu'on y renferma. Il est gravé, couvert de caractères symboliques, et d'une étonnante conservation. Dans ces lieux de ténèbres, je me croyais sous la puissance d'Aladin, sous un charme magique : il semblait que je fusse guidé par la lumière de la lampe merveilleuse, et au moment d'être initié à quelque grand mystère. Le Bédouin qui nous suivait, expliquait facilement ces travaux surnaturels. Après le déluge, disait-il, les montagnes étaient plus tendres, les hommes plus puissants, les pierres plus légères : voilà comment furent creusés ces puits de la mort, comment furent élevées ces grandes mosquées qui couvrent notre désert. Le génie des anciens Égyptiens était spécialement consacré aux tombeaux, tandis que le génie des Grecs sacrifiait aux grâces, à la valeur, à la beauté. Les Égyptiens cachaient leur magnificence dans des souterrains : le granit, le sombre basalte, étaient les matériaux qu'ils employaient le plus habituellement. Les Grecs, au contraire, construisaient des temples de marbre blanc sur des promontoires élevés ou dans les sites les plus riants. (...)
Près de là, dans la plaine, sont deux colosses places à côté l'un de l'autre, tous deux assis, le visage tourné vers l'orient. Je considérais avec une sorte d'épouvante ces montagnes taillées par la main de l'homme, qui leur imprima son image. L'aurore trouve à présent silencieuse cette statue qui la saluait jadis par des sons harmonieux. Des inscriptions dans toutes les langues rappellent la surprise et la vénération des voyageurs frappés de ce prodige."
extrait de Voyage dans le Levant, par Louis Nicolas Philippe Auguste de Forbin (1777-1841), peintre, écrivain archéologue, successeur de Vivant Denon en 1816 comme directeur général du musée du Louvre.
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