Je ne sais si, comme le dit Chevrillon dans son volume Terres mortes, il n'y a rien, il n'y a jamais rien eu de comparable à cela ; ce qui est certain, c'est que de ma vie, sauf peut-être le Colisée, je n'ai trouvé quelque chose m'impressionnant autant, non tout de suite peut-être, mais quand, après quelques minutes, j'ai senti, j'ai compris la formidable majesté de cette salle incomparable.
Combien plus formidable encore devait-elle être dans la pénombre religieuse, quand seulement par les hautes fenêtres de la grande nef pénétrait la lumière sous le pesant plafond bleu! (...)
Je suis resté plus d'une heure dans la salle hypostyle ; il faut du temps pour la comprendre, de même que ce n'est qu'après une longue contemplation qu'on saisit bien les beautés de la Joconde ou de la Madone du grand duc, mais alors, comme cette immensité vous prend tout entier, vous environne, vous écrase !
Partout la ligne droite, inflexible, dure ! Quand les blocs démesurés des plafonds pesaient sur ces lourdes colonnes, ils pesaient aussi sur l'âme des fidèles, et aujourd'hui, nous-mêmes, nous parlons bas, comme dans la nef d'une cathédrale, comme si là-bas, au fond, pendait encore l'immense draperie frangée d'or qui cachait le tabernacle d'Ammon-Ra, roi des dieux.
Cette grandeur annihile les pauvres pygmées que nous sommes, mais pour éprouver cette sensation, cet écrasement, il faut la solitude, le silence. Comment sentir la musique au milieu des rires et des cris ? Comment être ému de la majesté d'un temple au milieu des plaisanteries d'une compagnie joyeuse ?
L'heure passée là avec M. E. silencieux comme moi, ému comme moi de l'étreinte des choses sublimes, restera parmi les plus précieuses de mes souvenirs."
extrait de Cinq Semaines en Égypte. Notes de voyage, 1903, par H. R. (vraisemblablement Henri Richardot, 1845-1927, poète et homme de droit français)
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