Philibert-Louis Debucourt, "Ruines du Temple de Carnak à Thèbes" |
En approchant des ruines, il me semblait que j’entrais dans une ancienne ville de géants, qui n'avaient laissé que ces temples pour donner à la postérité une preuve de leur existence. Ces longues propylées décorées de deux obélisques et de statues colossales, cette forêt de colonnes énormes, ce grand nombre de salles qui environnent le sanctuaire, ces beaux ornements qui couvrent de tous côtés les murs et les colonnes, et qui ont été décrits par M. Hamilton ; tout cela est un sujet de stupeur pour l'Européen conduit au milieu de ces débris immenses, qui, au nord de Thèbes, dominent, comme de vieilles tours, un bois de palmiers.
Des restes de temples, des colonnes, des colosses, des sphinx, des portails, enfin des débris d’architecture et de sculpture sans nombre, couvrent le sol à perte de vue. Leur variété infinie décourage le voyageur qui voudrait en décrire l’ensemble. Sur le bord occidental même du Nil , ces antiques merveilles se prolongent sur un espace considérable.
De ce côté, les temples de Gournah, Memnonium et Medinet-Abou, attestent, par le grandiose de leur architecture, qu’ils ont fait partie de la grande cité, à laquelle ont appartenu aussi ces belles figures colossales qui sont encore debout dans les plaines de Thèbes, ces tombes nombreuses, taillées dans le roc, et celles de la grande vallée des rois, décorées de peintures et sculptures, et renfermant des sarcophages et des momies.
Une réflexion frappe l’étranger au milieu de cette cité déserte : comment se fait-il qu’un peuple, qui semble avoir bâti pour l’éternité, ait disparu de la terre sans laisser à la postérité le secret de sa langue et de son écriture ?
Après avoir jeté un coup d’œil rapide sur Louxor et Carnak, où ma curiosité m’avait conduit immédiatement après mon débarquement, je traversai le Nil pour me rendre sur la rive gauche et je me dirigeai en droite ligne sur le Memnonium. En passant devant les deux figures colossales qui s’élèvent dans la plaine, je payai à ces monuments gigantesques, mais mutilés, un tribut d’admiration ; le premier objet que j’aperçus ensuite, ce fut le Memnonium même. Élevé au-dessus de la plaine, cet édifice n’est point atteint par les débordements annuels du Nil ; les eaux du fleuve n’arrivent qu’aux propylées, dont la situation est beaucoup plus basse que celle du temple. Il faut que le lit du Nil se soit fort exhaussé depuis que le Memnonium a été construit, puisqu’il n’est pas vraisemblable que les Égyptiens aient voulu exposer aux inondations les propylées qui servaient d’entrée au temple, et les rendre par conséquent impraticables pendant les débordements.
D’autres preuves fortifient la probabilité de cette conjecture (...). Les assemblages des colonnes, et les tombes creusées dans les rochers qui s’élèvent derrière l’édifice excitèrent en moi un nouvel étonnement, par la singularité de leur aspect. En approchant des ruines, mes regards rencontrèrent le colosse représentant ou Memnon ou Sesostris, ou Osymandias, ou Phaménoph, ou peut-être quelque autre roi d'Égypte ; car les opinions sur cette statue varient tellement qu’à force d’avoir reçu des noms, elle n’en a pas du tout.
On peut seulement présumer que c’était une des statues les plus vénérées des Égyptiens ; car autrement on n’aurait pas transporté d’Assouan à Thèbes un bloc de granite semblable, plus difficile à déplacer que la colonne de Pompée à Alexandrie."
extrait de Voyages en Égypte et en Nubie... suivis d'un voyage sur la côte de la Mer Rouge et à l'oasis de Jupiter Ammon, 1821, par Giovanni Battista Belzoni (1778 - 1823), explorateur et égyptologue italien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.